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Posts Tagged ‘principe de légalité’

Vitrail représentant le prophète Moïse tenant les deux Tables des Dix Commandements donnés par l’Éternel au mont Sinaï (Dinant, Namur, Wallonie).

Après une quinzaine d’années d’étude, de recherche, de réflexion, de rédaction, de discussion et de débat sur la théologie chrétienne du gouvernement civil et sur l’histoire du droit politique occidental, et après consultation de plusieurs confrères protestants réformés et d’homologues historiens, je propose la présente bibliographie sélective partiellement commentée sur ce thème à la fois passionnant et vital au salut temporel de toute collectivité humaine.

N.B. Les citations de couleur brune/marron insérées au début ou à travers chacune des sections leurs servent d’introduction. Tirés des sources primaires ou secondaires, elles résument et/ou corroborent (sans nécessairement approuver) le sens général des références énumérées dans leur section respective. À l’intérieur de chacune des sections, j’ai tâché d’énumérer les références en combinant un ordre chronologique (du plus ancien au plus récent), un ordre logique (du plus simple ou basique au plus complexe ou sophistiqué) et un ordre linguistique (priorité du français sur l’anglais, lorsque opportun). La typographie ainsi que les abréviations des adjectifs numéraux ont été standardisés.

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Table des matières de la bibliographie

1. La théologie patristique du gouvernement civil

2. L’erreur de la cléricocratie

3. L’erreur de l’érastianisme

4. La tradition civiliste ou romano-germanique

5. La common law (tradition juridique anglaise)

6. La relation entre l’Église et l’État à Constantinople

7. L’abolition de l’esclavage en Europe médiévale puis en Occident moderne

8. La systématisation de la féodalité en Europe de l’Ouest

9. Les républiques urbaines et le mouvement communal

10. Le développement de la primauté du droit

11. Le constitutionnalisme et le parlementarisme allianciels/contractuels

12. La théologie luthérienne du gouvernement civil

13. Genève – Prototype de la Réformation planétaire

14. Les huguenots français – Résistance héroïque et survivance communautaire

15. Les (re)réformés ou (néo)calvinistes allemands et néerlandais

16. La théologie puritaine du gouvernement civil

17. La mythologie progressiste des chasses aux sorcières

18. De la Chrétienté en Amérique – Présence du christianisme dans l’ordre constitutionnel et la culture politique états-uniens

19. Le contrat social protestant pervertit par le laïcisme

20. La Révolution française – Rationalisme dévergondé et Terreur génocidaire

21. Le Grand Renversement piétiste et pessimillénariste

22. Théologie de résistance, guerre juste et droit militaire

Addendum # 1 – Réfutation du fallacieux concept de « césaropapisme »

Addendum # 2 – Le droit agricole occidental au Moyen Âge central

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1. La théologie patristique du gouvernement civil

« L’Éternel aime la justice et le droit. »
— Psaume 33:5

« La véritable justice n’existe que dans cette république dont le Christ est le fondateur et le gouverneur. »
— Augustin d’Hippone, La Cité de Dieu (2:21), 426 ap. J.-C.

« Cesse, je t’en prie, et souviens-toi que tu es un homme mortel. […] Ne t’occupe pas des affaires ecclésiastiques et ne nous donne pas des ordres à leur sujet, mais plutôt apprends-les de nous. Dieu t’as donné la basiléia [= l’autorité étatique], à nous il a confié les affaires de l’Église ; et de même celui qui empiéterait sur ton pouvoir contreviendrait aux prescriptions de Dieu, de même crains qu’en tirant à toi les affaires de l’Église tu ne t’exposes à une grave accusation. »
— Athanase d’Alexandrie, Histoire des ariens (section 44), 357 ap. J.-C., citant une lettre de l’évêque nicéen
Ossius de Cordoue à l’Empereur arien Constance II, 353 ap. J-C.

Entrée en matière : Aujourd’hui, la mythologie postmoderne veut que l’architecte du christianisme politique ait été l’Empereur romain Constantin Ier le Grand (272-337). Dans la projection fantasmée des cinéastes laïcistes comme Dan Brown (Da Vinci Code) ou Gérard Mordillat et Jérôme Prieur (L’Apocalypse), Constantin n’aurait été qu’un mégalomane machiavélique exclusivement motivé par son insatiable soif de pouvoir. Toutefois, il est bien documenté que la théologie chrétienne du gouvernement civil avait commencée à se déployer longtemps avant l’entrée en scène de Constantin en Occident en 312 et en Orient en 324. En outre, des travaux récents de la communauté historienne démontrent que la politique religieuse constantinienne fut beaucoup plus modérée et conciliante que veut nous le faire croire le discours séculariste lamentant l’« alliance du trône et de l’autel ». D’autre part, il importe de souligner que l’Empire romain ne fut pas le premier État à reconnaître le christianisme comme religion officielle. En effet, pendant que Rome vouait encore un culte idolâtre à Jupiter & Junon, c’est l’Osroène, l’Arménie et la Géorgie qui devinrent les trois premières nations baptisées (Matthieu 28:19). Enfin, il ne faut pas oublier un autre théâtre géographique où le christianisme façonna la vie civique dès l’Antiquité : la Nubie et l’Abyssinie en Afrique de l’Est.

⇒ Sur la théologie politique patristique pré-constantinienne de Méliton de Sardes (†c.185), Tertullien de Carthage (c.160-220) et Origène d’Alexandrie (186-254) : Peter Leithart, Defending Constantine : The Twilight of an Empire and the Dawn of Christendom, InterVarsity Press, Westmont (Illinois), 2010, p. 279-287 sur 373.

⇒ Sur la théologie politique de Tertullien de Carthage et de Lactance d’Afrique (c.255-325) :

⇒ Sur la théologie politique de Tertullien de Carthage, Clément d’Alexandrie (c.150-215), Origène d’Alexandrie, Eusèbe de Césarée (c.265-339), Ambroise de Milan (339-397), Augustin d’Hippone (354-430) et Agapet de Constantinople (†ap. 527) : John Eidsmoe, Historical and Theological Foundations of Law, Vol. 2 : Classical and Medieval, Tolle Lege Press, Powder Springs (Géorgie), 2011, p. 593-607 sur 968 (à partir de l’intertitre Early Christian Thinkers on Law and Government).

⇒ Pour un bref résumé de la politique religieuse & culturelle de Constantin Ier le Grand puis de Théodose Ier le Grand (c.347-395) : Tribonien Bracton, « Le christianisme s’est-il imposé en Europe par la coercition ? », Le Monarchomaque, publié le 26 août 2011.

⇒ Pour un survol sommaire de la politique religieuse & culturelle de Constantin Ier : Tribonien Bracton, « Le mythe de la chute constantinienne de l’Église », Le Monarchomaque, publié le 27 décembre 2017. Cet article puise essentiellement dans :

⇒ Pour des analyses en profondeur de la politique religieuse & culturelle de Constantin Ier :

⇒ Sur la théologie politique de l’exégète chrétien Ambrosiaster (actif en Italie autour de l’an 375) : David Hunter, « Ambrosiaster », chapitre 11 dans Philip Reynolds (éd.), Great Christian Jurists and Legal Collections in the First Millennium, Cambridge University Press, Cambridge (R.-U.), 2019, p. 252-265 sur 506.

⇒ Sur la gravité réelle de la persécution anti-chrétienne de Julien l’Apostat (en 361-363), et l’explication que ce regain de despotisme païen fut le catalyseur qui conduisit les chrétiens romains à comprendre que seule la « mise hors d’état de nuire » du paganisme pouvait durablement établir les conditions nécessaires à leur survie collective :

« La Providence divine nous a donné des princes qui ont aboli les sanguinaires édits des tyrans, et qui prennent soin de la vie de ces hommes qui, ayant dissipé les ténèbres des siècles passés, font luire sur nous les lumières de la paix. […] Dieu tend une main secourable aux malheureux ; il essuie les larmes des affligés ; ses ennemis sont terrassés. […] Ces méchants, qui tant de fois se sont enivrés du sang des chrétiens, ont rendu leurs âmes criminelles au milieu des supplices qu’ils avaient si justement mérités ; car le Tout-Puissant n’avait différé leur châtiment que pour laisser un témoignage authentique qu’il n’y a qu’un Dieu, et que par des morts terribles il sait se venger de ses adversaires impies et superbes. »
— Lactance d’Afrique, De la mort des persécuteurs, 315 ap. J.-C.

« Il n’existe aucune trace historique du IVème siècle indiquant que qui que ce soit ait été accusé et condamné en justice pour avoir sacrifié aux dieux [païens]. »
— Rodney Stark, Cities of God, 2007, p. 198

⇒ Sur l’absence de purge anti-païenne suite à la défaite de Julien l’Apostat et la reprise du pouvoir par les forces politiques chrétiennes : Marie-Françoise Baslez (dir.), Chrétiens persécuteurs : Destructions, persécutions et violences religieuses au IVème siècle, Éditions Albin Michel, Paris, 2014, 464 p.

⇒ Steve Halbrook, « Firmicus Maternus : Early Christianity’s Theonomy Apologist », Theonomy Resources, publié le 11 octobre 2013.

⇒ Steve Halbrook, « Emperor Theodosius Ends the Pagan Olympics (Theonomy Applied) », Theonomy Resources, publié le 22 août 2016.

⇒ Sur l’absence d’application des lois répressives anti-païennes par la magistrature romaine aux IVème, Vème et VIème siècles (Édit de Thessalonique en 380, Édit de Théodose en 392, etc.) : Rodney Stark, Cities of God {↑}, p. 196-202.

⇒ Sur la théologie politique de Jean Chrysostome (c.345-407) : Tribonien Bracton, « Romains 13 et la distinction entre office et officiant chez Chrysostome et Rutherford », Le Monarchomaque, publié le 4 février 2014.

⇒ Sur la théologie politique d’Augustin d’Hippone (354-430) :

⇒ Sur la théologie politique de l’érudit hors-pairs Isidore de Séville (556-636) en Hispanie wisigothique :

⇒ Christianisme politique en Osroène, contrée située dans la grande boucle de l’Euphrate en Haute-Mésopotamie (voir cartes ci-dessous) et dont la capitale – Édesse – était le berceau spirituel, intellectuel et culturel de la Chrétienté d’expression araméenne :

⇒ Christianisation politique du Royaume d’Arménie en Anatolie en 301-314 par l’évangéliste Grégoire l’Illuminateur (257-331) et le Roi Tiridate IV Hélios (c.250-330)… une tradition légendaire veut que les premiers évangélistes de l’Arménie aient été l’apôtre Nathanaël (alias Barthélemy) et l’apôtre Jude (alias Thaddée), fable qu’il faut sans doute classer au rang de l’hagiographie dévote :

⇒ L’importance de l’invention de l’alphabet arménien et de la traduction de la Bible en arménien par le savant Mesrop Machtots (362-440) en l’an 405 dans la construction nationale arménienne : Jean-Pierre Mahé, L’alphabet arménien dans l’histoire et dans la mémoire, Les Belles Lettres, Paris, 2018, 402 p.

⇒ Collectif, « Sources of Armenian Law », Vemkar (Diocese of the Armenian Church of Eastern America), publié le 17 mars 2020.

⇒ Collectif, « Lessons in Social Justice from St. Nersess the Great [†373] », Vemkar (Diocese of the Armenian Church of Eastern America), publié le 16 juin 2020.

⇒ Christianisation politique de la Géorgie dans le Caucase amorcée en 276-301 puis consolidée par le Roi Mirvan III d’Ibérie (265-361) et son épouse la reine Nana d’Ibérie (c.292-361) dans la première moitié du IVème siècle :

  • Jean-Pierre Mahé, « La Géorgie chrétienne », Clio, publié en novembre 2001, 5 p.
  • Le récit semi-légendaire du Vème siècle relatant l’évangélisation de la Géorgie par l’apôtre André puis – trois siècles plus tard – sa conversion par « sainte » Nino de Cappadoce (296-335) : Macaire III d’Antioche, Histoire de la conversion des Géorgiens au christianisme, Wikisource.
  • Bernadette Martin-Hisard, « Le christianisme et l’Église dans le monde géorgien », Histoire du christianisme des origines à nos jours, Tome 3 : Les Églises d’Orient et d’Occident (432-610), Éditions Desclée de Brouwer, Paris, 1998, p. 1169-1239 sur 1321.
  • Tamila Mgaloblishvili (dir.), Ancient Christianity in the Caucasus, Curzon Press, Richmond (Yorkshire), 1998, 288 p.
  • Christopher Haas, « Mountain Constantines : The Christianization of Aksum and Iberia », Journal of Late Antiquity (John Hopkins University Press), Vol. 1, N° 1,  printemps 2008, p. 101-126.

⇒ Christianisme politique en Afrique de l’Est (Haute-Égypte, Soudan-du-Nord, Soudan-du-Sud et Corne de l’Afrique) au Moyen Âge : Le Royaume chrétien de Nobatie, le Royaume chrétien de Makourie, le Royaume chrétien d’Alodie (ou Alwa) et le Royaume chrétien d’Axoum (ou Aksoum) :

Voici un diaporama cartographique sur l’Osroène, l’Arménie, la Géorgie, la Nubie et Axoum. La Géorgie antique était divisée en deux États géorgiens, à savoir le Royaume d’Ibérie à l’est et le Royaume de Colchide à l’ouest. La Nubie médiévale était divisée en trois principautés chrétiennes, à savoir la Nobatie, la Makourie et l’Alodie :

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2. L’erreur de la cléricocratie

« Le pape est le seul homme dont tous les princes baisent les pieds [!]. »
« Seul, il peut user des insignes impériaux. »
« Il lui est permis de déposer les empereurs. »
— Pape Grégoire VII, décret Dictatus papæ (art. 9, 8 et 12), 1075

« La puissance spirituelle l’emporte par la dignité et la noblesse sur toute puissance temporelle [sic], nous devons l’affirmer, aussi clairement que les choses spirituelles l’emportent sur les temporelles. »
— Pape Boniface VIII, bulle Unam sanctam, 1302

« Autrefois, la coutume existait parmi les croyants, lorsqu’ils avaient un différend entre eux – afin d’éviter de plaider [devant les tribunaux civils, car c’était des instances païennes (cf. 1 Corinthiens 6:1-10), ou car le système judiciaire romain était chroniquement dysfonctionnel] – de prendre l’évêque comme arbitre, car ils ne doutaient pas de son équité. Les évêques, bien que cela leur déplût, étaient souvent sollicités pour ces arbitrages. Mais afin que les parties ne soient pas soumises aux contraintes d’un procès, ils se résolvaient à faire face à ces inconvénients, comme en témoigne Augustin [Du travail des moines (29:37), etc.]. Leurs successeurs ont fait de ces arbitrages volontaires un pouvoir ordinaire, dans le seul but d’éviter des procès aux personnes concernées. Plus tard, quand des villes et des pays se sentaient en danger et sans sécurité, ils ont pris leurs évêques pour porte-parole afin d’être sous leur sauvegarde et sous leur tutelle. Les successeurs se sont faits, de façon subtile, de protecteurs, des seigneurs et des maîtres. De plus, personne ne peut contester qu’ils ont obtenu une grande partie de ce qu’ils ont soit de force, soit à la suite de conspirations. »
— Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne (4:11:10), 1560/2009, p. 1147-1148

Définition de la cléricocratie : La cléricocratie (« pouvoir au clergé ») préconise la supériorité hiérarchique de l’Église sur l’État – et incidemment – le contrôle de l’État par l’Église. Cette position est aussi connue sous les appellations d’ecclésiocratie (« pouvoir à l’Église »), de gélasianisme (référant au pape Gélase Ier de la fin du Vème siècle), de théorie dite des deux glaives / deux épées, de grégorianisme (référant à la Réforme grégorienne déclenchée par le pape Grégoire VII en 1075) et d’ultramontanisme (expression signifiant littéralement « au-delà des montagnes » et renvoyant aux Alpes séparant la Péninsule italienne et la Papauté romaine du reste de l’Europe).

⇒ Texte de la première affirmation patristique connue de la supériorité de l’Église sur l’État (cléricocratie), à savoir la 12ème lettre du pape Gélase Ier (†496) à l’Empereur romain Anastase Ier le Silentiaire (430-518), en l’an 494 : Gilbert Dagron, Empereur et prêtre : Étude sur le « césaropapisme » byzantin, Éditions Gallimard, Paris, 1996, p. 310 sur 448…

« Il y a deux choses [certaines traductions rendent ‹ deux pouvoirs › ou ‹ deux principes ›], empereur auguste, par lesquelles ce monde est principalement régi : l’autorité sacrée des pontifes et le pouvoir royal. Et pour les deux, les prêtres ont une tâche d’autant plus lourde qu’ils devront rendre des comptes devant Dieu pour les rois eux-mêmes.

Tu le sais, en effet, fils très clément, bien que par ta dignité tu sois à la tête du genre humain, tu inclines cependant pieusement la nuque devant les hiérarques [= les prélats] en charge des choses divines, et c’est d’eux que tu attends les moyens d’être sauvé. Et pour recevoir les célestes mystères et en disposer comme il convient, tu reconnais que tu dois te soumettre à la règle de la religion plutôt que commander, et que par conséquent, pour tout cela, tu dépends du jugement [des prélats], et ne peut prétendre les réduire à ta volonté. […]

Ta piété se rend compte avec évidence que jamais personne, sous aucun prétexte humain, ne peut s’élever au-dessus du privilège et de la reconnaissance de celui que la parole du Christ a placé au-dessus du monde entier [= le pape], que l’Église vénérable a toujours reconnu et place dévotement au premier rang. »

⇒ Sur le phénomène de cléricocratie épiscopale–municipale dans les royaumes germaniques dits « barbares » à la fin de l’Antiquité (processus par lequel la gouvernance étatique des cités d’Europe de l’Ouest fut progressivement abandonnée entre les mains des évêques chrétiens par l’aristocratie romaine) :

⇒ La féodalisation de l’épiscopat en Germanie, le Reichskirchensystem (« système ecclésiastique impérial »), la Réforme grégorienne (aussi appelée  Révolution papale par des historiens), la Lutte du sacerdoce et de l’Empire, la Querelle des investitures et les Dictatus papæ lancés par le pontife romain Grégoire VII en 1075 :

⇒ La cléricocratie des pontifes Grégoire VII (1020-1085), Alexandre III (c.1105-1181), Innocent III (1160-1216) et Boniface VIII (1235-1303) ainsi que du théologien italien Gilles de Rome (1247-1316, prieur-général de l’Ordre des augustiniens puis archevêque de Bourges) et la critique de cette cléricocratie par le théologien français Jean de Paris (c.1255-1306) : Jean-Marc Berthoud, L’histoire alliancielle de l’Église dans le monde, Tome 2 : L’aboutissement thomiste, l’automne du Moyen Âge [et] le renouveau de la Réforme, chapitre 3 : La fin de l’Empire hiérocratique pontifical, Éditions Messages, Lausanne (Romandie), 2018, p. 117-139 sur 734.

⇒ Le 4 juin 1133, le prince allemand Lothaire III de Supplimbourg (1075-1137) fut couronné empereur germanique par le pape Innocent II (†1143) au palais du Latran à Rome (la résidence principale des papes avant qu’ils ne déménagent au palais du Vatican dans cette même ville). Après cet événement surtout protocolaire et diplomatique, Innocent II fit dresser au Latran une fresque le montrant en train de déposer la couronne impériale sur la tête de Lothaire III agenouillé devant lui en geste de soumission, signifiant par là que le pape était le suzerain de l’empereur, son vassal : Horst Fuhrmann, Germany in the High Middle Ages (1050-1200), Cambridge University Press, Cambridge (R.-U.), 1986, p. 144 sur 209.

⇒ La formulation et l’évolution de la théorie dite des « deux glaives / deux épées » (une allusion artificielle à Luc 22:38), diffusée dans la Chrétienté latine à partir de 1150 environ par le théologien catholique français Bernard de Clairvaux (fondateur de l’Ordre monastique des cisterciens) puis la « canonisation » de cette théorie par le pontife romain Boniface VIII dans sa bulle Unam sanctam de 1302 :

⇒ Dans les décennies 1220 et 1230, les avocats canonistes Saint-Siège allèguent que le glaive de l’État serait tellement subordonné au glaive de l’Église que – légalement – l’empereur recevrait son glaive des mains du pape, lequel serait le seul véritable empereur (!) : Jacques Le Goff et Jean-Claude Schmitt, Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Éditions Fayard, Paris, 1999, p. 355 sur 1236.

⇒ Les revendications légales précises de la cléricocratie papale pendant la Réforme grégorienne = compétence personnelle (ratione personae) exclusive sur tous les membres du clergé ; compétence matérielle (ratione materiae) exclusive sur la totalité des affaires en droit matrimonial, des affaires en droit successoral, des poursuites pour infractions sexuelles, des litiges en responsabilité contractuelle avec présence d’un serment de fidélité et des litiges en responsabilité extra-contractuelle affectant une propriété ecclésiastique : Harold Berman, « Religious Foundations of Law in the West : An Historical Perspective », Journal of Law and Religion (Emory University), Vol. 1, N° 1, été 1983, p. 3-43.

⇒ Une impulsion cléricocratique chez le « docteur angélique » : Jean-Paul Boyer, « “Reges sunt vassali Ecclesie” : Le pouvoir temporel selon Thomas d’Aquin », Rives méditerranéennes (Presses universitaires de Provence – PuP), N° 19, 2004, p. 27-40.

⇒ Le « pape terrible » & « pape soldat » (dixit les contemporains) de la soi-disant « Renaissance » italienne, Giuliano della Rovere (1443-1513), l’un des cléricocrates les plus emblématiques de la monarchie pontificale : Ivan Coulas, Jules II, Éditions Fayard, Paris, 1990, 400 p.

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3. L’erreur de l’érastianisme

« Tout doit être laissé à la discrétion de l’État [sic !]. »
— John Selden, Histoire des dîmes, 1618

« Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle l’État devrait et pourrait, dépassant en cela les compétences de sa mission particulière, prétendre devenir l’ordre unique et total de toute la vie humaine et remplir ainsi jusqu’à la vocation même de l’Église. Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle l’Église devrait et pourrait, dépassant en cela les compétences de sa mission particulière, s’approprier le caractère, les tâches et le prestige de l’État et devenir ainsi elle-même un organe de l’État. »
— Église confessante d’Allemagne, Déclaration du Synode de Barmen (art. 5), 1934

« L’État fonctionne de manière séparée des Églises. Les Églises sont indépendantes. L’État doit coopérer avec les Églises pour l’atteinte des objectifs de la collectivité. »
Loi Fondamentale de Hongrie (art. 7:2), 2010

Définition de l’érastianisme :

« Contrôle séculier de l’Église, même dans les affaires ecclésiastiques. L’érastianisme doit son nom à un théologien suisse, Thomas Lüber (v.1524-1583), plus connu sous son pseudonyme humaniste d’Erastus. L’Explicatio Gravissimæ Quaestionis d’Erastus a été publiée à Londres en 1589. C’est un recueil de thèses diffusées par Erastus après son arrivée à Heidelberg en 1558. […] L’Explicatio a été utilisée pour justifier la revendication d’un contrôle accru de l’Église par l’État à la fin du XVIème et au XVIIème siècle. » Source : Collectif, Encyclopedia of the Renaissance and the Reformation, Market House Books – Facts on File, Aylesbury (Buckinghamshire), 2004, p. 167.

« Ce livre [= l’Explicatio] fut traduit en anglais sous le titre The Nullity of Church Censures [= La nullité des censures d’Église] en 1659, mais ses idées avaient commencées à prendre racine [dans les îles britanniques] à la fin du XVIème siècle. Les préceptes érastiens influencèrent Richard Hooker [(1554-1600), prêtre anglican], qui défendit la suprématie du pouvoir séculier dans son ouvrage Ecclesiastical Polity [= Gouvernance ecclésiastique] (1594), et ils surgirent au premier plan à l’Assemblée de Westminster (1643). » Source : Collectif, « Erastianism », The Oxford Dictionary of the Christian Church, Oxford University Press, Oxford (R.-U.), 1997, p. 558 sur 1786.

« Répandues en Angleterre, les idées d’Erastos seront reprises ensuite par Thomas Hobbes dans le contexte moderne d’un État sécularisé [sic : paganisé]. On reconnaît alors aux représentants de l’État, quelle que soit la religion qu’ils professent individuellement, le droit de légiférer en matière religieuse sur l’Église établie. » Source : André Duval, « Érastianisme », Encyclopédie Universalis, accès électronique payant, consulté le 1ier avril 2019.

⇒ L’érastianisme administratif dans le Royaume d’Aksoum puis l’Empire d’Abyssinie (actuelles Éthiopie et Érythrée) du IVème au XVIème siècles – particulièrement le roi Zar’a Ya’eqob (1399-1468) qui prétendait descendre du roi Salomon (règne 971-931 av. J.-C.) en Israël et de la reine de Saba (†?) en Arabie heureuse :

⇒ L’assujettissement de l’épiscopat gallo-franc au pouvoir étatique via sa fonctionnarisation par ce dernier dans la Gaule mérovingienne puis carolingienne : Bruno Dumézil, Des Gaulois aux Carolingiens {↑}, p. 141-145.

⇒ L’assujettissement de l’épiscopat germanique au pouvoir étatique via sa fonctionnarisation par ce dernier dans la Germanie carolingienne puis ottonienne : Geneviève Bührer-Thierry, Évêques et pouvoir dans le Royaume de Germanie : Les Églises de Bavière et de Souabe (876-973), Éditions Picard, Paris, 1997, 278 p.

⇒ L’érastianisme dans le luthéranisme allemand : James Estes, Peace, Order, and the Glory of God : Secular Authority and the Church in the Thought of Luther and Melanchthon (1518-1559), Koninklijke Brill, Leyde (Hollande-Méridionale), 2005, 238 p.

⇒ Court résumé des méfaits à long terme de l’érastianisme dans l’Église d’Écosse : Brian Schwertley, National Covenanting : Christ’s Victory over the Nations, Covenanted Reformation Press, Comté de Waupaca (Wisconsin), p. 1-16 sur 526.

⇒ L’opposition fidèle du réformateur Pierre Viret (1511-1571) à l’érastianisme de son époque en Suisse : Jean-Marc Berthoud, L’histoire alliancielle de l’Église dans le monde, Tome 2 {↑}, chapitre 10 : Pierre Viret et le refus de l’Église de plier devant la puissance de l’État, p. 494-510.

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4. La tradition civiliste ou romano-germanique

« Le Code Théodosien était bien organisé et pratique. Mais ce n’était, en analyse finale, qu’un compendium de décrets et de statuts arrangés par catégorie, plutôt qu’un code intégré et systématique. Ceci allait venir un siècle plus tard, le produit de Justinien et de son habile juriste, Tribonien. »
— John Eidmoe, Historical and Theological…, Vol. 2, p. 580

« C’est à l’époque de Justinien [482-565], au VIème siècle, que s’est constitué le ‹ droit romain ›, à partir de textes épars. Le droit romain est finalement plus byzantin que romain ! Le Code de Justinien [promulgué en 529] classe, trie, rassemble les lois précédentes. Vient ensuite l’organisation des études du droit (les Instituts) et, avec le Digeste [tous deux promulgués en 533], le rassemblement d’une jurisprudence, [c’est-à-dire] des fragments de grands juristes romains comme Paul [c.160-235] ou Ulpien [c.170-225]. Cet édifice est complété par les Novelles [promulguées de 534 à 565], ‹ nouvelles lois › destinées à prolonger la codification – à l’‹ ouvrir ›, comme l’écrit Justinien lui-même – à de nouveaux problèmes de société et à une nécessaire évolution. […] Les Empereurs Basile Ier [dit le Macédonien, c.813-886] et Léon VI [dit le Sage, 866-912], au IXème siècle, firent traduire en grec, dans les Basiliques [promulguées en 888], la codification de Justinien […]. Mais à ce socle de législation ancienne s’ajoutèrent des manuels plus simples et mieux adaptés à la pratique judiciaire, comme l’Epanagogê [promulgué en 879-886] et le Procheiron [promulgué en 876]. Ce n’est pas le moindre mérite de Byzance d’avoir su distinguer le juridique du judiciaire. Un juriste glose les textes fondateurs du droit ; un juge a pour mission non de les appliquer brutalement, mais de s’en inspirer pour régler un cas individuel. Cette large vue panoramique des horizons du droit est quelque chose d’entièrement neuf, de très byzantin et de parfaitement ‹ romain ›. »
— Gilbert Dagron, « Le droit romain est byzantin ! », L’Histoire, hors-série N° 80 : Byzance – L’empire de mille ans, juillet-septembre 2018, p. 30.

Entrée en matière : La tradition civiliste est la première des deux grandes traditions juridiques d’origine européenne. Elle est aussi appelée tradition romano-germanique parce qu’après avoir été redécouverte à Bologne (Italie du Nord) autour de 1080, elle prit son essor en Europe romane (= grosso modo, les territoires situées à l’ouest du Rhin et au sud des Alpes) ainsi qu’en Europe germanique (= grosso modo, les territoires situées à l’est du Rhin et au nord des Alpes) grâce au réseau universitaire créé pour la même occasion. Elle est aussi parfois désignée comme étant la tradition romano-byzantine ou simplement byzantine parce qu’elle remonte en fait à l’Empire romain d’Orient, lui-même aussi nommé Empire byzantin (d’après Byzance, l’ancien nom de Constantinople).

⇒ Une vue d’ensemble de la naissance de la tradition civiliste dans l’Empire romain d’Orient en Antiquité tardive et au Haut Moyen Âge : John McGuckin, The Ascent of Christian Law {↑}, p. 47-52 et 239-266.

Des éléments de cet ouvrage ↑ – combinés avec d’autres sources – sont intégrés dans cet article : Tribonien Bracton, « Théonomie appliquée : Le droit moral du “Code Théodosien” et sa postérité », Le Monarchomaque, publié le 21 septembre 2012 (le Code Théodosien fut promulgué par l’Empereur romain d’Orient Théodose II en l’an 438).

⇒ Harold Berman, Droit et Révolution, Tome 1 : La formation de la tradition juridique occidentale, Librairie de l’Université d’Aix-en-Provence, 2002, 684 p.

L’édition originale anglaise de cet ouvrage ↑ parut aux Harvard University Press en 1985 sous le titre Law and Revolution, Vol. 1 : The Formation of the Western Legal Tradition, 672 p.

⇒ Le caractère non-systématisé, non-synthétisé, non-harmonisé et mal classifié du droit romano-byzantin pré-scolastique, ainsi que le travail de redressement colossal effectué par les canonistes et les civilistes occidentaux entre 1050 et 1200 (environ) : Harold Berman, Droit et Révolution, Tome 1 {↑}, p. 145-178.

⇒ La supériorité morale du système judiciaire civiliste français sur le système judiciaire de common law anglais au Bas Moyen Âge grâce à : ‹1› Une meilleure répartition territoriale des organes judiciaires professionnels ; ‹2› La possibilité de porter en appel les jugements erronés à des échelons supérieurs ; ‹3› Une plus grande place accordée à la procédure écrite (mais pas à outrance comme en droit canon) ; ‹4› Un meilleur équilibre entre la sauvegarde de l’unité géopolitique de la nation et le respect des particularismes régionaux (via l’interprétation et l’application uniforme des droits coutumiers locaux ou provinciaux par des jurisconsultes royaux – prévôts, baillis/sénéchaux et juges des parlements – formés en droit romano-byzantin) :  Harold Berman, Droit et Révolution, Tome 1 {↑}, p. 478-498.

⇒ La défense magistrale de la tradition civiliste par un juriste réformé français, Hugues Doneau (1527-1591) : Christian Hattenhauer, chapitre 10 dans Olivier Descamps (éd.) et Rafael Domingo (éd.), Great Christian Jurists in French History, Cambridge University Press, Cambridge (R.-U.), 2019, p. 173-190 sur 450.

⇒ John Eidsmoe, Historical and Theological Foundations of Law, Vol. 2 {↑}, p. 571-586.

⇒ Le caractère conservateur plutôt que révolutionnaire du Code Napoléon, et l’idée du droit commun (tradition civiliste) comme étant le fruit de l’expérience et de la sagesse ancestrale : Christian Atias, « L’influence des doctrines dans l’élaboration du Code civil », Histoire de la Justice (Association française pour l’histoire de la Justice), N° 19 : Les penseurs du Code civil, 2009, p. 107-120 sur 350.

⇒ Tribonien Bracton, « Reportages sur l’histoire du Code civil des Français », Le Monarchomaque, publié le 12 mars 2021.

Enluminure de l’Empereur romain Justinien le Grand (482-565) dans un parchemin grec du Code Justinien produit vers 1300 – Bibliothèque nationale de France (BnF)

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5. La common law (tradition juridique anglaise)

« Je sais qu’en refusant aux juges le droit de déclarer les lois inconstitutionnelles [‹ droit › que les juges de common law s’arrogent dans l’Anglosphère], nous donnons indirectement au corps législatif le pouvoir de changer la Constitution [moyennant le respect des conditions impératives fixés par sa formule d’amendement !], puisqu’il ne rencontre plus de barrière légale qui l’arrête [sauf les corps collatéraux ou intermédiaires (magistrats inférieurs)]. Mais mieux vaut encore accorder le pouvoir de changer la Constitution du peuple à des hommes qui représentent imparfaitement les volontés du peuple, qu’à d’autres [= des juges] qui ne représentent qu’eux-mêmes. »
— Alexis de Toqueville, De la démocratie en Amérique, 1835

Entrée en matière : La tradition de la common law est la seconde des deux grandes traditions juridiques d’origine européenne. Elle fut élaborée en Angleterre au Moyen Âge central dans un contexte tumultueux de guerres civiles. Pendant ses quatre premiers siècles d’existence, la common law restât confinée à la petite Angleterre. Tombée en désuétude et en discrédit au Bas Moyen Âge à cause de son caractère archaïque (pour ne pas dire ésotérique), elle fut réinventée par une poignée de jurisconsultes anglicans au XVIIème siècle, juste avant d’être exportée par l’Empire britannique aux quatre coins du monde et ainsi de parvenir à rivaliser avec le civilisme caractéristique des nations civilisées.

Mise en garde : La particularité la plus saillante et la plus problématique de la common law est qu’elle présuppose que les tribunaux sont les institutions dominantes de la vie politique. Concrètement, ceci se traduit par la soumission des pouvoirs législatifs & exécutifs aux diktats de l’appareil judiciaire et par l’appropriation croissante des compétences exclusives des organes législatifs & exécutifs par la judicature. L’on parle alors du phénomène de la suprématie judiciaire ou du gouvernement des juges. Notez que dans la seconde moitié du XXème siècle, la plupart des structures étatiques d’Europe continentale tant nationales que supra-nationales – furent silensieusement contaminées par la mentalité de la common law (sous prétexte d’indépendance judiciaire). Par conséquent, aujourd’hui, que ce soit au grand jour ou dans les coulisses, la common law impacte aussi l’activité étatique des pays hors de l’Anglosphère.

⇒ Établissement des institutions judiciaires originelles du système légal de common law en Angleterre par les souverains anglo-normands puis anglo-angevins de la dynastie des Plantagenêts, c’est-à-dire création des Justices in Eyre (juges itinérants) en 1166, érection de la Cour du Banc du roi en 1175, organisation des circuits judiciaires en 1176, érection de la Cour des Plaidoyers communs en 1178, judiciarisation des writs of rights (ordonnances administratives étatiques) en 1179, érection de la Cour de l’Échiquier en 1198, etc. : Harold Berman, Droit et Révolution, Tome 1 {↑}, p. 451-475.

⇒ Un survol historique du développement de la common law anglaise médiévale, couvrant les périodes des Plantagenêts jusqu’aux Tudors inclusivement : John Eidsmoe, Historical and Theological Foundations of Law, Vol. 2 {↑}, p. 927-958.

⇒ Mark Hill (éd.) et Richard Helmholz (éd.), Great Christian Jurists in English History, Cambridge University Press, Cambridge, 2017, 372 p.

⇒ La réinvention de la common law à l’aune de la Magna Carta par les common lawyers Sir Edward Coke, Sir John Selden et Sir Matthew Hale au XVIIème siècle :

⇒ La rivalité et concurrence des tribunaux de common law (Cour du Banc du Roi, Cour des Plaidoyers communs et Cour de l’Échiquier) avec les tribunaux de prérogative royale (Haute Cour de la Chambre étoilée, Haute Cour de la Chancellerie, Haute Cour de l’Amirauté, Cour de la Haute Commission, etc.), puis l’évincement des seconds par les premiers : Harold Berman, Droit et Révolution, Tome 2 : L’impact des Réformes protestantes sur la tradition juridique occidentale, Éditions Fayard, Paris, 2010, chapitre 10 : La transformation du droit pénal anglais, p. 505-542 sur 805.

⇒ La doctrine traditionnaire et son remplacement par l’autorité du précédent (stare decisis) dans la common law de l’Anglosphère :

⇒ Une réinterprétation positiviste anachronique de l’évolution de l’autorité du précédent (stare decisis) dans la common law de l’Anglosphère — plus précisément : Le postulat du prétendu passage d’une « conception rigide » vers une « conception souple » de l’autorité du précédent : André Émond et Lucie Lauzière, Introduction à l’étude du droit, section 3.2.2.1 : L’historique de la règle du précédent en droit anglais, Éditions Wilson & Lafleur, Montréal (Québec), 2005, p. 148-152 sur 219. La réalité historique corrrespond plutôt à l’abandon d’un système biblique/chrétien de souveraineté parlementaire (supériorité législative) au profit d’un système laïque/païen de suprématie judiciaire (gouvernement des juges).

⇒ La genèse historique de l’indépendance judiciaire, façade sémantique de la suprématie judiciaire (un fléau politique létal symptomatique de la common law de l’Anglosphère qui contamine maintenant aussi les juridictions civilistes) :

⇒ Un spécimen de confusion entre la common law insulaire et le ius communis continental (= droit commun européen / méditerranéen = civilisme remontant aux Codes Théodosien et Justinien) parmi les common lawyers anglophones : John Eidsmoe, Historical and Theological Foundations of Law, Vol. 3 {↑}, p. 983-984.

⇒ Des exemples typiques de fabulation anglomane moderne concernant la soi-disant supériorité de la common law de l’Anglosphère sur le civilisme romano-germanique de tout le reste du monde occidental (au sens large) :

⇒ La partisanerie pro-anglicane hostile aux protestants non-conformistes (dissidents non-anglicans) de la common law britannique au XVIIIème siècle : Steve Halbrook, « Sir William Blackstone on Offenses Against God and Religion », Theonomy Resources, publié le 23 septembre 2013.

⇒ L’effort louable des députés parlementaires canadiens-français d’affranchir le Canada nominalement confédéral de sa nouvelle Cour suprême (une émanation perfide et subversive de la common law britannico-américaine) : Tribonien Bracton, « 26 avril 1879 : un projet de loi visant à abolir la Cour suprême est introduit à la Chambre des Communes du Canada », Le Monarchomaque, publié le 27 juin 2014.

⇒ Une défense de la tradition civiliste (québécoise, notamment) contre les critiques injustifiées des common lawyers anglo-protestants : Tribonien Bracton, « Réflexion chrétienne sur la préférabilité du civilisme romano-germanique sur la common law britannico-américaine », Le Monarchomaque, à paraître en l’an de grâce 2022 (Dieu voulant).

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6. La relation entre l’Église et l’État à Constantinople

« Ce que les saints canons [des conciles de l’Église chrétienne] défendent, nous le défendons aussi par nos lois. »
Code Justinien (art. 1:3:44), 529 ap. J-C.

⇒ Gilbert Dagron, Empereur et prêtre {↑}, 448 p.

⇒ Francis Dvornik, Early Christian and Byzantine Political Philosophy : Origins and Background, Dumbarton Oaks, Washington (D.C.), 2020, 1008 p.

⇒ Georges Tate, Justinien : L’épopée de l’Empire romain d’Orient (527-565), Éditions Fayard, Paris, 2004, 938 p.

⇒ Pierre Maraval, Justinien : Le rêve d’un empire chrétien universel, Éditions Tallandier, Paris, 2016, 432 p.

Version condensée ↑ : Pierre Maraval, L’Empereur Justinien, Éditions du CNRS, Paris, 2019, 216 p.

⇒ Sur la tentative ratée de coup d’État perpétrée par la plèbe sportive alcoolique de Constantinople (« Sédition Nika ») contre l’Empereur Justinien Ier le Grand et sa politique pro-nicéenne de reconquête occidentale en l’an 532 : Gilbert Dagron, L’hippodrome de Constantinople : Jeux, peuple et politique, Éditions Gallimard, Paris, 2011, 448+ p.

⇒ Tribonien Bracton, « Théonomie appliquée : Les canons du Concile in Trullo sous Justinien II en 691 », Le Monarchomaque, publié le 15 septembre 2012.

⇒ Tribonien Bracton, « Le proto-protestantisme byzantin au Haut Moyen Âge », Le Monarchomaque, publié le 3 juin 2014.

⇒ Georgije Ostrogorsky, Histoire de l’État byzantin, Payot & Rivages, Paris, 2007 (1940), 650 p. Voir l’addendum # 1 placé à la fin de la présente bibliographie {↓} pour un extrait percutant tiré de cet ouvrage.

⇒ Philip Sherrard et al., Byzance, chapitre 4 : Un empereur soumis à Dieu, Éditions Time-Life, Fairfax (Virginie), collection « Les grandes époques de l’homme », 1978, p. 75-82 sur 192.

⇒ Anthony Kaldellis, The Byzantine Republic : People and Power in New Rome, Harvard University Press, Cambridge (Massachusetts), 2015, 312 p.

⇒ Sur la jonction entre la spiritualité et la juridicité dans la « Troisième Rome » ou « Nouvelle Constantinople » (Moscou, capitale de Russie) : John Witte, God’s Joust, God’s Justice : Law and Religion in the Western Tradition, chapitre 4 : Soul Wars in Russia – The Clash of Eastern and Western Christianity over Religion and Liberty, Eerdmans Publishing Company, Grand Rapids (Michigan), 2006, 512 p.

CapitaleConstantinople

Vue plongeante sur la ville de Byzance/Constantinople au Moyen Âge

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7. L’abolition de l’esclavage en Europe médiévale puis en Occident moderne

« Le sol de France affranchit l’esclave qui le touche. »
— Édit du Roi de France Louis X le Hutin, 3 juillet 1315

« [La plupart des propriétaires d’esclaves américains s’opposent à leur évangélisation car] ils croient que si on baptisait les Noirs, on ne les pourrait tenir comme esclaves après qu’ils seraient entrés en l’Église chrétienne et que ce serait là le moyen de ruiner les plantations qui ne subsistent que par le travail des esclaves. »
— Élie Neau, pasteur huguenot & instituteur de l’école africaine de New York, 15 avril 1704

⇒ L’influence déterminante de la théologie chrétienne dans l’abolition – graduelle mais ultimement quasi totale – de l’esclavage en Europe latine au Haut Moyen Âge, incluant les efforts fructueux de Bathilde de Neustrie (c.627-680), une esclave d’origine anglo-saxonne devenue Reine des Francs, en ce sens :

⇒ Présentation de la théorie de la révolution silencieuse (voulant que le christianisme apostolique n’ait pas contesté directement l’esclavage gréco-romain mais qu’il ait néanmoins contribué indirectement à son éradication en rapprochant maîtres & captifs dans la même famille spirituelle) : Cornelius Pomponius Pisces, « L’Épître à Philémon : Le regard de Paul sur l’esclavage », Humble atrium, publié le 3 août 2019.

⇒ Le support exégétique de la théorie de la révolution silencieuse (source) :

⇒ Les interventions infructueuses de la papauté pour abolir l’esclavage racial dans les empires coloniaux espagnols et portuguais aux îles Canaries et au Nouveau-Monde aux Temps modernes (bulle Sicut Dudum du pape Eugène IV en 1435, bulle Sublimis Deus du pape Paul III en 1537, condamnations supplémentaires de l’esclavage par les pontifes Urbain VIII en 1639, Grégoire XIV en 1691 et Benoît XIV en 1741), puis l’émancipation effective survenue après le renversement de la tutelle coloniale : Rodney Stark, Le triomphe de la raison {↑}, p. 277-280 et 302-305.

⇒ La contribution du christianisme (par le truchement du catholicisme) dans l’abolition de l’esclavage et de la traite négrière dans l’Empire colonial français : Nicolas Prévost, « L’esclavage et son abolition dans les colonies françaises », Association Frontenac-Amériques, publié le 23 novembre 2012.

⇒ L’influence déterminante du protestantisme dans l’abolition de l’esclavage et de la traite négrière dans l’Empire colonial britannique, incluant le rôle central de John Graves Simcoe, 1ier Lieutenant-Gouverneur du Haut-Canada (l’actuel Ontario, province la plus populeuse du Canada) :

  • « L’une des plus importantes lois que John Graves Simcoe ait contribué à faire adopter au Canada est celle de l’abolition de l’esclavage. M. Simcoe croyait à l’établissement d’une communauté modèle fondée sur des valeurs chrétiennes ; beaucoup de Canadiens le considèrent comme un personnage fondateur de l’histoire canadienne. C’est après avoir vu une esclave nommée Chloé Cooley se faire maltraiter que M. Simcoe a entrepris son travail d’abolition. Quelque temps après, guidé par ses principes chrétiens contre l’esclavage, il a incité les colonialistes [colons] britanniques du Haut-Canada à adopter une loi contre l’esclavage, en 1793. L’esclavage a cessé au Haut-Canada en 1810, soit près de 25 ans avant son abolition dans l’Empire britannique, en 1834. ‹ Les principes de la Constitution britannique n’admettent pas cet esclavage que le christianisme condamne. Dès que j’assumerai le gouvernement du Haut-Canada, rien ne m’amènera à consentir à une loi qui engendre de la discrimination par le biais d’une politique malhonnête envers les autochtones de l’Afrique, de l’Amérique ou de l’Europe. › — John Graves Simcoe, allocution devant l’Assemblée législative [du Haut-Canada]. » Source : David Clubine, « L’influence de John Graves Simcoe », Société biblique canadienne (SBC), consulté le 7 août 2019.
  • Jean Bellefeuille, « Brève histoire de l’esclavage au Canada », Conférence religieuse canadienne (CRC), consulté le 7 août 2019.
  • Derick Bingham, Libérez les esclaves ! La vie de William Wilberforce, Éditions de la Colline, Malissard (Drôme), 2020, 136 p.
  • Andrew Spencer, « Wilberforce and the Road to Abolition : A Model for Christian Cultural Engagement », Institute for Faith, Work & Economics, publié le 8 octobre 2015.
  • Joseph Boot, « William Wilberforce and Applied Christianity », Jubilee (Ezra Institute for Contemporary Christianity), printemps 2017, p. 4-12.
  • Chuck Stetson, Creating the Better Hour : Lessons from William Wilberforce, Stroud & Hall Publications, Macon (Géorgie), 2007, 350 p.

⇒ Rodney Stark, For the Glory of God : How Monotheism Led to Reformations, Science, Witch-Hunts and the End of Slavery, chapitre 3 : God’s Justice – The Sin of Slavery, Princeton University Press, Princeton (New Jersey), 2003, p. 291-365 sur 504.

⇒ Sur l’iniquité de l’illégalité de l’évangélisation des esclaves afro-américains en Caroline du Sud au XVIIIème siècle : John Eidsmoe, Historical and Theological Foundations of Law, Vol. 3 {↑}, p. 1256-1257.

⇒ Sur l’esclavage racial et non-racial dans les Treize colonies anglaises puis aux États-Unis d’Amérique :

⇒ Sur le mercantilisme économique néo-impérial imposé par les États du Nord contre les États du Sud via le gouvernement fédéral centralisateur (tarifs douaniers ultra-protectionnistes exorbitants), la sécession des États-Confédérés d’Amérique (« Dixieland »), la Guerre de Sécession (1861-1864) qui s’ensuivit, l’abolition très ostentatoire de l’esclavage par Abraham Lincoln (1809-1865) pour des fins de propagande militaire, et l’enfer collectif enduré par la population sudiste (toutes races confondues) sous la loi martiale durant la quinzaine d’années que dura la Reconstruction dictée par les Yankees de Washington :

⇒ Sur l’attitude et l’allégeance de la population afro-américaine du Dixieland vis-à-vis lordre politique confédéré et la cause sécessionniste :

⇒ Le vrai visage du tyran belliciste Abraham Lincoln (1809-1865) de sinistre mémoire :

ReineBathilde_JardinLuxembourg

Monument de Bathilde de Neustrie (c.627-680), fille esclave devenue Reine des Francs, au Jardin du Luxembourg à Paris.

8. La systématisation de la féodalité en Europe de l’Ouest

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Entrée en matière : La féodalité ou vassalité (voir définitions ci-dessous) n’est pas une invention du Moyen Âge central. Elle existait déjà, parallèlement à d’autres sortes de hiérarchisation sociale au Haut Moyen Âge et même en Antiquité sous la forme du patronage/clientélisme romain. De même, la féodalité continua d’exister au Bas Moyen Âge pendant la lente construction des États-nations centralisés en y côtoyant d’autres structures d’autorité. Ce qui fait la singularité du Moyen Âge central en Occident – l’« ère féodale » par excellence – c’est que pendant cette période d’environ trois siècles, le modèle de la féodalité s’est systématisé au point de devenir le principal type d’organisation politique en Europe latine, dixit Jacques Madaule (Académie de Versailles), Régine Pernoud (Archives nationales – France) et Didier Méhu (Université Laval – Canada).

⇒ Concernant le phénomène de décentralisation politique et de fragmentation territoriale de l’Empire carolingien, immédiatement suivi du processus inverse de recentralisation et d’unification (graduel et inégal) de l’Europe latine : Norbert Elias, La dynamique de l’Occident, 1ère partie : La sociogenèse de l’État, Éditions Calmann-Lévy, Paris, 1975, 328 p.

⇒ La vieille thèse voulant que l’essor de la féodalité soit due à l’absence de conception abstraite de l’État dans la culture politique germanique : Léopold Génicot, Les lignes de faîte du Moyen Âge, 4ème éd., section L’armature politique du Haut Moyen Âge, Éditions Casterman, Tournai (Hainaut), 1962, p. 35-40 sur 393.

⇒ Concernant l’encellulement villageois/parroissial, la Révolution agricole et l’utilisation optimale des terres arables au Moyen Âge central :

  • Didier Méhu, Gratia Dei : Les chemins du Moyen Âge, chapitre 2 : La terre et les paysans, Éditions Fides, Montréal (Québec), 2013, p. 31-57 sur 208.
  • Jérôme Baschet, La civilisation féodale {↑}, p. 165-187.
  • Anne Brenet, « Louis VI le Gros a l’esprit vert », Historia, N° 107 : Ces rois qui ont tout changé (éducation, culture, écologie), mai-juin 2007, p. 60-63.

⇒ Jean-Marc Berthoud, « La nature alliancielle de la monarchie traditionnelle française », La Croix & l’Épée, N° 18, 2003, p. 19-36.

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9. Le mouvement communal et les républiques urbaines

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« Comme dans tant d’autres aspects de l’histoire médiévale, ce fut la théologie chrétienne qui fournit la base intellectuelle à des expériences de liberté politique. […] La ‹ renaissance › de la liberté dans certains endroits d’Europe fut le résultat de trois éléments nécessaires : Des idéaux chrétiens, de petites unités politiques et, en leur sein, l’apparition d’une diversité de groupes d’intérêts s’équilibrant entre eux. »
— Rodney Stark, Le triomphe de la raison, 2007, p. 118 et 151

« Le Picard [Jean] Calvin, aux prises avec le magistrat de Genève, n’avait pu que mesurer combien l’ancrage de la Réforme [protestante] devait passer par le contrôle des organes de la vie muncipale et que le Midi français était d’abord une terre de consulats. En effet, les communautés d’habitants, jusque dans les bourgs et les villages, y jouissaient d’une organisation plus élaborée et plus solide que celles de la France septentrionale et ces caractéristiques jouent un rôle majeur au moment du choix religieux. »
— Serge Brunet, Les Guerres de Religion, 2009, p. 180

⇒ Nadeije Laneyrie-Dagen, « [En l’an] 1110 : La libération des paysans – Louis VI octroie une charte de franchise », Mémoire de la France, Éditions Larousse, Paris, 2003, p. 142-143 sur 912.

⇒ Sur la mobilité sociale des serfs au Moyen Âge en France : Régine Pernoud, Pour en finir avec le Moyen Âge, Éditions du Seuil, Paris, 2014, p. 73-83 sur 158.

⇒ Sur les effets bénéfiques (à moyen terme) de la grande peste noire (bubonique) de 1346-1351 sur la condition socioéconomique de la paysannerie européenne : Rodney Stark, How the West Won {↑}, p. 143-155.

⇒ Sur la renaissance urbaine née du surplus alimentaire, le commerce international, l’âge d’or des foires, l’invention de la science bancaire, l’apparition des guildes d’artisans-citadins, et le développement des hospices et des confréries caritatives : Didier Méhu, Gratia Dei : Les chemins du Moyen Âge {↑}, chapitre 3 : La ville et les marchands, p. 59-101.

⇒ Jacques Heers, La ville au Moyen Âge, Éditions Fayard, Paris, 2010, 560 p.

⇒ Harold Berman, Droit et Révolution, Tome 1 {↑}, p. 373-420.

⇒ Sur la formation graduelle des gouvernements réceptifs donans les cités-États d’Italie du Nord (Venise, Gênes, Florence et Milan) puis dans les 85 « villes libres d’Empire » en Germanie (1074-1806, la 1ère fut Worms au Palatinat du Rhin), ainsi que la contribution importante de l’Église en faveur de ce mouvement de démocratisation populaire (tant dans son enseignement théorique que dans ses interventions civiques concrètes) :

  • Rodney Stark, Le triomphe de la raison {↑}, p. 128-151 et 238-243.
  • Rodney Stark, How the West Won {↑}, p. 126-129.

⇒ Sur la formation graduelle des gouvernements réceptifs / démocratiques dans les cités-États de Flandre du Nord (Bruges, Gand et Anvers) puis de Hollande (Amsterdam, Rotterdam) : Rodney Stark, Le triomphe de la raison {↑}, p. 187-209.

⇒ Françoise Moreil, Les cités protestantes de la Principauté d’Orange, conférence prononcée dans le cadre du colloque Le protestantisme et la cité organisé à Montauban par la Société d’étude et de recherche sur le protestantisme montalbanais (SMÉRP) les 14 et 15 octobre 2011.

⇒ Durant l’Ancien régime en France (XVIIème-XVIIIème siècles), sous la pression mercantile de la nouvelle bourgeoisie terrienne, on assista à la réssurection artificieuse d’une multiplicité d’anciennes redevances seigneuriales antérieurement abrogées ou éteintes (autrefois séparées et successives, désormais additionnées et superposées). Cette délinquance bourgeoise se fit au grave détriment de la paysannerie et donna lieu au phénomène connu sous le nom de second servage. Ironiquement, cette décadence tardive du régime seigneurial fut interprétée par les contemporains comme une méfait de la féodalité, alors qu’à cett époque, la féodalité venait précisément de disparaître en France : Régine Pernoud, Pour en finir avec le Moyen Âge {↑}, p. 67-69.

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10. Le développement de la primauté du droit

« Les princes sont tenus de vivre conformément aux lois qu’ils édictent. »
— Gratien de Bologne, Concorde des canons discordants (art. 9:2), c.1140

« La rule of law ne se conçoit pas dans un régime tyrannique quel qu’il soit, la “Magna Carta” étant elle-même une incarnation textuelle de la contre-tyrannie. »
— Christian Behrendt, La Magna Carta et la Rule of Law, 2016, p. 171

« Nous ordonnons aussi que si nous-même ou quelqu’un de nos successeurs devait, n’importe quand, contrevenir aux termes du présent statut, […] tous et chacun, présents et à venir, auront par les présentes le droit illimité et perpétuel de résistance, tant en paroles que par action, sans encourir de ce fait aucune culpabilité de trahison. »
Bulle d’Or du Roi André II de Hongrie (
art. 31), 1222

Définition de la primauté du droit, aussi appelée prééminence du droit, suprématie du droit, ou plus rarement, règne de la loi (calque de l’anglais rule of law) : « La primauté du droit, dans sa forme la plus simple, est le principe voulant que personne ne peut se soustraire aux lois. […] L’application la plus importante de la primauté du droit concerne le principe voulant que l’autorité gouvernementale ne soit exercée légitimement que dans le respect de lois rédigées et publiques adoptées et exécutées selon les étapes de procédure établie de ce qu’on nomme l’application régulière de la loi [= due process of law]. Le principe vise à protéger contre la gouvernance arbitraire, qu’il s’agisse d’un dirigeant totalitaire ou d’une achlocratie [= mob rule]. Ainsi, la primauté du droit s’oppose aux dictatures et à l’anarchie. » Source : LexisNexis.

⇒ Les empereurs romains puis byzantins prétendaient être rien de moins que la fons et orgio legis, « la source et l’origine du droit » (ce qui est pratiquement blasphématoire, en plus d’être manifestement attentatoire à la primauté du droit) :

  • Paul Veyne, L’Empire gréco-romain, chapitre 1 : Qu’était-ce qu’un empereur romain ?, Éditions du Seuil, Paris, 2005, p. 15-78 sur 878.
  • John McGuckin, The Ascent of Christian Law {↑}, p. 50 et 238.

⇒ Malgré l’acceptation de cette idée anthropocentrique et païenne voulant qu’un homme mortel déchu soit la source et l’origine du droit (!), l’Antiquité chrétienne était néanmoins porteuse d’un germe théocentrique de primauté du droit devant tôt ou tard tempérer – puis supplanter – cet anthropocentrisme païen. Voici un décrêt que l’Empereur romain d’Occident Valentinien III (419-455) et l’Empereur romain d’Orient Théodose II (401-450) promulguèrent à Ravenne (Romagne) à la mi-juin 429 (constitution Digna Vox) :

C’est une parole digne de grandeur pour quelqu’un qui règne de reconnaître qu’il est un prince lié par les lois, à ce point que notre autorité [étatique] dépend de l’autorité du droit. Et en réalité, plus grand que le pouvoir [princier] est [celui de] de soumettre le prince aux lois.

Cette affirmation de la soumission de l’empereur à la loi correspond à l’article 1:14:4 du Code Théodosien. Référence de la citation ci-dessus : Philippe Cibois, « Vidiciæ Contra Tyrannos (1) », La question du latin, publié le 4 mars 2012.

⇒ Un autre germe de primauté du droit venant de l’Antiquité chrétienne se trouve dans le Breviarium Alarici (article 1:2:2) adopté en Gaule franque par le Roi des Francs, Clovis Ier (c.466-511), et ratifié par le 1ier Concile d’Orléans en 511 :

« Que toute chose qui ait été obtenue des princes à l’encontre des lois n’ait aucune valeur. »

Référence de la citation ci-dessus : Collectif, Le Bréviaire d’Alaric : Aux origines du Code civil, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, Paris, 2009, p. 189 sur 374. Un compte-rendu de lecture de cet ouvrage fut publié dans les Cahiers de recherches médiévales et humanistes (CRMH) le 20 avril 2010.

⇒ La subordination des pouvoirs publics au droit dans la législation du Royaume de Jérusalem (1099-1291) – tout particulièrement le dispositif juridique du conjurement des pairs prévu par l’Assise sur la ligèce, une loi adoptée vers 1170 par la Haute Cour de Jérusalem sous le roi Amaury Ier de Lusignan (1136-1174) – et son prolongement décisif & salvateur dans l’art. 61 de la Magna Carta : Jean-Luc Lefebvre, « Aux sources de la Magna Carta (1215) : Le droit du Royaume franc et latin de Jérusalem », dans Emmanuel Cartier (dir.) et Jean-Pierre Machelon (dir.), Le huitième centenaire de la Magna Carta : Généalogie et filiation d’un texte constitutionnel – Actes du Colloque international du 20 novembre 2015 – À l’initiative de l’Association française de droit constitutionnel (AFDC), Éditions Mare & Martin, Paris, 2016, p. 59-88 sur 51-110 dans 269 p.

⇒ Tribonien Bracton, « La “Magna Carta” – 1215 après Jésus-Christ », Le Monarchomaque, publié le 10 octobre 2011.

⇒ L’influence de l’exégèse biblique sur la pensée et l’activité politiques de l’auteur principal de la Magna Carta, Étienne Langton (c.1150-1228) : John Baldwin, « Maître Étienne Langton, futur archevêque de Canterbury : Les écoles de Paris et la Magna Carta », Étienne Langton : Prédicateur, bibliste [et] théologien, Brepols Publishers, Turnhout (Flandre), 2010, p. 11-50 sur 694.

⇒ Le caractère universel et perpétuel de la primauté du droit telle qu’articulée dans la Magna Carta, le droit britannique, le droit belge, le droit états-unien et le droit international public : Christian Behrendt, « La Magna Carta et la Rule of Law », Le huitième centenaire de la Magna Carta {↑}, p. 149-175.

⇒ Commentaire d’un juriste protestant du XXIème siècle sur la Magna Carta de 1215 : John Eidsmoe, Historical and Theological Foundations of Law, Vol. 2 {↑}, p. 901-924 (à partir de l’intertitre John Lackland 1199-1216).

⇒ Samuel Burgess, Magna Carta Unravelled : The Case for Christian Freedoms Today, Wilberforce Publications (Christian Concern), Londres (R.-U.) / Voice for Justice UK, Oxford (R.-U.), 2015, 220 p.

⇒ Sur la constitution coutumière (les « lois fondamentales ») du Royaume de France :

Le pardon d’Ambroise à Théodose (1603), Federico Barocci, cathédrale de Milan (Lombardie). « Au cours d’un séjour à Milan, il [l’Empereur Théodose Ier] se vit excommunier [en l’an 390] par Ambroise, l’évêque de la ville, pour avoir ordonné le massacre de 7000 habitants de Thessalonique insurgée [plus tôt la même année]. Il se soumit et fit pénitence [en l’an 391]. Pour la première fois, l’État romain s’inclinait devant le christianisme, et la cruauté d’État devant le droit des gens. » (Source : Guillaume Bigot et Jean-Claude Barreau, Toute l’histoire du monde de la préhistoire à nos jours, Éditions Fayard, Paris, 2005, 462 p.) Cet épisode marque un jalon dans l’inclusion progressive des régnants au rang des justiciables, et par extension, l’obligatoire soumission des autorités étatiques au droit public et privé.

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11. Le constitutionnalisme et le parlementarisme allianciels/contractuels

« [N]ous, les représentants des États-Unis d’Amérique, assemblés en Congrès-Général, prenant à témoin le Juge suprême de l’Univers de la droiture de nos intentions, publions et déclarons solennellement au nom et par l’autorité du bon peuple de ces [Treize] colonies, que ces Colonies-Unies sont et ont le droit d’être des États libres et indépendants. […] Pleins d’une ferme confiance dans la protection de la divine Providence, nous engageons mutuellement au soutien de cette Déclaration, nos vies, nos fortunes et notre bien le plus sacré, l’honneur. »
Déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique (1776)

⇒ L’opposition du philosophe païen Platon d’Athènes (428-348 av. J.-C.) au principe constitutionnel : Harold Berman, Droit et Révolution, Tome 1 {↑}, p. 148.

⇒ Une affirmation en faveur de la codification écrite harmonisée des normes devant déterminer l’armature juridique de l’État et dicter le fonctionnement de l’administration publique et la conduite des justiciables (voire la fixation d’un droit fondamental supra-législatif) dans un Præceptum de Clotaire Ier le Vieux (c.497-561), Roi des Francs, édicté en l’an 558 au plus tôt :

« C’est l’usage du prince en sa clémence que de travailler dans un esprit de prévoyance avec un soin particulier à […] inscrire en vue de leur tranquillité [des habitants de sa principauté] en une constitution toutes choses, indiquées par des rubriques, qui doivent être observées selon la justice. »

Référence de la citation ci-dessus : Collectif, Le Bréviaire d’Alaric {↑}, p. 194.

⇒ Un texte émis par l’Empereur d’Occident, Louis le Pieux (778-840), en 823, l’Ordinatio Imperii, pose le principe que la mission de diriger les hommes vers le salut (au sens large) est partagée entre plusieurs acteurs (ministère impérial, ministère comtal et ministère épiscopal), lesquels sont complémentaires les avec les autres : Bruno Dumézil, Des Gaulois aux Carolingiens {↑}, p. 185-191.

⇒ Carolyn Harris, La Magna Carta : Son importance pour le Canada – La démocratie, le droit et les droits de la personne, Dundurn Press, Toronto (Ontario), 2015, 136 p.

⇒ Claire Kennan, « Henry III, Simon de Montfort and the Provisions of Oxford », Citizens Project (Université de Londres), consulté le 8 mai 2019.

⇒ Une Déclaration d’indépendance nationale écossaise adoptée par la noblesse du Royaume d’Écosse à l’Abbaye d’Arbroath située dans dans les Basses-Terres de ce pays le 6 avril 1320 : Tribonien Bracton, « La “Déclaration d’Arbroath” (1320) : affirmation du gouvernement contractuel », Le Monarchomaque, publié le 8 septembre 2014.

⇒ Le parlementarisme représentatif & délibératif au Bas Moyen Âge européen : Michel Hébert, La voix du peuple : Une histoire des assemblées au Moyen Âge, Presses universitaires de France (PuF), Paris, 2018, 320 p.

⇒ François Foronda (dir.) et Ana Carrasco (dir.), Du contrat d’alliance au contrat politique : Cultures et sociétés politiques dans la Péninsule ibérique à la fin du Moyen Âge, Presses universitaires du Midi (PuM), Toulouse (Haute-Garonne), 2007, 405 p.

⇒ François Foronda (dir.), Avant le contrat social : Le contrat politique dans l’Occident médiéval (XIIIème-XVème siècle), Éditions de la Sorbonne, Paris, 2011, 726 p.

⇒ François Foronda (dir.) et Jean-Philippe Genet (dir.), Des chartes aux constitutions : Autour de l’idée constitutionnelle en Europe (XIIème-XVIIème siècle), Éditions de la Sorbonne, Paris, 2019, 464 p.

⇒ La séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) presque deux siècles avant que le Baron de Montesquieu (1689-1755) ne s’en fasse l’avocat dans L’esprit des lois (1748) :

  • Les écrits du juriste juguenot François Hotman (1524–1590) : Mathias Schmoeckel, chapitre 9 dans Great Christian Jurists in French History {↑}, p. 149-172.
  • Les textes constitutionnels des Provinces-Unies du Midi (1573-1598) en France : Tribonien Bracton, « Théonomie appliquée : le “Règlement” des Provinces-Unies du Midi », Le Monarchomaque, publié le 8 mai 2012.

⇒ L’apport capital de la théologie des alliances réformée dans l’articulation et l’épanouissement de la doctrine du pacte social en Occident :

⇒ Paul-Alexis Mellet, « “Francogallia” de François Hotman (1573) », Centre européen des études républicaines (CEDÉR), publié le 6 décembre 2018.

⇒ Tribonien Bracton, « La réussite historique du contractualisme monarchomaque », Le Monarchomaque, publié le 7 juin 2013.

⇒ Charles Reiplinger, « Les Fundamental Orders du Connecticut [1639], première constitution écrite effective en Amérique du Nord », Jus Politicum, N° 1 : Le droit politique, décembre 2008, 22 p.

⇒ La première constitution écrite effective d’un État-nation en Europe, l’Instrument de Gouvernement d’Oliver Cromwell (1599-1658) et des puritains congrégationalistes : Renan Le Mestre, « Les constitutions de l’Interrègne en Angleterre (I) : l’Instrument of Government (1653) – Texte anglais et traduction française », Jus Politicum, N° 5 : Mutation ou crépuscule des libertés publiques ?, décembre 2010, 12 p.

⇒ David Hall, « The Reformation Roots of Social Contract », Religion & Liberty (Acton Institute), Vol. 7, N° 4, publié le 20 juillet 2010.

⇒ Koos Malan, « The Foundational Tenets of Johannes Althusius’ Constitutionalism », Potchefstroom Electronic Law Journal (Université du Nord-Ouest, Transvaal), Vol. 20, 2017, 31 p.

⇒ Koos Malan, « Johannes Althusius’ Grand Federalism, the Role of the Ephors and Post-Statist Constitutionalism », Potchefstroom Electronic Law Journal (Université du Nord-Ouest, Transvaal), Vol. 20, 2017, 34 p.

⇒ John Witte et al., « The Universal Rule of Natural and Written Constitutions in the Thought of Johannes Althusius », Morality and Responsibility of Rulers : Chinese and European Early Modern Origins of a Rule of Law for World Order, Oxford University Press, Oxford (R.-U.), 2018, p. 167-186 sur 496.

⇒ Sur l’authenticité de la foi catholique du Baron de Montesquieu (malgré sa tolérance des protestants, sa critique de l’Inquisition papale et la mise à l’« Index des livres interdits » de ses œuvres par la Curie romaine) : John Eidsmoe, Historical and Theological Foundations of Law, Vol. 3 {↑}, p. 1172-1180.

⇒ Archie Jones, America’s First Covenant : [The] Articles of Confederation [of 1777], Plymouth Rock Foundation, Marlborough (New Hampshire), 1991, nombre de pages inconnu.

Bas-relief de l’adoption de la Magna Carta en 1215 (carreau inférieur) et des Provisions de Westminster en 1259 (carreau supérieur) sur la porte monumentale de la Cour suprême des États-Unis d’Amérique à Washington

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12. La théologie luthérienne du gouvernement civil

« C’est une pure invention de dire que le pape, les évêques et les prêtres relèvent du domaine spirituel alors que les princes, les artisans et les fermiers relèveraient du domaine temporel. […] Il n’y a pas de vraie différence concernant le statut entre un laïc et un prêtre, entre un prince et un évêque, entre un religieux et un séculier, excepté pour la fonction dont il est titulaire. Ils relèvent tous du domaine spirituel. […] Chacun doit servir les autres au moyen de son travail, et donc chaque métier peut être exercé pour le bien spirituel de la communauté. »
— Martin Luther, À la noblesse chrétienne de la nation allemande, 1520

« La raison d’être du droit est de nous permettre de cheminer paisiblement à travers cette vie ombrageuse et d’être guidés à Christ et à la vie éternelle. »
— Johann Oldendorp, Lexicon Iuris, 1553

⇒ Yves Krumenacker, « L’“Appel à la noblesse chrétienne de la nation allemande” [1520], traité religieux ou politique [sic] ? », Revue française d’histoire des idées politiques (Éditions L’Harmattan), N° 45, janvier-juin 2017, p. 33-48.

⇒ Martin Luther, De l’autorité temporelle et des limites de l’obéissance qu’on lui doit (1523), reproduit dans Œuvres, Tome 4, Éditions Labor & Fides, Genève (Romandie), 1960, p. 9-50 sur 276. {Anthologie rééditée par les Éditions Gallimard à l’occasion du 500ème anniversaire de la Réformation en 2017.}

⇒ Harold Berman, Droit & Révolution, Tome 2 {↑}, 1ère partie : La Révolution allemande et la transformation du droit allemand au XVIème siècle (chapitres 1 à 6), p. 75-334.

⇒ George Forell, « Luther’s Theology and Foreign Policy », Journal of Lutheran Ethics (Evangelical Lutheran Church in America), Vol. 2, N° 1, janvier 2002.

⇒ Robert Wilde, « The Schmalkaldic League : Reformation War », ThoughtCo, publié le 19 avril 2019.

⇒ Sur la vie, la pensée et l’œuvre du jurisconsulte luthérien français Charles Dumoulin (1500-1566), un grand codificateur et commentateur des droits coutumiers régionaux du Royaume de France (dont la Coutume de Paris et la Coutume de Bretagne) :

  • Jean-Louis Thireau, Charles Dumoulin (1500-1566) : Étude sur les sources, la méthode, les idées politiques et économiques d’un juriste de la Renaissance, Librairie Droz, Genève (Romandie), 1980, 459 p.
  • Wim Decock, « Charles Dumoulin », chapitre 6 dans Great Christian Jurists in French History {↑}, p. 97-116.

⇒ Cabinet d’avocats texan Harris & Greenwell, « Johann Oldendorp : Juriste de la Révolution luthérienne », Le Monarchomaque, publié le 2 janvier 2018.

⇒ Harold Berman, Faith and Order : The Reconciliation of Law and Religion, Eerdmans Publishing Company, Grand Rapids (Michigan), 1993, 427 p.

⇒ John Witte, Law and Protestantism : The Legal Teachings of the Lutheran Reformation, Cambridge University Press, Cambridge (R.-U.), 2002, 360 p.

⇒ Nathan Rein, The Chancery of God : Protestant Print, Polemic and Propaganda Against the Empire, Magdeburg (1546-1551), Taylor & Francis Group, Abingdon-on-Thames (Oxfordshire), 2008, 288 p.

⇒ Jarrett Carty, God and Government : Martin Luther’s Political Thought, McGill–Queen’s University Press, Montréal (Québec) / Kingston (Ontario), 2017, 208 p.

⇒ Mia Korpiola, « Lutheran Marriage Law in Sixteenth- and Early Seventeenth-Century Sweden : Authorities and Sources of Law », Law and Religion : The Legal Teachings of the Protestant and Catholic Reformations, Vandenhoeck & Ruprecht Verlage, Göttingen (Basse-Saxe), 2014, p. 107-132 sur 278.

⇒ Heinrich de Wall, « Friedrich Julius Stahl (1802-1861) », chapitre 20 dans Mathias Schmoeckel (éd.) et John Witte (éd.), Great Christian Jurists in German History, Mohr Siebeck, Tübingen (Thuringe), 2020, p. 293-307 sur 410.

⇒ Sur la question de la provenance des « deux royaumes », « deux règnes », « deux régimes » ou « deux régiments » de la pensée politique luthérienne :

  • Thèse de sa non-originalité et de sa filiation avec les « deux glaives » du catholicisme médiéval (position gélasienne/grégorienne) : Harold Berman, Droit & Révolution, Tome 2 {↑}, p. 37-38 et 89-90 ; John Eidsmoe, Historical and Theological Foundations of Law, Vol. 3 {↑}, p. 973-974, 984-991, 998-1002 et 1021.
  • Thèse de son originalité et de sa non-filiation avec les « deux glaives » du catholicisme médiéval : Bradford Littlejohn (traduit par Jean-Mikhaël Bargy), « Les Deux Royaumes (2/8) : De Luther à Calvin », Par la foi, publié le 22 octobre 2019.

⇒ Sur la question de la rectitude des « deux royaumes » de la pensée politique luthérienne :

⇒ Fabrice Bouthillon, Nazisme et Révolution : Histoire théologique du national-socialisme (1789-1989), Éditions Fayard, Paris, 2011, 336 p.

⇒ Sur les persécutions anti-chrétiennes orchestrées par les dirigeants et les militants nazis dans le IIIème Reich :

⇒ Sur la résistance ecclésiastique et politique des protestants allemands devant le paganisme incarné par le national-socialisme :

⇒ Sur le caractère païen de souveraineté étatique absolue mise de l’avant par le national-socialisme germanique : Jean Bethke Elshtain, « Bonhoeffer and the Sovereign State », First Things, N° 65, août-septembre 1996, p. 27-30.

⇒ Sur la récupération malhonnête et très anachronique de la figure du réformateur protestant Martin Luther (1483-1546) et de ses écrits anti-judaïques (→ de nature religieuse) par la propagande national-socialiste pour justifier les exactions anti-sémites (→ de nature raciale) de l’État nazi, puis le salissage dont souffre la mémoire de ce réformateur depuis 1945 :

⇒ Sur l’incapacité de l’Église confessante d’Allemagne à rallier la majorité des Églises luthériennes face aux menées du NSDAP à cause de la castration théologique du luthéranisme par le piétisme libéral, incluant la mobilisation systématique de la théologie radicale des « deux royaumes » (Radical Two Kingdoms = R2K) luthérienne par Adolf Hitler (1889-1945) et ses sbires socialistes contre toute contestation politique protestante organisée :

Remarque : La papauté s’étant délibérément & définitivement coupée du christianisme biblique & apostolique au Concile de Trente (clôt en 1563), la présente bibliographie ne recense en principe pas les ouvrages de théologie politique catholique romaine moderne. Cependant, dans l’historiographie du Troisième Reich, la question de la collaboration-ou-résistance luthérienne face aux autorités national-socialistes est tellement interreliée et connexe avec celle de la collaboration-ou-résistance catholique qu’il est pertinent d’inclure, dans la présente bibliographie, un tour d’horizon du positionnement catholique officiel & officieux face à l’Empire hitlérien. ↓

⇒ David Dalin, Pie XII et les juifs : Le mythe du pape d’Hitler, Éditions Tempora, Perpignan (Roussillon), 2007, 240 p.

⇒ Jérôme Fehrenbach, Von Galen : Un évêque contre Hitler, Éditions du Cerf, Paris, 2018, 420 p.

⇒ George Marlin et Bernadette Cosyn, « Le lion de Münster », France catholique, publié le 6 août 2016.

⇒ Daniel Utrecht, The Lion of Münster : The Bishop Who Roared Against The Nazis, Tan Books, Gastonia (Caroline du Nord), 2016, 424 p. {Résumé dans la revue First Things}

⇒ Alvarez David et Robert Graham, Nothing Sacred : Nazi Espionage Against the Vatican (1939-1945), Taylor & Francis Group, Abingdon-on-Thames (Oxfordshire), 1997, 208 p.

Timbre postal de la République fédérale d’Allemagne (RFA) émit à l’occasion du 50ème anniversaire du Synode de Barmen en 1984 – L’aphorisme Jesus Christus ist das eine Wort Gottes (en allemand) signifie « Jésus-Christ est l’unique Parole de Dieu » (cf. Jean 1:1, 14).

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13. Genève – Prototype de la Réformation planétaire

« Partout où le calvinisme de Genève se répandit, il en alla de même avec sa doctrine [politique] remettant le gouvernement à sa place et opposant la tyrannie. »
— David Hall, The Reformation Roots, 2010

« L’impact de la Réforme protestante des XVIème et XVIIème siècles sur la tradition juridique occidentale ne doit pas uniquement être envisagée comme un épisode du passé, mais [également] comme une mémoire vivante influençant le présent et l’avenir. »
— Harold Berman, Droit et Révolution, Tome 2, 2010, p. 26

⇒ Des échantillons du stéréotype laïciste négatif de la Rome protestante rigoriste et liberticide :

  • Léon Jettroëc, « Et Calvin fit régner l’ordre moral à Genève », L’Histoire, N° 208, mars 1997, p. 8-9.
  • Max Engammare, « Genève, la cité des saints », L’Histoire, N° 340, mars 2009, p. 52-53.
  • Christophe Chalamet, Michel Grandjean, François Dermange et Sarah Nicolet, « Calvin – Histoire et réception d’une Réforme », Université de Genève via Coursera, cours en ligne ouvert et massif (CLOM) / formation en ligne ouverte à tous (FLOT) {hyperlien alternatif}.

⇒ André Biéler et Geneviève Biéler, La pensée économique et sociale de Calvin, Georg Éditeur, Genève (Romandie), 2008 (1961), 592 p.

⇒ Pendant la Réformation, le taux de naissances hors-mariage (et donc le taux d’orphelins de père) à Genève était le plus bas dans toute l’Europe (à 0.12 %) : Éric Deheunynck, « Genève la calviniste », Liens protestants, publié le 23 juin 2009.

⇒ Maxime Georgel, « Illustres réformés (10) : La ville de Genève au XVIIIème siècle », Par la foi, publié le 31 janvier 2019.

⇒ Tribonien Bracton, « Genève au temps de Calvin : Le “paradis des femmes” », Le Monarchomaque, publié le 16 janvier 2014.

⇒ Tribonien Bracton, « Réfutation du désengagement politique des chétiens, par Jean Calvin », Le Monarchomaque, publié le 24 janvier 2013.

⇒ Tribonien Bracton, « Le réformateur Jean Calvin prônait la théonomie », Le Monarchomaque, publié le 26 mai 2014.

⇒ Tribonien Bracton, « Le réformateur Pierre Viret prônait la théonomie », Le Monarchomaque, publié le 27 mai 2014.

⇒ Neal Blough, « Calvin et les anabaptistes », Théologie évangélique (Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine), Vol. 8, N° 3, 2009, p. 197-218.

⇒ Amédée Roget, L’Église et l’État à Genève du vivant de Calvin : Étude d’histoire politico-ecclésiastique, Imprimerie de Jules-Guillaume Fick, Genève (Romandie), 1867, 92 p.

⇒ Émile Doumergue, Jean Calvin : Les hommes et les choses de son temps, Tome 5 : La pensée ecclésiastique et la pensée politique de Calvin, Georges Bridel & Cie Éditeurs, Lausanne (Romandie), 1917, 734 p.

⇒ Denis Müller, Jean Calvin : Puissance de la loi et limite du pouvoir, Éditions Michalon, Paris, 2001, 128 p.

⇒ Yves Krumenacker, Calvin au-delà des légendes, chapitre 8 : Le réformateur de Genève, chapitre 9 : La lutte pour le pouvoir, chapitre 10 : Imposer la seule vérité, Éditions Bayard, Montrouge (Île-de-France), 2009, p. 267-390 sur 603.

⇒ Bernard Cottret, Calvin : Biographie, chapitre 8 : Genève, cité de Dieu ? Les années médianes du siècle, Éditions Jean-Claude Lattès, Paris, 1995, p. 167-191 sur 455.

⇒ Une présentation de la Réformation genevoise à travers 22 courts textes et des documents d’archives : Collectif, Côté chaire, côté rue : L’impact de la Réforme sur la vie quotidienne à Genève (1517-1617), Éditions La Baconnière, Genève (Romandie), 2018, 280 p.

⇒ Tribonien Bracton, « “L’Escalade”, raid raté du Duc de Savoie sur Genève en 1602 », Le Monarchomaque, publié le 18 janvier 2014.

⇒ La « Genève hongroise » (Magyar Genf) ou « Rome calviniste » (Kálvinista Róma) dans le Bassin des Carpates (Europe centrale) : Tribonien Bracton, « Debrecen (Hongrie) – Cité de la Réformation », Le Monarchomaque, publié le 15 janvier 2019.

⇒ Tribonien Bracton, « Quel fut l’impact de Calvin sur notre civilisation ? », Le Monarchomaque, publié le 8 septembre 2011.

⇒ David Hall, The Genevan Reformation and the American Founding, chapitre 2 : From Medieval Birthpangs to Geneva’s Farel – Contra Tyrannos, Lexington Books, Lanham (Maryland), 2005, p. 27-66 sur 508.

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14. Les huguenots français – Résistance héroïque et survivance communautaire

« Ce point donc nous soit résolu : Que comme le Seigneur Jésus est notre Roy éternel et Législateur unique, les loix d’icelui sont éternelles, et appartiennent à tous âges & tous hommes. »
— Jean Morély, Traicté de la discipline, 1562, p. III

« L’Assemblée de Saumur [en 1611] établit bien réellement une république représentative [= les ‹ Provinces de l’Union ›] au sein de la monarchie absolue. La constitution politique des réformés était démocratique et représentative comme leur constitution religieuse. »
— Charles Weiss, Histoire des réfugiés protestants de France, 1853, p. 17-19

⇒ Claire Moutengou Barats, “Subvenir à un chacun selon sa pauvreté” : Pauvreté, assistance et biens ecclésiastiques dans l’œuvre et l’action de Pierre Viret (thèse doctorale), Université de Genève – Institut d’histoire de la Réformation, Genève (Romandie), 2017, 476 p.

⇒ Philippe Chareyre et al., Jean Calvin : Les multiples visages d’une Réforme et de sa réception, partie 2 : Le calvinisme émergeant du Sud de la France, chapitre 1 : L’installation de la discipline calviniste d’après le premier registre du consistoire de Nîmes (1561-1563), Éditions Olivétan, Lyon (Rhône), 2009, p. 129-154 sur 315.

⇒ Janine Garrisson, Le modèle protestant montalbanais comme organisation civile et religieuse d’une ville huguenote, conférence prononcée dans le cadre du colloque Le protestantisme et la cité organisé à Montauban par la Société d’étude et de recherche sur le protestantisme montalbanais (SMÉRP) les 14 et 15 octobre 2011.

⇒ Tribonien Bracton, « L’origine calvinienne des concepts politiques occidentaux », Le Monarchomaque, publié le 5 mars 2012.

⇒ Tribonien Bracton, « Théonomie appliquée : le “Traité d’Association” du Prince de Condé pour protéger les réformés (1562) », Le Monarchomaque, publié le 15 février 2013.

⇒ Tribonien Bracton, « Théonomie appliquée : les “Ordonnances ecclésiastiques” de Jeanne d’Albret en Béarn-Navarre (1571) », Le Monarchomaque, publié le 17 avril 2012.

⇒ Tribonien Bracton, « Théonomie appliquée : le “Règlement” des Provinces-Unies du Midi (1574) », Le Monarchomaque, publié le 8 mai 2012. Cet article puise essentiellement dans :

⇒ Tribonien Bracton, « Théonomie appliquée : le “Règlement Général” de La Rochelle (1621) », Le Monarchomaque, publié le 20 août 2013.

⇒ Sur la résistance intellectuelle des huguenots après la révocation de l’Édit de Nantes en 1685 (période dite du Désert pour ceux qui restèrent en France ou du Refuge pour ceux qui s’exilèrent à l’étranger) : Tribonien Bracton, « “Calvinus Redivivus” : Pierre Jurieu, un monarchomaque théonomiste du Refuge », Le Monarchomaque, publié le 4 août 2012.

⇒ Sur la résistance des protestants de France contre le national-socialisme néo-païen pendant la Seconde Guerre mondiale (1940-1945) :

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Timbre postal de la 5ème République française émit en 1973 en mémoire de Gaspard II de Coligny (1519-1572), Colonel-Général de l’infanterie française, Amiral de France, dirigeant politique & militaire des réformés français pendant la 1ère phase des Guerres de Religion, et martyr du Massacre de la St-Barthélemy – La maxime de Coligny était « Gloire de Dieu et Bien Public »

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15. Les (re)réformés ou (néo)calvinistes allemands et néerlandais

« L’essence de la religion chrétienne consiste en ceci : La Création du Père, dévastée par le péché, est restaurée par la mort du Fils de Dieu, et recréée par le Saint-Esprit dans un Royaume de Dieu. »
Herman Bavinck, Gereformeerde Dogmatiek, Vol. 4, 1901/2008, p. 23

« Comme il est notoire à un chacun, […] les sujets ne sont pas créés par Dieu pour l’usage du prince, pour lui être obéissants en tout ce qu’il commande – que la chose soit pie ou impie, juste ou injuste – et pour le servir comme des esclaves, mais le prince est créé pour les sujets, sans lesquels il ne peut être prince, afin de les gouverner selon le droit & la raison […]. Et quand il ne le fait pas, mais qu’au lieu de défendre ses sujets, il cherche à les oppresser, à leur ôter leurs privilèges & anciennes coutumes, et à leur commander & s’en servir comme des esclaves, il ne doit pas être tenu pour prince, mais pour tyran. Et comme tel ses sujets, selon le droit & la raison, ne peuvent plus le reconnaître comme leur prince. […] La plupart desdites Provinces[-Unies] ont toujours reçues leur prince à certaines conditions, par des contrats & accords jurés. Lesquels si le prince vient à violer, il est – selon le droit – déchu de la souveraineté sur le pays. »
Déclaration d’indépendance des Pays-Bas, 1581, paraphrasant Théodore de Bèze, Du droit des magistrats, 1574

⇒ Jean-Marc Berthoud, L’histoire alliancielle de l’Église dans le monde, Tome 2 : L’aboutissement thomiste, l’automne du Moyen Âge [et] le renouveau de la Réforme, chapitre 9 : Heinrich Bullinger (1504-1575) – Un théologien complet, Éditions Messages, Lausanne (Suisse), 2018, p. 442-493 sur 734.

⇒ Johannes Piscator, Disputations on the Judicial Laws of Moses, American Vision Press, Powder Springs (Géorgie), 2015 (1605), 100 p. Traduit du latin à l’anglais par Adam Jonathan Brink.

⇒ La trame de fond historique de la Réformation religieuse, politique et économique aux Pays-Bas du Nord et du Sud (Benelux actuel) : Rodney Stark, Le triomphe de la raison {↑}, p. 243-250.

⇒ Ce à quoi les réformés wallons, flamands, néerlandais et frisons eurent à faire face : Bahar Turkoglu, « L’Inquisition aux Pays-Bas », Universiteit Leyden – Dutch Revolt – Encyclopédie, consulté le 5 mars 2020.

⇒ Éric Deheunynck, « Nos ancêtres les Gueux », Liens protestants, publié le 8 juillet 2010.

⇒ La Déclaration d’indépendance des Pays-Bas du Nord (≠ Belgique & Luxembourg actuels) : Declaration des Estats-Generaux des Provinces-Unies que Philippe II [Roi d’Espagne] est déchu du droit de souveraineté qu’il avait sur lesdites Provinces, La Haye (Hollande-Méridionale), 26 juillet 1581.

⇒ Moorman van Kappen, « L’histoire politique des Provinces-Unies du XVIème siècle à la veille de la Révolution batave [de 1785] », Revue d’histoire du droit, Vol. 64, N° 1, janvier 1996, p. 79-96.

⇒ William VanDoodewaard, « Remonstrants, Contra-Remonstrants, and the Synod of Dordt (1618-1619) : The Religious History of the Early Dutch Republic », Revue canadienne d’études néerlandaises (Association canadienne pour l’avancement des études néerlandaises), Vol. 28, numéro spécial non-numéroté, 2007, p. 140-165.

↓ Reproduit à l’identique dans : Puritan Reformed Journal (Puritan Reformed Seminary), Vol. 4, N° 1, janvier 2012, p. 135-160.

⇒ Gaëlle Demelemestre, Introduction à la “Politica methodice digesta” de Johannes Althusius : Extraits traduits et commentés, Éditions du Cerf, Paris, 2012, 112 p.

⇒ Gaëlle Demelemestre, Les deux souverainetés et leur destin : Le tournant Bodin–Althusius, Éditions du Cerf, Paris, 2011, 286 p.

⇒ Étienne Omnès, « Qu’est ce que la politique ? – Althusius », Par la foi, publié le 4 novembre 2019.

⇒ Étienne Omnès, « La famille comme unité politique de base – Althusius », Par la foi, publié le 10 novembre 2019.

⇒ Étienne Omnès, « Les associations volontaires – Althusius », Par la foi, publié le 18 novembre 2019.

⇒ Étienne Omnès, « La municipalité – Althusius », Par la foi, publié le 25 novembre 2019.

⇒ Étienne Omnès, « L’organisation de notre nation – Althusius », Par la foi, publié le 16 décembre 2019.

⇒ Jeffrey Veenstra, On Law and Power – Johannes Althusius (1557-1638), Christian’s Library Press (Acton Institute), Grand Rapids (Michigan), 2013, 136 p.

⇒ Frederick Carney, Johannes Althusius – Politica : An Abridged Translation of “Politics Methodically Set Forth and Illustrated with Sacred and Profane Examples”, Liberty Fund, Indianapolis (Indiana), 1995, 238 p.

« La politique est l’art d’associer les hommes dans le but d’établir, de cultiver et de conserver entre eux le lien organique de la vie sociale. Voici pourquoi on l’appelle ‹ symbiotique › [= symbiose sociale / vie communautaire]. L’objet d’étude de la politique est donc l’association communautaire, dans laquelle les ‹ symbiotes › [= concitoyens] s’engagent réciproquement, par un accord explicite ou tacite, à se communiquer mutuellement tout ce qui est utile et nécessaire au fonctionnement harmonieux de la vie en société. »
— Johannes Althusius, Politica, 1603/1995, parag. 1 et 2

⇒ Un exemple-type de micro-république réformée : La Cité d’Emden, baignée par la mer du Nord en Frise orientale (dans le nord-ouest de l’Allemagne, aujourd’hui en Basse-Saxe) : Timothy Fehler, Poor Relief and Protestantism : The Evolution of Social Welfare in Sixteenth-Century Emden, Taylor & Francis Group, Abingdon-on-Thames (Oxfordshire), 1999, 328 p.

⇒ Sur le républicanisme protestant aux Pays-Bas septentrionaux pendant les Réformations des XVIème et XVIIème siècles :

⇒ Tribonien Bracton, « La relation entre l’Église et l’État selon Groen van Prinsterer », Le Monarchomaque, publié le 1ier avril 2013.

⇒ Sur le théologien, professeur et magistrat néerlandais Abraham Kuyper (1837-1920) :

⇒ Jordan Ballor (dir.) et Melvin Flikkema (dir.), Abraham Kuyper : Collected Works in Public Theology, 8 oeuvres réparties sur 12 volumes, Lexham Press / Acton Institute, Bellingham (État de Washington) / Grand Rapids (Michigan), 2015 à 2019…

  • Our Program : A Christian Political Manifesto (1 volume) ;
  • Common Grace : God’s Gifts for a Fallen World (3 volumes) ;
  • Pro Rege : Living Under Christ’s Kingship (3 volumes) ;
  • On the Church (1 volume) ;
  • On Islam (1 volume) ;
  • On Charity & Justice (1 volume) ;
  • On Business & Economics (1 volume).

⇒ Henry van Til, The Calvinistic Concept of Culture {↑}, chapitre 8 : Abraham Kuyper, Theologian of Common Grace and the Kingship of Christ, p. 117-136.

⇒ Sur la théologie politique réformée du théologien néocalviniste Herman Dooyeweerd (1894-1977) :

BlasonRoyaumePaysBas_PalaisNoordeinde_LaHaye

Blason du Royaume des Pays-Bas devant le Palais Noordeinde à La Haye – La devise française « Je Maintiendrai » remonte au Gouverneur Guillaume Ier d’Orange-Nassau (1533-1584) – Ce dernier en expliqua le sens avec ce poème :
Je maintiendrai la vertu et noblesse.
Je maintiendrai de mon nom la hautesse.
Je maintiendrai l’honneur, la foi, la loi
de Dieu, du Roy [et] de mes amis & moi.

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16. La théologie puritaine du gouvernement civil

« Sachant bien que là où un peuple est assemblé ensemble, la Parole de Dieu exige – pour maintenir la paix et l’unité d’un tel peuple – qu’il y ait un gouvernement ordonné et décent établi selon Dieu, pour ordonner et disposer des affaires du peuple […] ; en conséquence : Nous nous associons et nous joignons pour être un État Public ou Commonwealth [= République] ; et, pour nous-mêmes et nos successeurs et tels qui se joindront à nous ensuite, entrons en Combinaison et Confédération ensemble, pour maintenir et préserver la liberté et la pureté de l’Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ. »
Ordres fondamentaux du Connecticut (préambule), 14 janvier 1639

« La véritable religion chrétienne protestante, telle que contenue dans les Saintes Écritures de l’A.T. et du N.T., à l’exclusion de toute autre source, sera promue et formellement reconnue comme religion publiquement professée de ces Nations [= l’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande]. Une confession de foi […] devra être établie, prêchée et recommandée au peuple de ces Nations. Il ne sera pas toléré ou permis que quiconque, par des propos ou des écrits pleins d’opprobre, malicieux ou méprisants, avilisse ou conteste la profession de foi ainsi promulguée. À l’endroit de ceux professant leur foi en Dieu [= Trinité] et reconnaissant les Saintes Écritures de l’A.T. et du N.T. comme la Volonté et la Parole de Dieu, mais qui diffèrent, sur d’autres points de doctrine, de rite ou de discipline de la profession publiquement proclamée, des tentatives doivent être faites de les convertir par une saine doctrine et l’exemple d’une honnête conversation. »
— Oliver Cromwell, Humble pétition et recommandation (art. 11), 26 juin 1657

⇒ Éric Deheunynck, « L’Écosse presbytérienne, de John Knox à aujourd’hui », Liens protestants, publié le 24 février 2009.

⇒ Tribonien Bracton, « John Knox : Sola Scriptura juridique et théologie de résistance », Le Monarchomaque, publié le 2 février 2014.

⇒ Tribonien Bracton, « [H]ugh Latimer, Thomas Becon et tous les autres réformateurs magistériaux [dont Thomas Cranmer, Édouar VI Tudor, Thomas Cartwright et William Perkins] prônaient la théonomie », Le Monarchomaque, publié le 2 février 2014.

⇒ Tribonien Bracton, « Qui étaient les Puritains ? », Le Monarchomaque, publié le 25 octobre 2011.

⇒ Tribonien Bracton, « Le point de vue réformé sur la taxation illégitime », Le Monarchomaque, publié le 12 octobre 2011.

⇒ La distinction entre la tolérance et l’accomodation opérée en 1645 par le théologien réformé écossais George Gillespie (1613-1648) :  Étienne Omnès, « La vision réformée de la tolérance religieuse », Phileo Sophia, publié le 11 juillet 2019.

⇒ Un excellent récit événementiel de la Révolution puritaine s’étalant de 1638 à 1689 en Grande-Bretagne : Harold Berman, Droit et Révolution, Tome 2 {↑}, 2ème partie : La Révolution anglaise et la transformation du droit anglais au XVIIème siècle (chapitres 7 et 8), p. 337-443.

⇒ Tribonien Bracton, « “Noe Anabaptist” – Le kuypérianisme et la théonomie chez les premiers réformés baptistes », Le Monarchomaque, publié le 12 mars 2016.

⇒ Roger Mason et Martin Smith, A Dialogue on the Law of Kingship among the Scots : A Critical Edition and Translation of George Buchanan’s “De Iure Regni apud Scotos Dialogus”, Taylor & Francis Group, Abingdon-on-Thames (Oxfordshire), 2017, 306 p.

⇒ La législation pro-Trinité du Parlement d’Angleterre sous le Roi Guillaume III d’Orange-Nassau (1650-1702) : Steve Halbrook, « King William of Orange and Blasphemy (Theonomy Applied) [in 1698] », Theonomy Resources, publié le 5 janvier 2012.

⇒ Joseph Boot, The Mission of God : A Manifesto of Hope for Society, Ezra Press, Toronto (Ontario), 2016, 674 p…

  • Chapitre 1 : In Understanding be Men – The Crisis of our Age and the Recovery of the Gospel, p. 43-75.
  • Chapitre 8 : Sit at My Right Hand – Law, Theocracy and Contemporary Relevance, p. 253-291.
  • Chapitre 9 : God’s Servant for your Good – Understanding Crime and Punishment, p. 293-359.
  • Chapitre 15 : I Will Build my Church – The “Missio Ecclesiae”, p. 521-553.

⇒ John Witte, The Reformation of Rights : Law, Religion and Human Rights in Early Modern Calvinism, chapitre 4 : Prophets, Priests, and Kings of Liberty – John Milton and the Rights and Liberties of All Englishmen, 2008, p. 209-276 sur 406.

⇒ Sur l’hébraïsme politique, l’affirmation du républicanisme chrétien et le rejet du pluralisme constitutionnel (= mixité monarchie-aristocratie-démocratie) au XVIIème siècle dans le puritanisme anglais et néo-anglais grâce aux écrivains réformés John Cotton (1585-1652), John Milton (1608-1674) et Algernon Sidney (1623-1683) :

⇒ David Hall, A Reforming People : Puritanism and the Transformation of Public Life in New England, University of North Carolina Press, Chapel Hill (Caroline du Nord), 2012, 288 p.

Oliver Cromwell (1599-1658), Seigneur-Protecteur de la République d’Angleterre (c.1649-1659), dictant une missive à son secrétaire John Milton (1608-1674) à l’intention du Duc de Savoie, le sommant d’arrêter sa sanglante persécution des vaudois du Piémont en 1655. Le secours diplomatique & militaire déployé par les puritains anglais en faveur de leurs frères & sœurs protestants des Alpes italiennes eut l’effet désiré, Dieu soit loué ! {Mentions iconographiques}

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17. La mythologie progressiste des chasses aux sorcières

« Par le XVIIIème siècle, les chasses aux sorcières avaient largement cessées, excepté certains incidents occasionnels dans des zones éloignées. […] L’opposition intellectuelle aux chasses aux sorcières ne peut pas être représentée comme étant la voix véritable des ‹ Lumières › se faisant finalement entendre. Toute l’opposition intellectuelle significative aux chasses aux sorcières qui est survenue assez tôt pour avoir eu un impact est provenue d’hommes [chrétiens] qui ne peuvent pas possiblement être identifiés comme des modernistes. […] Les croyances et les persécutions relatives à la sorcellerie n’ont pas succombées à l’arrivée d’un ‹ âge de science et de raison ›. Non ! [C]e fut des scolastiques profondément dévoués et bien entraînés qui, en répondant à l’évidence de leurs sens, les dépouillèrent [les fausses croyances et les atroces persécutions] de leur base évidentielle. »
— Rodney Stark, For the Glory of God, 2004, p. 283-287

⇒ Au tournant du IXème siècle, une loi de l’Empereur d’Occident, Charlemagne (742-814), prohibait et pénalisait le brûlement des sujets sous prétexte de sorcellerie : Steve Halbrook, « Laws from Charlemagne’s “Capitulatio de Partibus Saxoniae” (Theonomy Applied) », Theonomy Resources, publié le 25 janvier 2012.

⇒ Ce ne sont pas des dirigeants chrétiens, mais plutôt des militants anti-chrétiens (sécularistes/satanistes) qui ont orchestrés les grandes chasses aux sorcières en Occident aux XVIème-XVIIIème siècles ; ultimement, c’est les autorités chrétiennes qui les firent cesser en réfutant les superstitions non-scripturaires qui les alimentaient et en démontrant le caractère non-fiable des dénonciations obtenues au moyen de la torture (effet boulle de neige) : Rodney Stark, For the Glory of God {↑}, chapitre 3 : God’s Enemies – Explaining the European Witch-Hunts, p. 201-288 sur 504.

Notice inspirée de la source ci-dessus : Jean Bodin (1530-1596), un athée aux penchants occultistes, est surtout connu pour être l’un des premiers théoriciens modernes de l’absolutisme monarchique. Hélas, son curriculum vitae ne s’arrête pas là. Ce juriste activiste – alternativement procureur de la Couronne, juge de tribunal étatique ou « expert-conseil » (amicus curiæ) de l’appareil judiciaire – est sans sans contredit l’un des principaux tireurs de ficelles des grandes chasses aux sorcières ayant secouée l’Europe aux Temps modernes. Le bilan humain de cette tempête de fanatisme supersticieux s’élève à environ 60 000 présumés magiciens suppliciés (⅓ d’hommes et ⅔ de femmes). La plupart d’entre eux étaient probablement innocents. En 1579, Jean Bodin fit publier une révision sécularisée du Malleus Maleficarum (Marteau des Sorcières) initialement paru en Allemagne en 1487. L’année suivante, il publia son propre traité intitulé Démonomanie des sorciers (De Magorum Daemonomania), réédité d’innombrables fois jusqu’à aujourd’hui. Ces deux brûlots crypto-satanistes barbouillés d’un vernis catholique visaient à propulser ses idées corrosives dans les systèmes de justice séculiers européens. Ce but fut, tragiquement, atteint. Et que tout dissident prenne garde, car pour Maître Bodin, la remise en question du bien-fondé de ses thèses est passible du bûcher !

⇒ C’est les États, et non les Églises, qui déclenchèrent et organisèrent les chasses aux sorcières en Europe à la Renaissance : Robert Muchembled, « L’autre côté du miroir : Mythes sataniques et réalités culturelles aux XVIème et XVIIème siècles », Annales d’histoire des sciences sociales (AHSS), Vol. 40, N° 2, mars-avril 1985, p. 288-305.

⇒ Le rôle très limité de l’Inquisition romaine dans les chasses aux sorcières : John Eidsmoe, Historical and Theologial Foundations of Law, Vol. 2 {↑}, p. 705-714.

⇒ John Putnam Demos, Entertaining Satan : Witchcraft and the Culture of Early New England, Oxford University Press, Oxford (R.-U.), 2004, 576 p. Voici une série d’articles basés sur cet ouvrage, rédigés par monsieur Sós et diffusés sur le blogue The Historic Present :

⇒ Voici une autre série instructive aussi diffusée sur The Historic Present, portant spécifiquement sur les procès de sorcellerie de Salem au Massachusetts en 1692 :

Davantage de ressources sur les pathétiques et tragiques procès de sorcellerie de Salem :

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18. De la Chrétienté en Amérique – Présence du christianisme dans l’ordre constitutionnel et la culture politique états-uniens

« Aucun individu ne sera admis comme citoyen libre ou bourgeois libre dans cette juridiction, ou dans n’importe quelle partie de celle-ci, sauf les planteurs qui seront membres de l’une ou l’autre des Églises admises en Nouvelle-Angleterre ; et aucun autre ne sera choisi pour la magistrature, ou n’occupera un quelconque poste dans la judicature étatique, ou ne deviendra député, législateur ou légiste, ou ne sera promu à un office de commandement militaire. Et personne d’autre que de tels planteurs ne voteront dans les élections aux fonctions susdites. »
Code des lois de New Haven (2ème alinéa), 1655

« Ô Seigneur, notre Père céleste, grand et puissant Roi des rois et Seigneur des seigneurs […] regarde avec pitié, nous te prions, ces États américains qui se sont enfuis du bâton de l’oppresseur et qui se sont jetés dans ta gracieuse protection, désirant désormais ne dépendre que de toi. Ils ont fait appel à toi pour la droiture de leur cause ; ils recherchent maintenant l’encouragement et le soutien que Toi seul peux leur donner. Prends-les donc, Père céleste, sous tes soins nourrissants ; donne-leur sagesse, conseil et valeur sur le champ de bataille. Défait les desseins malicieux de nos adversaires cruels ; convainc-les de l’injustice de leur cause. S’ils persistent dans leurs projets sanglants […] contraint leurs mains énervées à déposer les armes de guerre le jour du combat ! »
1ère prière du 1ier Congrès continental, prononcée par Jacob Duché, pasteur huguenot,
7 septembre 1774 {sa prédication la mieux connue est La vigne américaine sur le Psaume 80}

⇒ John Winthrop, A Model of Christian Charity, célèbre sermon prêché au printemps de l’an de grâce 1630 à bord du navire Arbella voguant sur l’océan Atlantique en direction de la Nouvelle-Angleterre et inaugurant la Grande Migration puritaine.

⇒ Un résumé de la confrontation politique et militaire entre les colons chrétiens puritains de la Colonie de la Baie du Massachusetts et la Couronne britannique dès 1634 (à peine quatre ans après la fondation de Boston !) : Collectif, « Les deux Massachusetts, ou le combat pour la vraie Amérique aujourd’hui », Solidarité & Progrès, publié le 3 octobre 2010 {hyperlien alternatif}.

⇒ Une étude du Corps des Libertés, un code civil & pénal rédigé par l’érudit réformé congrégationaliste Nathaniel Ward (1578-1652) et édicté dans la Colonie de la Baie du Massachusetts en 1641 : Tribonien Bracton, « Le juste droit des puritains du Massachusetts colonial », Le Monarchomaque, publié le 26 août 2013.

⇒ John Cotton, « An Abstract of the Laws of New England as they Are Now [sic] Established », Bulletin of the New Haven County Bar Association, Vol. 3, N° 9, mai 1938, p. 65-83.

⇒ Un extrait traduit du fameux Petit discours sur la liberté prononcé le 3 juillet 1645 devant la Cour générale (Assemblée législative) de la Colonie de la Baie du Massachusetts : Tribonien Bracton, « La liberté chrétienne selon John Winthrop, 1ier Gouverneur du Massachusetts », Le Monarchomaque, publié le 2 décembre 2013.

⇒ Un extrait gratuit de l’œuvre classique Magnalia Christi Americana or the Ecclesiastical History of New England publiée en 1702 par le pasteur & philanthrope congrégationaliste Cotton Mather (1663-1728) : Cotton Mather, « Nehemias Americanus : The Life of John Winthrop [1588-1649] », The Mather Project, consulté le 10 août 2019.

⇒ Francis Bremer, John Winthrop : America’s Forgotten Founding Father, Oxford University Press, Oxford (R.-U.), 2003, 478 p.

⇒ Tribonien Bracton, « Le mythe de l’harmonie religieuse au Rhode Island colonial [1636-1665] », Le Monarchomaque, publié le 23 juillet 2014.

⇒ Sur la préséance du gouvernement local (communal / municipal / régional) dans les Treize colonies américaines puis la perte graduelle des libertés locales avec la formation puis la centralisation du pouvoir fédéral : Joel McDurmon, Restoring America One County at a Time : How our Freedom Was Lost and How we Get it Back, chapitre 3 : County Rights, American Vision Press, Powder Springs (Géorgie), 2012, p. 71-110 sur 415 {version vidéo}. 

⇒ Sur les prolongements et les répercussions de la Glorieuse Révolution d’Angleterre (1688) en terre nord-américaine (1688-1692) :

⇒ Tribonien Bracton, « Les baptistes en Amérique coloniale : Entre restreinte inexcusable et liberté excessive », Le Monarchomaque, publié le 2 mars 2014.

⇒ Sur l’importance cruciale de la controverse épiscopale de 1763-1775 et de la théologie de résistance puritaine véhiculée par les des séminaires réformés (Harvard, Yale, Princeton) dans la formation du mouvement indépendantiste états-unien, ainsi que et l’opinion du Roi George III de Grande-Bretagne (1738-1820) concernant la responsabilité des calvinistes dans ce conflit : Richard Gardiner, The Presbyterian Rebellion : An Analysis of the Perception that the American Revolution Was a Presbyterian War (thèse doctorale), Marquette University, Milwaukee (Wisconsin), 2005, 375+ p.

⇒ Sur le leadership exercé par le pastorat réformé en Nouvelle-Angleterre : congrégationaliste dans la Guerre d’indépendance états-unienne (1775-1783) : Alice Baldwin, The New England Pulpit and the American Revolution : When American Pastors Preached Politics, Resisted Tyranny and Founded a Nation on the Bible, American Vision Press, Powder Springs (Géorgie), 2014, 272 p.

⇒ Sur le républicanisme théologique évangélique dans ce conflit transatlantique :

⇒ Sur le coup d’État des fédéralistes centralisateurs presque immédiatement après l’indépendance (1785-1790), ainsi que l’opposition des républicains régionalistes qui voulaient maintenir l’alliance confédérale garantissant la souveraineté de leurs républiques respectives  :

⇒ Sur la tradition politique antifédéraliste aux États-Unis d’Amérique :

⇒ Jonathan Harris, « The Antebellum South in the Reformation Tradition », Abbeville Institute, publié le 30 octobre 2017.

⇒ Les éléments chrétiens dans le droit politique et la vie civique états-uniens :

⇒ John Witte et Joel Nichols, Religion and the American Constitutional Experiment, Oxford University Press, Oxford (R.-U.), 2016, 424 p.

⇒ Sur le jurisconsulte que l’historiographie chrétienne du futur considérera probablement comme le meilleur juge états-unien du premier quart du XXIème siècle : Thomas Berg, « Antonin Scalia : [A] Devout Christian Worldly Judge », dans Daniel Dreisbach (éd.) et Mark Hall (éd.), Great Christian Jurists in American History, Cambridge University Press, Cambridge (R.-U.), 2019, p. 245-264 sur 349.

Le Pine Tree Flag fut le premier drapeau utilisé par les insurgés évangéliques américains pendant leur Guerre d’indépendance. Il fut adopté par la Marine coloniale du Massachusetts le 20 octobre 1775. L’arbre – un grand pin – est une allusion au Pine Tree Act, une loi impériale britannique expropriant la totalité des grands pins sur l’ensemble des terrains privés de la Nouvelle-Angleterre (!), causant ainsi un préjudice considérable à la population pionnière. Une version locale de cette loi inique provoqua aussi de sérieux remous au New Hampshire. La devise Appeal to Heaven (« Appel au Ciel ») est tirée du classique Traité du gouvernement civil de John Locke. Similairement, la bannière des unités de l’Armée continentale provenant du Massachusetts portait la maxime An Appeal to God (« Un appel à Dieu »).

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19. Le contrat social protestant pervertit par le laïcisme

⇒ Jean-Marc Berthoud, Le Règne terrestre de Dieu : Du gouvernement de notre Seigneur Jésus-Christ, chapitre 12 : La tradition du contrat social et l’autonomie de la politique, Éditions L’Âge d’Homme, Lausanne (Romandie), 2011, p. 475-504. Des extraits de ce chapitre – corroborés avec d’autres sources – sont reproduits dans : Tribonien Bracton, « La subversion laïque du pacte social calvinien et l’antécédent protestant de “l’état de nature” hobbesien », Le Monarchomaque, publié le 27 septembre 2012.

⇒ Sur la pensée et l’influence du théoricien constitutionnel John Locke (1632-1704) :

⇒ Pour l’opposition du roi-despote bisexuel Jacques Ier d’Angleterre (1566-1625) ainsi que des sulfureux philosophes des « Lumières » François-Marie Arouet dit Voltaire (1694-1778) et Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) à la doctrine du contrat social et au constitutionnalisme : Carlos-Miguel Pimentel, « Du contrat social à la norme suprême : L’invention du pouvoir constituant », Jus Politicum, N° 3 : Autour de la notion de Constitution, décembre 2009.

⇒ Pierre-François Moreau, Dominique Weber et Olivier Abel, Jean Calvin et Thomas Hobbes : Naissance de la modernité politique, Éditions Labor & Fides, Genève (Romandie), 2013, 368 p.

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20. La Révolution française – Rationalisme dévergondé et Terreur génocidaire

« Tous les cultes sont libres. Le premier des droits de l’homme est de penser librement en tâchant de rendre hommage au dieu que son imagination lui peint. N’est pas libre celui dont l’esprit est tourmenté par les discours d’un autre [sic !]. Nul n’a le droit de prêcher des absurdités et celui qui le fait devient réfractaire à la loi qui consacre la liberté des cultes puisqu’il veut, par la magie de son éloquence, forcer les autres à pratiquer le sien [sic !!]. Tout homme qui s’avise de prêcher quelques maximes religieuses que ce soit viole la Constitution républicaine. Afin que la liberté des cultes existe dans sa plénitude [sic !!!], il est défendu à qui que ce soit de prêcher ou d’écrire pour favoriser un culte ou une opinion religieuse, quelle qu’elle puisse être, sous peine d’être arrêté à l’instant comme ennemi de la Constitution républicaine et livré au tribunal révolutionnaire. »
— Proclamation de Joseph Lequinio, député jacobin du Morbihan à la Convention nationale et agent de la Déchristianisation, c.1794 (cité dans Escande, p. 840)

⇒ Scolaris Legisperitus, « Voltaire méprisait les protestants autant qu’il méprisait les catholiques », Le Monarchomaque, publié le 8 décembre 2012.

⇒ Scolaris Legisperitus, « Un regard réformé sur la Révolution française », Le Monarchomaque, publié le 14 novembre 2011.

⇒ Scolaris Legisperitus, « “Enfants de Coligny, pourriez-vous être amis des rois ?” – Le calvinisme à l’épreuve de la Révolution française », Le Monarchomaque, publié le 16 mai 2014.

⇒ Collectif, Révolution et christianisme : Une appréciation chrétienne [protestante] de la Révolution française, Éditions L’Âge d’Homme, Lausanne (Romandie), 1992, 227 p.

⇒ Edmund Burke, Réflexions sur la Révolution en France, Les Belles Lettres, Paris, 2016 (1790), 803 p.

⇒ Samuel Burgess, Edmund Burke’s Battle with Liberalism : His Christian Philosophy and Why it Matters Today, Wilberforce Publications (Christian Concern), Londres (R.-U.), 2017, 180 p.

Sur les convictions et motivations chrétiennes de cette personnalité historique ↑ : Francis Canavan, « Edmund Burke : Christian Statesman », Russell Kirk Center for Cultural Renewal, publié le 30 mars 2014.

⇒ Renaud Escande (dir.), Le Livre noir de la Révolution française, Éditions du Cerf, Paris, 2008, 882 p.

⇒ Pedro Ramirez, Le coup d’État : Robespierre, Danton et Marat contre le premier Parlement élu au suffrage universel masculin, Éditions Vendémiaire, Paris, 2014, 990 p.

⇒ Claude Quétel, Crois ou meurs ! Histoire incorrecte de la Révolution française, Éditions Tallandier, Paris, 2019, 508 p.

⇒ Sur la résistance des Chouans (des maquisards royalistes catholiques) ayant menés une guérilla victorieuse en Bretagne, en Basse-Normandie, au Maine et dans l’Anjou en 1792-1800 :

⇒ Sur l’extermination préméditée et méthodique de quelque 117 000 Vendéens (estimation minimale !) dont ≈ 70 % de femmes et d’enfants par la 1ère République française (contrôlée par les satanés jacobins depuis leur coup d’État du 2 juin 1793), la terrible Virée de Galerne effectuée par des résistants royalistes puis la mise à feu et à sang de la Vendée (Poitou) par les « colonnes infernales » (armées ripoublicaines) envoyées par Paris en 1793-1795…

⇒ Une critique du négationnisme de la gauche ripoublicaine sur ce premier populicide européen de la Période contemporaine : Reynald Secher, Vendée : Du génocide au mémoricide – Mécanique d’un crime légal contre l’humanité, Éditions du Cerf, 2011, 448 p.

⇒ Une médiocre tentative de minimiser la responsabilité criminelle du gouvernement gauchiste dans les boucheries des Guerres de Vendée en 1793-1794 : Jean-Clément Martin, « La Révolution a coupé la France en deux », L’Histoire, N° 311 : La guerre civile, août 2006, p. 36-41.

⇒ Gérard Lesage, Une petite Vendée en Artois : Le peuple des campagnes et la Révolution de 1789, Acteurs du Savoir, Angers (Maine-et-Loire), 2019, 187 p.

⇒ Étienne Andrieu, La Contre-Révolution en Gévaudan (Aveyron et Lozère) : Marc-Antoine Charrier et l’insurrection de l’Armée chrétienne du Midi en 1793, Librairie-Éditions Guénégaud, Paris, 246 p.

⇒ Mise en relief de la force motrice de la vie politique française au XIXème siècle et au-delà, à savoir l’opposition caractéristique entre – non pas le monarchisme et le républicanisme – mais plutôt entre deux types de républicanisme : Celui les tenants de « 1789 » (les partisans de l’État de droit) et les tenants de « 1793 » (les jacobins sanguinaires, les laïcistes totalitaires et marxistes tortionnaires) : Philippe Nemo, Les deux Républiques françaises, Presses universitaires de France (PuF), Paris, 2015, 336 p.

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21. Le Grand Renversement piétiste et pessimillénariste

« Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle il y aurait des domaines de notre vie dans lesquels nous n’appartiendrions pas à Jésus-Christ mais à d’autres seigneurs et dans lesquels nous n’aurions plus besoin de justification et de sanctification. »
— Église confessante d’Allemagne, Déclaration du Synode de Barmen (art. 2), 1934

⇒ Tribonien Bracton, « Le “piétisme” : Comment le christianisme s’est auto-marginalisé », Le Monarchomaque, publié le 1ier août 2011.

⇒ Sur le Grand Renversement, c’est-à-dire le basculement piétiste (anti-implication sociale / anti-engagement culturel) généralisé de l’évangélisme nord-américain qui s’est opéré entre 1865 et 1930 (surtout après 1900) ainsi que ses racines antérieures à 1865 :

⇒ Michael Williams, This World Is Not My Home : The Origins and Development of Dispensationalism, Christian Focus Publications, Fearn-by-Tain (Ross-shire), 2003, 240 p.

⇒ Sur l’identification du piétisme et du pessimillénarisme en tant qu’éléments constitutifs du fondamentalisme « évangélique » du XXème siècle :

⇒ Darrin Patrick, « La justice sociale : Et Dieu dans tout cela ? », chapitre 12 dans Kevin DeYoung, La foi d’hier pour une ère nouvelle : N’y voyez pas un retour dans le passé {hyperlien alternatif}, Éditions Impact, Trois-Rivières (Mauricie), 2011, p. 185-199 sur 312.

We Preached Defeat and We Got it !

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22. Théologie de résistance, guerre juste et droit militaire

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« Quiconque aura dérobé à des paysans, ou à tout autre pauvre, brebis, boeuf, âne, vache, chèvre, bouc, sauf faute de leur part, si réparation complète n’est pas faite, qu’ils soit anathème. »
— Canons du Concile de Charroux au Poitou (art. A:2), l’an 989

« Écoutez chrétiens, la convenance de la paix ! Je n’enfreindrai aucune église d’aucune façon. »
« Je n’arrêterai pas le vilain et la vilaine [= paysans libres], les sergents ou les marchands, ni ne leur prendrai leurs deniers, ni ne les obligerai à se racheter. »
« Je n’incendierai ni ne détruirai les maisons. […] Je ne couperai, ni ne fraperai, ni n’arracherai les vignes d’autrui. »
« Je n’assaillirai pas ceux qui conduiront du vin ou des céréales, ou quelque denrées sur des chars ou des bateaux et ne leur prendrai rien. »
— Serment de l’Accord de Verdun-sur-le-Doubs en Bourgogne (art. 1, 4, 6 et 7), l’an 1022

« Quand ils [les princes] s’élèveront contre Dieu, il faut qu’ils soient mis en bas […] Quand ils commanderont qu’on se pollue en idolâtrie, qu’ils voudront qu’on consente à toutes les abominations qui sont contraires au service de Dieu […] ô, ils ne sont pas dignes d’êtres réputés princes ; qu’on ne leur attribue aucune autorité. »
— Jean Calvin, 9ème sermon sur Daniel, 1552

« S’il est loisible à un magistrat de punir une petite troupe de méchants par un petit nombre de ses sujets et officiers [Romains 13:1-7], il ne lui est pas moins loisible d’en punir une grande multitude par un grand nombre, quand la nécessité le contraint à cela. […] Toute guerre est mauvaise, en tant qu’elle ne peut jamais advenir [sans] qu’il n’y ait de l’iniquité et de l’injustice grande, ou d’une part ou d’autre. […] Mais elle est bonne de la part qu’elle est fondée en droit et justice, pour maintenir l’honneur de Dieu, et l’Église et le bien public, et pour remédier aux maux importables. »
— Pierre Viret, Instruction chrétienne, Tome 2, 1564/2009, p. 493-494

« Question :
Quelles sont les principales choses requises d’un soldat ?
Réponse :
1. Qu’il soit religieux et droit ;
2. Qu’il soit courageux et vaillant ;
3. Qu’il soit habile dans la profession militaire. »
— Robert Ram, Catéchisme du soldat composé pour l’Armée du Parlement, 1644

« Droit à la Révolution
Chaque fois que les finalités d’un gouvernement sont perverties, que la liberté publique est manifestement en danger et que tous les autres moyens de recours sont sans effet, le peuple a le droit – et même le devoir légal – de réformer cet ancien gouvernement ou d’en établir un nouveau. La doctrine de la non-résistance contre le pouvoir arbitraire et l’oppression est absurde, servile, et destructrice du bien et de la félicité de l’humanité. »
Constitution de l’État du New Hampshire (art. 10), 1784

⇒ Sur le prétendu concensus pacifiste dans l’Église des premiers siècles : Christopher Jones, « Christians in the Roman Army : Countering the Pacifist Narrative », Gates of Niniveh, publié le 20 avril 2012.

⇒ Vartan Joulfayan « The Battle of Avarayr [in 451 A.D.] and the Feast of Saints Vartanants », Vemkar (Diocese of the Armenian Church of Eastern America), publié le 8 février 2018.

⇒ Sur la doctrine de la guerre juste (bellum justum) en Antiquité tardive et au Haut Moyen Âge en Occident : Bruno Dumézil, Les racines chrétiennes de l’Europe {↑}, p. 429-455.

⇒ Sur le développement de la théologie de la guerre sainte au Haut Moyen Âge en Orient par l’Empereur byzantin Léon VI le Sage (866-912) :

⇒ Gilbert Dagron et Haralambie Mihăescu, Le “Traité sur la guérilla” de l’Empereur Nicéphore Phoca, Éditions du CNRS, Paris, 2011, 372 p.

⇒ Sur le mouvement civilisateur de la Paix de Dieu et de la Trève de Dieu en Francie de l’Ouest au Moyen Âge central :

⇒ Thomas d’Aquin, Petite somme politique : Anthologie de textes politiques traduits et commentés par Denis Sureau, Pierre Téqui Éditeur, Bonchamp-lès-Laval (Pays de la Loire), 1997, 200 p.

⇒ Marc Clauson, Theonomy in the Middle Ages : The Case of Thomas Aquinas, essai présenté à l’Assemblée générale annuelle de l’American Political Science Association (APSA), Washington (D.C.), 1ier septembre 2005, 35 p.

⇒ Théologie de résistance des protestants tchèques :

⇒ Théologie de résistance des protestants allemands :

⇒ Théologie de résistance des protestants français :

Autre édition française moderne ↑ : Théodore de Bèze, Du droit des magistrats sur leurs sujets, Éditions d’Histoire Sociale (EDHIS), Paris, 1977 (1574), 126 p.

Autre édition française moderne ↑ : François Hotman, Franco-Gallia, Presses universitaires d’Aix-Marseille (PuAM), Aix-en-Provence, 1991 (1574), 350 p.

Autre édition française (encore un fac-similé) ↑ : Étienne Junius Brutus, Vidiciæ Contra Tyrannos [= Vindicte contre les tyrans], Librairie Droz, Genève (Romandie), 1979 (1581), 72 p.
Traduction anglaise moderne ↑ : Stephanus Junius Brutus, Vidiciæ Contra Tyrannos : Or, Concerning the Legitimate Power of a Prince over the People and of the People over a Prince, Cambridge University Press, Cambridge (R.-U.), 2008, 312 p.

Des extraits sélectionnés de cet article ↑ sont reproduits ici : Tribonien Bracton, « “De leurs bouches sortirent des glaives” : Le rôle des pasteurs dans les Guerres de Religion », Le Monarchomaque, publié le 5 janvier 2013.

  • Lorsque les forces défensives huguenotes écrasèrent l’armée royale envoyée pour les exterminer : Tribonien Bracton, « 20 octobre 1587 : la Bataille de Coutras (vidéo) », Le Monarchomaque, publié le 8 mars 2011.
  • Collectif, Jean Calvin : Les multiples visages d’une Réforme {↑}…

• Chapitre 2 : Arlette Jouanna, Les “Provinces de l’Union” – Un État dans l’État ?, p. 155-178.
• Chapitre 3 : Serge Brunet, Mars 1560 [à] mars 1562 – Les Guerres de Religion commencent dans le Midi de la France, p. 179-212.

⇒ Théologie de résistance des protestants néerlandais :

⇒ Théologie de résistance des protestants anglais :

⇒ Steve Halbrook, « Military Laws of King Gustavus Adolphus of Sweden », Theonomy Resources, publié le 28 janvier 2013.

⇒ Tribonien Bracton, « Plaidoyer pour la défense militaire transfrontalière des chrétiens persécutés », Le Monarchomaque, à paraître en l’an de grâce 2022, si Dieu le veut (Deus vult).

Étendard Gostelowe ayant flotté du côté des insurgés évangéliques des Treize colonies pendant la Guerre d’indépendance américaine (1775-1783) contre l’Empire britannique, portant la devise chrétienne « Résistance aux tyrans est obéissance à Dieu ».

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Addendum # 1 – Réfutation du fallacieux concept de « césaropapisme »

L’auteur de la citation ci-dessous, l’historien byzantiniste Gilbert Dagron (1932-2015), fut administrateur du Collège de France, président de l’Académie des inscriptions et belles-lettres de l’Institut de France, ainsi que docteur honoris causa de l’Université d’Athènes en Grèce…

Zoom : Césaropapisme

« Les théologiens [latins] commencent à faire usage de ce mot savant au XVIIIème siècle pour stigmatiser la civilisation byzantine, coupable, selon eux, d’avoir confondu l’Église et l’État. Le ‹ césaropapisme › serait cette perversion politique par laquelle le roi se prend pour un prêtre et s’impose à la tête de l’Église. […] »

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« En termes d’idéologie, il [= l’empereur byzantin] est le souverain universel, délégué par Dieu au gouvernement des hommes. En droit, l’autocrator est tout-puissant [sic], mais cette toute-puissance est tempérée par des modèles politiques et religieux, et aussi par le droit. Le basileus, ‹ loi vivante ›, est au-dessus des lois, mais pour être légitime, il doit respecter les lois.

Le poids de l’histoire est aussi très important. Le cérémonial qui décrit par le menu toutes les situations dans lesquelles intervient l’empereur vise bien sûr à théâtraliser sa toute-puissance, mais il lui rappelle aussi les limites de ses prérogatives : il évoque par des images ou exempla tel prédécesseur excommunié pour avoir transgressé les canons (Léon VI, en 906-907, à cause de son quatrième mariage), ou tel autre frappé par Dieu de maladie pour avoir gardé sa couronne en pénétréant à Sainte-Sophie, demeure du Roi des rois (Léon VI en 780). […]

Comme chrétien, l’empereur est soumis à l’Église, il peut être excommunié. Mais il n’en est pas moins le chef de la Chrétienté, tenant directement de Dieu sa légitimité, [car prétendument] choisi par Dieu pour diriger les hommes jusqu’à la Fin des temps. […] Ce modèle byzantin de quasi-sacerdotalité est ce que l’on appelle ‹ césaropapisme ›, c’est-à-dire l’abus de pouvoir d’un souverain laïc qui se prend pour un pape.

On attribue souvent à l’évêque Eusèbe de Césarée [c.265-339], contemporain de Constantin le Grand [272-337], cette construction idéologique et cette ‹ théologie politique ›, mais c’est oublier que le schéma a été, depuis le IVème siècle, constamment révisé et affiné, voire inversé dans un sens favorable à l’Église patriarcale [de Constantinople]. Le ‹ césaropapisme › cesse très vite de caractériser l’Empire byzantin et devient, dans les querelles inter-confessionnelles, une injure un peu facile. […] Le patriarche de Constantinople [était] nommé par le souverain et consacré par le ‹ concile permanent › des métropolites (les évêques d’un chef-lieu de province). […] L’Église byzantine repose sur la très puissante assemblée des métropolites autant que sur le patriarcat lui-même. »

Référence de la citation ci-dessus : Gilbert Dagron, « L’empire oublié », L’Histoire, N° 319 : Les mystères de Byzance, avril 2007, p. 42-44 sur 36-47.

L’auteur de la citation ci-dessous, l’historien byzantiniste russe Georgije Ostrogorsky (1902-1976), fut professeur d’histoire pendant plus de 45 ans à l’Université de Breslau en Silésie puis à l’Université de Belgrade en Serbie…

« Il est vrai que l’empereur décide pratiquement de la nomination du patriarche [de Constantinople] et que, comme législateur, il intervient aussi dans l’administration de l’Église [grecque orientale]. Mais, à la différence des dignitaires civils que l’empereur est libre de nommer et de révoquer à sa seule guise, la nomination et surtout la déposition des chefs de l’Église (évêques, métropolites) requière l’assentiment du clergé, et l’empereur, qui peut abroger ou modifier les lois de ses prédécesseurs, ne peut ni abroger ni modifier les décisions des conciles ecclésiastiques. La plus haute instance de la vie de l’Église est le concile, auquel seul il appartient de trancher les questions de foi.

Le rôle de l’empereur se borne à protéger la foi existante. Le cliché de ‹ césaropapisme › donne une idée fausse des relations qui ont existé à Byzance. […] La théorie d’une subordination inconditionnée de l’Église à l’Empire ‹ césaropapiste › de Byzance [est erronée]. »

Référence de la citation ci-dessus : Georgije Ostrogorsky, Histoire de l’État byzantin {↑}, éd. de 1983, p. 273.

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Addendum # 2 – Le droit agricole occidental au Moyen Âge central

Le contexte socioéconomique = la Révolution agraire en Occident au Moyen Âge central :

« À partir de l’an 1000, dans la moitié nord tempérée froide de l’Europe, l’usage de toute une gamme d’outils se répandit, en relation avec l’essor de la sidérurgie. […] De l’an 1000 à l’an 1300, les quantités de grains et de produits animaux ont plus que quadruplé dans la moitié nord de l’Europe. Les disettes et les famines sont devenues rares ; la population, mieux nourrie, a plus que triplé et une fraction plus importante de celle-ci, bien qu’encore modeste, a pu se consacrer à des activités non agricoles qui ont entraîné un réel essor artisanal, urbain, architectural et culturel. De nouvelles catégories sociales (paysans ou artisans indépendants, entrepreneurs, ouvriers…) ont émergé. »

Référence de la citation ci-dessus : Marcel Mazoyer et Laurence Roudart, « Histoire des agricultures jusqu’au XIXème siècle », chapitre « La Révolution agricole du Moyen Âge », Encyclopédie Universalis (accès électronique payant, consulté le 1ier avril 2019).

« On assimile volontiers le fief au domaine ; ce qui est vrai à condition de ne pas oublier la remarque fondamentale de Lucien Febvre : Un fief n’est pas une terre ; c’est un ensemble de droits. […] Hugues Capet [941-996, sacré Roi de France en 987] et ceux qui l’entourent ne sont pas des propriétaires fonciers au sens où nous l’entendons ; ce sont des gens qui possèdent des droits sur un certain nombre de domaines. Terres, forêts, rivières, prés ou vignes, hameaux ou villages, pas une parcelle ne leur appartient comme nous appartient notre résidence secondaire. […]

Sur ces divers terroirs, le [seigneur] exerce directement le pouvoir, celui d’un exploitant agricole qui perçoit à son profit une part des récoltes ; celui, aussi, d’un administrateur qui fait régner l’ordre, possède droit de justice et peut lever un certain nombre d’hommes qui lui devront un service militaire. […]

C’est la coutume qui détermine le nombre d’hommes que lui doit telle ou telle communauté, le montant des redevances à percevoir sur telle terre ou tel pré, sur le moulin qu’il a fait construire au bord de la rivière, le four qu’il a fait aménager au centre du village, ou en contrepartie du droit qu’ont les paysans de faire paître leurs porcs et leur bétail dans la forêt. Autrement dit, le seigneur, sur son propre domaine, n’est pas le maître absolu : les tenanciers, libres ou serfs, jouissent de droits que la coutume leur garantit. »

Référence de la citation ci-dessus : Régine Pernoud, « Qu’est-ce qu’un seigneur ? », Historama, N° 39, mai 1987, p. 56-63.

« Les terres s’échangent, s’achètent, se vendent. […] Le seigneur foncier prélève [un] droit d’utilisation chaque fois qu’il a échange de terre entre des paysans, qu’il s’agisse de ventes ou, pour les serfs, de transmission par héritage. […] Le seigneur, qui voit ses revenus dépendre largement des échanges de terres entre paysans, a dès lors intérêt à les encourager.

Le marché de la terre est ainsi, au Moyen Âge, beaucoup plus vigoureux qu’on ne l’imagine d’ordinaire. En moyenne, à l’extrême fin du XVIIIème siècle, un paysan achète ou vend une terre tous les trois ou quatre ans. La propriété paysanne, au XVIIIème siècle, n’est donc pas immuable. D’une manière générale, les paysans cherchent alors à acquérir une plus grande liberté économique, [une plus grande liberté] de mouvement ; ils entendent être maîtres de leur terre, de leur temps, de leurs déplacements. »

Référence de la citation ci-dessus : Monique Bourin, « Le siècle des paysans conquérants », L’Histoire, N° 283 : Les grandes heures du Moyen Âge, janvier 2004, p. 50-55.

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