
Jean Chrysostome défiant l’impératrice arienne Aelia Eudoxie
Romains 13:1-7 (et les passages bibliques similaires tels Tite 3:1 et 1 Pierre 2:13-17) sont souvent compris à contre-sens par les chrétiens : Les rois, princes ou autorités civiles pourraient faire tout ce qu’elles veulent et les chrétiens ne pourraient pas s’y opposer activement. Or la vérité est l’inverse : la légitimité des autorités civiles est conditionnée par la loi divine et les chrétiens peuvent — voire doivent — s’opposer aux autorités civiles qui désobéissent à la loi divine (lire Exode 1:15-21). Comment sa fait-il alors que la Bible dit « toute autorité vient de Dieu » ? Les Pères de l’Église et les réformateurs calvinistes expliquèrent qu’il faut distinguer entre l’office de magistrature et la personne individuelle du magistrat.
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Commençons par citer l’Homélie 23 sur l’Épître aux Romains de Jean Chrysostome (c. 349-407), patriarche de Constantinople (Thrace) de l’an 397 à 404 :
« “Car il n’y a point de puissance”, dit l’apôtre, “qui ne vienne de Dieu”. Que dites vous ? Tout prince a été ordonné prince par Dieu ? Ce n’est pas là ce que je dis, répond l’apôtre ; car je ne parle pas des princes individuellement, je ne m’occupe que de l’institution elle-même. […] L’apôtre ne dit pas car il n’y a pas de prince qui ne vienne de Dieu, mais c’est de l’institution elle-même qu’il parle, et il dit : “Qu’il n’y a point de puissance qui ne vienne de Dieu, et les puissances qui existent ont été ordonnées par Dieu”. De même quand le Sage dit : “C’est par le Seigneur que la femme est appropriée à l’homme” (Proverbes 19.14), il affirme que le mariage est institué par Dieu, et non pas que c’est Dieu lui-même qui marie tel homme à telle femme ; car nous voyons souvent des mauvais mariages, qui ne sont pas conformes à la loi du mariage, et nous ne devons pas les attribuer à Dieu. […] “Car il est le ministre de Dieu, pour exécuter sa vengeance, en punissant celui qui fait de mauvaises actions.” L’apôtre ne veut pas que le châtiment, la vengeance, l’épée vous fasse reculer d’épouvante, et il répète que le prince remplit la loi de Dieu. »
Source ↑ : Jacques de Penthos, Saint Jean Chrysostome – Homélies sur les épîtres de Saint Paul, Tome II : Lettre aux Romains – Lettre aux Éphésiens, Éditions François-Xavier de Guibert, Paris, 2009, p. 141-142 sur 286 {homélie complète ici}.
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Portrait de Samuel Rutherford
Au XVIIe siècle, Samuel Rutherford (1600-1661), un juriste écossais, professeur de théologie à l’Université de St Andrews (Fife), composa le premier traité de droit constitutionnel moderne, Lex Rex : The Law is King, publié en 1644. Lex Rex signifie « la loi crée le roi », et est à l’antipode de Rex Lex, qui signifie le « le roi crée la loi ». Ce juriste écossais y démontre, à la Question 1, que « nous ne pouvons pas ne pas différencier entre l’institution ou l’office, c’est-à-dire le gouvernement, et les personnes désignées à cet office ». Et à la Question 5, que « la royauté vient de Dieu, mais les rois viennent des hommes ». Pourquoi donc ? Samuel Rutherford observe que Dieu dote rarement les collectivités humaines de dirigeants politiques de façon immédiate, mais le fait habituellement de façon médiate, par l’entremise des populations concernées. Ainsi, Dieu institue l’office de magistrat, mais ce sont les hommes qui nomment et destituent certains de leurs compaires à cet office.
Source ↑ : Pierre Lurbe, « Résistance et régicide dans “Lex Rex” (1644) de Samuel Rutherford », Études Épistémè, N° 15, 2009, p. 36-43.
Complément : The Establishment and Limits of Civil Government : An Exposition of Romans 13:1-7 [American Vision Press]
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