J’ai déjà abordé la question du rapport entre la religion et la Constitution fédérale américaine, démontrant que constitutionnellement, les États-Unis ne sont pas laïcs et que tout ce que Thomas Jefferson voulait dire en écrivant qu’il devrait y avoir une « séparation entre l’Église et l’État » c’est qu’il ne doit pas y avoir d’Église d’État afin de protéger les Églises de l’ingérence étatique. Ce sujet mérite d’être approfondi. Les militants laïcistes citent continuellement l’establishment clause du 1er amendement de la Constitution fédérale américaine – qui édicte que « le Congrès ne fera aucune loi relative à l’établissement de la religion ou prohibant le libre exercice de celle-ci » – pour justifier la sécularisation complète de la sphère publique.
Or, cette Constitution elle-même est un document confessionnel chrétien, pour deux raisons. D’abord, l’Article 7 de la Constitution clôt le document en stipulant « Fait en Convention, du consentement unanime des États représentés, le dix-septième jour de septembre de l’an 1787 de Notre Seigneur », puis suivent les signatures apposées par une quarantaine des Pères Fondateurs délégués par leurs États respectifs. « Notre Seigneur » dont il est question ici est certainement Jésus-Christ. Ceci est irréfutablement une allégeance confessionnelle faisant de la Constitution un document chrétien. Les jurisconsultes qui ont élaborés ce texte savaient très bien ce qu’ils faisaient et mesuraient scrupuleusement la portée de chacun des mots qu’ils y inscrivaient. Si les Pères Fondateurs avaient vraiment voulu que la Constitution et l’État qui en émane soient « religieusement neutres » (comme si une telle chose était possible), ils n’auraient certainement pas ajoutés la mention « de Notre Seigneur ». Les progressistes postmodernes pourraient alléguer que ce n’était qu’une formalité d’époque, mais en suivant cette fausse logique nous pourrions étendre ce raisonnement à l’entièreté de la Constitution et ainsi la rendre caduque.
Ensuite, la Section 7 de l’Article 1 de la Constitution affirme que le chef du pouvoir exécutif (c’est-à-dire le Président) a dix jours pour approuver ou renvoyer les projets de loi élaborés par le Congrès qui les lui soumet, dimanche non compté. Cette importante précision vise à favoriser la pratique du christianisme jusqu’au plus haut échelon du gouvernement. C’est là une allégeance confessionnelle supplémentaire que contient la Constitution : le jour de repos chrétien est reconnu et protégé par le document qui établit la légitimité même de l’État fédéral américain. Les instances gouvernantes ont l’obligation légale de respecter le jour du Seigneur (Jésus-Christ).
Gary DeMar, l’ex-président du ministère réformé American Vision, explique :
Maintenant, revenons à l’establishment clause du 1er amendement. Pour interpréter correctement l’injonction constitutionnelle à ne pas « établir de religion » (injonction qui pèse uniquement sur la législature fédérale et non sur les autres branches ou paliers de gouvernement civil), il faut la replacer dans le contexte politico-religieux américain de la fin du XVIIIe siècle. Pour comprendre cette phraséologie volontiers floue, il faut l’éclairer du sens que les rédacteurs de la Constitution lui donnaient. Une panoplie d’exemples pourraient être cités, mais prenons-en seulement quelque-uns.
En 1782, alors que la guerre empêchait l’importation de Bibles dans les colonies insurgées, les Pères Fondateurs du Congrès Continental approuvèrent l’édition de 30 000 Bibles avec des fonds publics. D’ailleurs, le Président du Congrès Continental en 1782-1783, Elias Boudinot d’origine huguenote (réformée française), fut aussi le premier président de l‘American Bible Society. Assurément, les Pères Fondateurs considéraient que la promotion ouverte du christianisme par les divers niveaux et organes de l’État est compatible avec le non-établissement d’une Église particulière par le Congrès fédéral.
Similairement, le 4 décembre 1800, le Congrès approuva l‘utilisation du Capitol Building comme bâtiment d’église le dimanche. Visiblement, les législateurs fédéraux ne voyaient là aucune contradiction avec le 1er amendement. Et il est significatif que ce même Capitol Building – bien qu’il fut dès le départ destiné à accueillir la Chambre des représentants et le Sénat – fut utilisé comme église dès 1795, soit une demi-décennie avant que la députation ne s’y installe et n’y amorce ses travaux !
On trouvera beaucoup plus d’information sur l’intention originelle du 1er amendement dans l’ouvrage The Christian Life and Character of the Civil Institutions of the United States de B.F. Morris, dont l‘édition originale remonte à 1864 mais qui fut réédité par American Vision en 2007.
Il est aussi intéressant d’étudier la théologie politique des chrétiens puritains qui ont précédés les Pères Fondateurs en établissant les Treize Colonies. Voici une citation tirée de l’ouvrage The Christian Life and Character auquel il est fait référense ci-dessus (ma traduction) :
Le Cadre de gouvernement civil que William Penn a complété en 1682 pour la gouvernance de la [Province de] Pennsylvanie était dérivé de la Bible. Il a déduit de plusieurs passages bibliques que l’origine de tout pouvoir humain descend de Dieu et que les gouvernements [civils] ont un droit divin à deux fins : {1} Terrifier les malfaiteurs ; et {2} Chérir ceux qui font le bien ; de façon à ce que le gouvernement [civil] en soi fasse partie de la religion, une chose sacrée dans ses institutions et ses fins.
Le 2 mars 1641 : Selon l’accord fondamental – fait et publié par plein et général consentement, lorsque la plantation s’est mise en place et qu’un gouvernement fut fondé – les lois judiciaires de Dieu transmises par Moïse étayées dans d’autres parties de l’Écriture, pour autant qu’elles soient reliées à la Loi morale [ou dépendantes d’icelle] et qu’elles soient ni cérémonielles ni spécifiques [aux Hébreux] ou qu’elles n’aient aucune référence à Canaan, ont une équité éternelles en elles, et devront servir de règle pour les procédures.
Le 3 avril 1644 : Il fut ordonné que les lois judiciaires de Dieu, telles qu’elles furent livrées par Moïse […] seront la règle pour toutes les cours de cette juridiction dans leurs procédures.
- Religion in the Original 13 Colonies [ProCon]
- The 50 States Acknowledge God [Foundation for Moral Law]
- The First Amendment and “Separation of Church and State” [Whitefield Media]
- Symposium on Christianity and the American Revolution [Chalcedon Foundation \ Journal of Christian Reconstruction]
- The Presbyterian Rebellion [Journal of the American Revolution]
- The Influence of the “Black Robes” [Journal of the American Revolution]
- The Presbyterian Rebellion : An Analysis of the Perception that the American Revolution Was a Presbyterian War [Marquette University]
- The Religious Beliefs of America’s Founders : Reason, Revelation, and Revolution [University Press of Kansas]
- John Locke’s Appeal to Heaven : Its Continuing Relevance [Tenth Amendment Center]
- When Congress Asked America to Fast, Pray, and Give Thanks to God [Christian Heritage Fellowship]
Sans oublier cette excellente série signée par la plume du théologien et éthicien réformé Phillip Kayser :
- Christian Nation ? – Part 1 : Our Nation’s Founding Documents Could Be Improved [Biblical Blueprints]
- Christian Nation ? – Part 2 : Our Founding Fathers Intended to Establish Christianity as America’s Established Religion Without Establishing a Denomination [Biblical Blueprints]
- Christian Nation ? – Part 3 : Our Founding Documents [Biblical Blueprints]
- Christian Nation ? – Part 4 : But What about the First Amendment ? [Biblical Blueprints]
Une référence étatique officielle sur cette matière :
Religion and the Founding of the American Republic
Was the Constitution Intended to be Secularist, or “Neutral”, Among Religions ? [Archie’s Desk]
Christianity and the Constitution – The Faith of Our Founding Fathers [Plymouth Rock Foundation]
Hamilton’s Curse : How Jefferson’s Arch Enemy Betrayed the American Revolution – And What it Means Today [Penguin Random House]
« At 10:00 a.m. on every day when the [American] Supreme Court is in session, the Justices proceed to their chairs while the Court’s Marshal proclaims :
It is a real prayer, asking for God’s protection. The source of the prayer is the First Book of Samuel : “Samuel said to all the people : ‘See ye him whom the Lord hath chosen, that there is none like him among all the people ?’ And all the people shouted, and said : ‘God save the King !’ [1 Samuel 10:24].” In English history, that prayer was first intoned in the coronation of King Edgar in 973, predating the Magna Carta by 242 years.
In spite of its royal roots, such a prayer is also a necessary element in a republic dedicated to preserving the liberties of the people. And, in a larger sense, respect for religion is necessary for a republic to exist at all. […] A republic, that is, a true republic, respects religious speech because such speech represents a different authority from governing power and hence affirms the limited nature of the governing power. »
Source : Religion and the Republic [The Federalist Society]