Voici des extraits d’une Analyse de l’ouvrage “Le Parti anti-révolutionnaire et confessionnel dans l’Église réformée des Pays-Bas” publié par Groen van Prinsterer en 1860, pour répondre à des critiques formulées à l’encontre de sa formation politique néerlandaise par des « protestants » libéraux suisses et français (la base politique de Prinsterer était en bonne partie composée par les communautés réformées orthodoxes wallonnes de La Haye et de Rotterdam). Prinsterer y expose la théorie de la relation entre l’Église et l’État qui découle des commandements bibliques, contrairement aux errements modernistes de ses opposants.
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Pour Groen, ce qui s’impose à l’Église de Jésus-Christ, dans sa relation avec l’État, ce n’est pas la séparation, mais bien plutôt l’indépendance, la distinction nette entre le glaive spirituel et le glaive temporel […] : « Par la force des circonstances, l’union [lire la coopération] de l’Église et de l’État a été, et peut devenir encore, nécessaire ou avantageuse. Le premier des axiomes, en droit ecclésiastique, n’est pas la séparation, mais l’indépendance. » Et Groen de citer M. de Gasparin : « L’indépendance est un dogme écrit à chaque page de la Bible ; la séparation n’y est écrite nulle part. »
La nature et la portée de la défense du Parti confessionnel des droits de l’Église dans les États-Généraux de La Haye
Suit ensuite un résumé des principes de Groen concernant l’indépendance et l’influence des églises en relation avec l’État, selon un double point de vue :
- L’Église comme corporation indépendante et autonome : « L’Église est une corporation indépendante, […] ayant un droit égal à la protection commune, mais autonome et refusant toute intervention [extérieure] dans le cercle de ses intérêt particulier. »
- L’Église comme institution publique, en lien étroit avec la nation : « Mais en outre les églises sont indissolublement liées à la chose politique ; elles ont sur l’État une action naturelle, que l’État ne saurait repousser sans se mettre en désaccord avec la nation. »
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Et Groen d’en appeler à la conscience nationale : « Laissant de côté la question combattue de l’État chrétien, j’ai dit : en tout cas, souvenez-vous que vous êtes le gouvernement d’un peuple chrétien. Vous ne pouvez imposer au peuple, ni des institutions athées, ni une religion civile [néo-païenne] et mixte [syncrétiste]. »
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L’attitude du Parti confessionnel envers la dissidence, les facultés de théologie, et l’enseignement primaire
Pour ce qui est de la liberté de culte des dissidents réformés, le Parti s’est attaché à combattre le despotisme soupçonneux des articles introduits par Bonaparte dans le Code Pénal, qui faisaient dépendre les affaires de l’Église de l’arbitraire de l’État. Le gouvernement ayant la responsabilité d’imposer un culte unique, et de faire maintenir, y compris par la force, l’unité administrative de l’Église, cela valu aux « séparatistes » [ou plus exactement aux « indépendantistes »] d’être persécutés, traduit devant des tribunaux civils, mis à l’amende et en prison. Le Parti confessionnel exerça ici une influence bénéfique, puisqu’en 1852, la position des dissidents fut définitivement reconnue et légalisée.
Pour ce qui est de l’enseignement théologique dans les universités, le Parti confessionnel a défendu, contre la pratique courante, le droit de l’Église – et non de l’État – de s’occuper elle-même du recrutement des professeurs, selon des critères qui lui sont propres, et non pas seulement selon leurs capacités scientifiques : « Par une singulière anomalie, même après la séparation de l’Église et de l’État, le choix des professeurs se faisait par le gouvernement, et, par une confusion d’idées bien plus grave encore, uniquement d’après leurs capacités scientifiques, sans s’inquiéter en aucune manière de leur foi. »
Pour ce qui est de l’enseignement primaire, le Parti confessionnel s’est attaché, contre l’idéologie ambiante prônée par l’école publique – ou « école mixte » – imprégnée de rationalisme [lire de matérialisme pseudo-rationnel] et prônant une religion mixte réduite à une simple morale laïque, à faire valoir le point de vue confessionnel : « Nous mettions en évidence le droit et le devoir de l’Église et des membres de l’Église, de donner aux enfants non seulement une instruction catéchétique, mais surtout une éducation conforme à ses dogmes et à ses préceptes. »
L’opposition parlementaire du Parti confessionnel de 1849 à 1857
« Je [Groen van Prinsterer] croyais à la possibilité d’arrêter les progrès du mal, et surtout de délivrer l’Église réformée de la suprématie gouvernementale et de garantir l’école primaire contre les tendances de l’indifférentisme religieux. »
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Groen entend, du même coup, s’opposer à une centralisation administrative excessive, et au despotisme de la bureaucratie : « la centralisation politique [lire la coalisation les provinces des Pays-Bas] est le gage indispensable de l’unité et de la force des États ; mais je me suis opposé au despotisme de la bureaucratie, à la centralisation administrative [lire la supression des pouvoirs régionaux ou leur réduction en succursales du pouvoir central]. J’ai demandé de véritables libertés provinciales et communales. »
[…]
Au lieu de se montrer les alliés naturels des réformés orthodoxes contre l’impiété anti-chrétienne de la Révolution, les catholiques crurent bon de s’acclimater au libéralisme, afin, pensaient-ils, d’écraser la prépondérance des protestants : « se croyant en mesure de l’écraser [le protestantisme] par l’organisation de la démocratie, loin de s’allier avec les réformés orthodoxes contre la Révolution, il se joignait au parti de la Révolution contre les réformés orthodoxes. Il prenait goût à un libéralisme acclimaté. »
Chances de succès
Quel était donc le but du Parti confessionnel ? À cela Groen répond : « Dans l’État, nous aspirions à préparer la ruine des principes libéraux, en faisant voir à l’œil qu’ils n’ont pour résultat que des oscillations perpétuelles entre la liberté désordonnée et l’ordre sans la liberté. » Déjà, en 1837, Groen avait résumé son intention : « Puisse-t-on voir, non par des transitions brusques et forcées, mais par l’influence positive d’un esprit évangélique, les lois et les institutions semi-révolutionnaire se modifier devant les principes chrétiens ! »
Influence réelle
Le Parti confessionnel, bien que microscopique par rapport aux autres partis, a su exercer une influence bénéfique, en particulier dans le domaine du maintient des droits historiques de l’Église réformée et de l’enseignement religieux, comme aussi des droits individuels de tous : « En revendiquant les droits individuels de tous et les droits historiques de l’Église réformée, dans leur inviolabilité permanente, nous étions l’organe de milliers de nos concitoyens. Fortifiés ainsi et formant une minorité compacte et décidée, nous pouvions nous flatter d’imposer des ménagements aux libéraux, […] » Ainsi, malgré la difficulté de pouvoir mesurer avec exactitude l’impact réel du Parti confessionnel dans la sphère tant politique que morale et religieuse, Groen estime que « pour obtenir la liberté des cultes et la liberté d’enseignement particulier, notre concours n’a pas été inutile ou superflu. »
[…]
Groen insiste sur la nécessité de ne pas confondre l’individualisme, négateur de toute société, fruit du siècle des Lumières et de la Révolution, et l’individualité, à laquelle « la société doit tout ce qu’elle a de saveur, de vie et de réalité. »
[…]
Conclusion
[Groen van Prinsterer nous a montré que] toutes pensées et toutes actions, qu’elles soient politiques, religieuses, ou morales, pour être vraiment chrétiennes, ne peuvent, en définitive, dépendre que d’une confession chrétienne de l’autorité de Dieu et de sa Parole sur toute l’existence, et qu’elles impliquent le rejet de l’esprit et des doctrines de la Révolution. Il convient de choisir entre l’esprit de la « Révolution permanente » et l’esprit de la Réformation [permanente].
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Voir aussi : Séparer l’Église et l’État ne signifie pas séparer la foi et la politique [Zenit]
Sur le Groen Club du Calvin College à Grand Rapids au Michigan
« In the Lord’s providence, there were two factors that brought me to faith in Jesus Christ during my first year at Calvin College. One was the sudden death of professor Henry Van Til, who suffered a heart attack while teaching a class. The other was the impact of the Groen Club, the student club mentored by Runner, which I began to attend at that time.
Through the Groen Club, and through the philosophy courses with Runner that I subsequently took, the whole course of my life was decisively shaped. I committed myself to Jesus Christ and dedicated my life to the pursuit of Christian scholarship along the lines of Runner’s teaching. […]
This concern to emphasize the basic worldview of Dutch neocalvinism also accounts for the way in which Runner highlighted the work of other, not strictly philosophical, representatives of this tradition, such as Guillaume Groen van Prinsterer and Abraham Kuyper. It is very telling that the student club through which Runner exercised much of his influence was called the Groen Club, after Groen van Prinsterer, and that a major project of its early years was the English translation of Groen’s seminal work Ongeloof en Revolutie. […]
[M]ention Runner’s strategic sense. He was like a general deploying his troops as he advised his students how best they could serve the cause of the reformation of scholarship. For those who were academically gifted, he would suggest strategic disciplines that needed to be addressed from a reformational perspective. […] A prominent example was Bernie Zylstra, one of the founders of the Groen Club, who did go to seminary but thereafter attended the University of Michigan law school and then went to the Free University to get a doctorate under Dooyeweerd in legal theory.
Alongside these four factors—Runner’s passion, his erudition, his strategic sense, and the personal relationships he had with his disciples—there is a fifth that has nothing to do with Runner’s personal qualities but which may be the most important circumstance that accounts for his extraordinary influence. What I have in mind is the post-war Dutch immigration to North America, mainly Canada. A wave of Dutch immigrants, many of them Reformed, came to Canada in the 1950s and 1960s, and their children soon began to arrive at Calvin College. Almost immediately, there was established a strong bond between Runner and many of these recently arrived young people. […] Moreover, with the exception of a handful of immigrant Americans, they were all Canadians. The Groen Club consisted almost exclusively of these « wetbacks, » as other Calvin students somewhat disparagingly called the Canadians. »
Source : Al Wolters, The Importance of H. Evan Runner [Comment]
Voir aussi : Harry Van Dyke, H. Evan Runner and the Groen Club [Comment]