En notre époque de surtaxation sans précédent, voici en guise de rafraichissement une prédication du pasteur & théologien réformé Greg Price portant sur la légitimité – ou l’absence de légitimité – des multiples taxes imposées par les gouvernements étatiques de ce bas-monde : Unlawful Taxation and Unlawful Civil Government.
Brève présentation de la prédication fournie sur SermonAudio :
Gives biblical guidelines concerning what the Bible teaches about paying taxes and introduces Scriptural teaching on how to tell if a particular civil government is lawful or unlawful. The classic Knoxian / Covenanter position defended here will certainly hold some surprises for most modern Christians. For much more on this subject see Greg Price’s book Biblical Civil Government Versus the Beast and the Basis for Christian Resistance.
Le prédicateur cite l’Écossais Samuel Rutherford (1600-1661), un théologien réformé et le théoricien du droit politique qui articula la première défense moderne du constitutionnalisme dans son maître-ouvrage intitulé Lex Rex paru en 1644. (En latin, Lex Rex signifie « la loi est le roi », par opposition à Rex Lex, qui signifie « le roi est la loi ».) Rutherford y argumente que « la fidélité à Christ ne peut pas être une trahison à César ». D’un point de vue biblique, cette assertion est parfaitement logique. Une désobéissance à l’officiant (l’individu) qui occupe l’office (la fonction) de César ne constitue pas nécessairement une désobéissance à l’office lui-même, puisque même si c’est Dieu qui a institué cet office (Romains 13, 1 Pierre 2, etc.), Dieu n’approuve pas forcément l‘officiant qui l’occupe à ce moment-là ! Par conséquent, si l’officiant travestit l’office qu’il occupe, hé bien le corps des citoyens a certainement le droit (sinon le devoir) de faire pression – dans la mesure de ses capacités – sur l’officiant en question. Cela, par respect et par hommage envers cet office sacré.
Dans son commentaire analytique du texte antique Sur la clémence (56) signé par le jurisconsulte et philosophe stoïcien Sénèque de Cordoue (–4-65), le juriste et réformateur français Jean Calvin (1509-1564) reconnaissait également cette distinction cruciale entre l’office et l’officiant :
Si la religion nous contraint de résister quelquefois à quelques édits tyranniques, lesquels défendent de rendre au Seigneur Jésus l’honneur qui lui appartient, et le service que nous devons à Dieu : lors nous pouvons à bon droit protester que nous ne violons point la puissance des rois. Car ils ne sont pas ainsi élevés en dignités hautes afin qu’à la façon des géants ils tâchent de tirer Dieu hors de son trône.
Le huguenot Jean de Coras (1515-1572), chancelier du Royaume de Navarre pour la reine Jeanne d’Albret (1528-1572), juge du célèbre procès dans l’« affaire Martin Guerre » (1560), martyrisé à Toulouse dans la Saison des St-Barthélemy et auteur du traité Question politique : S’il est licite aux sujets de capituler [=passer un contrat] avec leur prince (1568), faisait lui aussi état de cette distinction entre l’office public et l’officiant privé qui l’occupe :
Puisque le roi [Charles IX de France (1550-1574)] n’ordonne rien, le roi ne consulte rien, le roi ne dispose rien, mais toute cette administration politique passe par l’avis de ce furieux déchaîné [François de Guise (1520-1563)], si les sujets du roi y contredisent, ils ne capitulent point avec leur prince, mais résistant aux pernicieuses entreprises de l’ennemi de Dieu et du Royaume [de France], ils capitulent pour le roi, pour sa couronne, pour sa majesté.
Toujours dans la prédication qui intéresse notre propos, Greg Price affirme que « nous [les chrétiens] ne pouvons pas consentir à l’autorité d’un gouvernement païen à cause de notre Alliance avec Dieu ». Ici, ce prédicateur exprime avec hardiesse la conviction chrétienne selon laquelle un État faisant délibérément ce que Dieu prohibe ou ne faisant pas ce que Dieu commande est moralement et juridiquement illégitime.
Cette dernière affirmation est cependant à nuancer. Un gouvernement civil non-chrétien qui respecterait pleinement les droits fondamentaux des membres du peuple allianciel et qui appliquerait dûment la justice civile de Dieu serait potentiellement légitime. L’empereur perse Cyrus le Grand (559-530) offre un exemple de chef d’État païen agréé par l’Éternel. Bien sûr, l’existence de tels gouvernements sont éminemment rares. Greg Price affirme également qu’« un régnant sans autorité légitime n’a pas plus le droit légitime de nous taxer qu’un voleur a de droit sur notre portefeuille ». Il s’agit-là d’une déduction logique évidente.
En outre, Greg Price différencie entre la soumission passive par crainte et la soumission active par conscience. Prima facie, en Romains 13, l’apôtre Paul nous avertit de ne pas se soumettre par crainte, mais plutôt de se soumettre car « le magistrat est serviteur de Dieu pour ton bien » (verset 4). Or Paul ne réfère ici qu’à l’exercice légitime de la magistrature, qui consiste en la neutralisation des malfaiteurs par les forces de l’ordre et leur châtiment par l’appareil judiciaire qui « exerce la vengeance » de Dieu (encore le verset 4). L’éventualité d’un exercice illégitime de la magistrature n’est pas abordée par l’apôtre dans cette péricope. Cette lecture prudente de Romains 13 mise de l’avant par Greg Price – qui s’inspire, ici, de John Knox (1513-1572) – apporte un équilibre adéquat pour naviguer entre les dangereux icebergs du paganisme politique. Autrement dit, bien que payer des taxes à un gouvernement civil soit usuellement une manifestation d’allégeance, ce n’est pas nécessairement toujours le cas ; il se peut que ce soit un moindre mal, hélas !
Cela étant dit, lorsque cela est possible, nous devons nous débarrasser des régnants persécuteurs de chrétiens, sans quoi nous nous rendons indirectement complices de leurs méfaits par nos subsides financiers et notre passivité politique. Cependant, comme y insiste avec sagesse un autre pasteur & théologien réformé, Brian Schwertley, dans son ouvrage National Covenanting : Christ’s Victory over the Nations (2013), les citoyens doivent se renseigner au maximum et n’agir militairement que s’ils ont une expectative raisonnable de réussite. Les citoyens doivent donc évaluer les risques et prendre en compte tous les facteurs pertinents en gardant à l’esprit que s’ils échouent, leur soulèvement citoyen aura pour résultat de les exposer davantage à la persécution et d’augmenter leur souffrance inutilement.
Pour terminer, Greg Price avance l’hypothèse que l’autorité romaine n’était peut-être même pas légitime en Judée et en Galilée au temps de Jésus, contrairement à ce que l’on prend habituellement pour acquis. Quoi qu’il en soit, l’autorité des critères bibliques déterminant la légitimité des gouvernants étatiques aujourd’hui ne dépend pas de la validité des prétentions romaines sur la Terre sainte à l’époque de la première venue du Roi céleste.
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