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Une version téléchargeable de cette étude est disponible ici.

Flagror Non Consumor (« je brûle mais ne me consume pas », Exode 3:2) – Le buisson ardent fut l’emblème des Églises réformées de France dès 1559

Dans cette étude, nous verrons que les principales confessions de foi, catéchismes et autres standards doctrinaux des chrétiens réformés d’Europe continentale datant de la Réformation des XVIème-XVIIème siècles promeuvent la théonomie (c’est-à-dire la doctrine biblique & protestante du Sola Scriptura appliquée en droit).

1. LA CONFESSIO GALLICANA (1559)

L’article 39 de la Confessio Gallicana ou Confession de foi des Églises réformées de France, adoptée au Synode national de Paris en 1559 – souvent appelée Confession de foi de La Rochelle parce que ratifiée au Synode national de La Rochelle en 1571 – stipule (cf. Olivier Fatio, Confessions et catéchismes de la foi réformée, Éditions Labor & Fides, 1re éd., 1986, p. 127) :

[… Dieu] a établi des royaumes, républiques et toutes autres sortes de principautés [… et] à cette cause a mis le glaive en la main des magistrats pour réprimer les péchés commis, non seulement contre la Seconde Table, mais aussi contre la Première. […]

L’article 40 de la Confessio Gallicana, quant à lui, se lit comme suit (cf. Confession de La Rochelle, Éditions Kerygma, 1998 (1988), p. 67) :

Nous affirmons donc qu’il faut obéir à leurs lois et règlements, payer taxes, impôts et autres charges, et consentir à cette obéissance d’une bonne et franche volonté – quand même ils seraient infidèles [ex. : Cyrus le Grand] – pourvu que la souveraineté absolue de Dieu demeure entière.

Ainsi, nous réprouvons ceux qui voudraient rejeter toute hiérarchie [= anarchistes], établir la communauté et le mélange des biens [= communistes] et renverser l’ordre de la justice [= absolutistes].

Voici une remarque du pasteur de l’Église réformée de France (ÉRF) et doyen de la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) – aujourd’hui appelée la Faculté Jean CalvinPierre Courthial (1914-2009) sur l’inadéquation entre les gouvernements postmodernes qui sévissent  en Occident et ceux visés par les articles 39 et 40 de la Confessio Gallicana (cf. Commentaire sur la Confession de foi de La Rochelle, 1979, p. 127) :

Mais, à notre époque, ces articles, tels qu’ils ont été rédigés, prennent une signification ambigüe en dépit des excellentes choses qu’ils contiennent. Les États contemporains, en effet, situent volontiers la source du droit en eux-mêmes [plutôt qu’en l’Éternel et sa révélation écrite], tendent de plus en plus vers le totalitarisme et confisquent à leur profit monstrueux des libertés qu’ils ont cependant vocation de défendre.

Dans leur réédition légèrement modernisée de la Confessio Gallicana en 1988, le pasteur Pierre-Charles Marcel (1910-1992), docteur en théologie en France, et le professeur Charles van Leeuwen, docteur en théologie aux Pays-Bas, prirent le soin de préciser ceci (cf. Éditions Kerygma, 1998, p. 78-79) :

L’article 39 et la première partie de l’article 40 supposent l’existence d’États où l’autorité est exercée dans le respect de la souveraineté absolue de Dieu, les autorités se considérant elles-mêmes comme les lieutenants de Dieu, établis pour exercer une charge légitime et sainte. Ce n’est guère le cas à présent.

Cela étant dit, la Confessio Gallicana ne se contente pas d’affirmer la normativité des deux Tables du Décalogue en droit pénal. Selon l’article 5 de ce standard doctrinal, c’est l’ensemble de la Bible qui doit être prééminente, et cela dans l’ordre social en entier (cf. Éditions Kerygma, 1998, p. 23) :

Cette Parole est la règle de toute vérité et contient tout ce qui est nécessaire au service de Dieu et à notre salut ; il n’est donc pas permis aux hommes, ni même aux anges, d’y rien ajouter, retrancher ou changer. Il en découle que ni l’ancienneté, ni les coutumes, ni le grand nombre, ni la sagesse humaine, ni les jugements, ni les arrêts, ni les lois, ni les décrets, ni les conciles, ni les visions, ni les miracles ne peuvent être opposés à cette Écriture Sainte, mais qu’au contraire toutes choses doivent être examinées, réglées et réformées d’après elle.

Médaillon commémoratif du tricentenaire (1859) du 1er Synode national des Églises réformées de France

2. LA CONFESSIO BELGICA (1561)

La Confession de foi belge ou Confession de foi des Pays-Bas (1561) fut rédigée par le réformateur & martyr Guy de Brès (1522-1567) à Tournai (Hainaut). Ce standard doctrinal exprime la foi chrétienne des communautés réformées pédobaptistes presbytériennes wallonnes, flamandes, néerlandaises et frisonnes. L’article 36 de la Confessio Belgica stipule :

[…] Non seulement leur office [= des magistrats] est de prendre garde et veiller sur la police, mais aussi de maintenir le sacré ministère, pour ôter et ruiner toute idolâtrie et faux service de Dieu ; pour détruire le Royaume de l’Antéchrist et avancer le Royaume de Jésus-Christ, faire prêcher la Parole de l’Évangile partout, afin que Dieu soit honoré et servi de chacun, comme il le requiert par sa Parole. […] {≠ Éditions Kerygma}

Voici une analyse de l’article 36 de la Confessio Belgica par le théologien réformé néerlandais Willem Ouweneel (cf. The World Is Christ’s, Ezra Press, 2017, p. 16) :

Ce texte dit sans équivoque qu’il appartient à la mission donnée par Dieu au gouvernement [civil] de promouvoir « le Royaume de Christ », et de faire avancer « la prédication de la Parole de l’Évangile partout », afin que Dieu puisse être honoré par tout un chacun. En outre, la version modifiée rédigée par le Synode de l’Église chrétienne réformée [= Christelijke Gereformeerde Kerk (CGK), aux Pays-Bas] en 1958 dit toujours que les autorités civiles accomplissent leur mandat « afin que la Parole de Dieu puisse être diffusée librement, que le Royaume de Jésus puisse progresser, et que chaque pouvoir anti-chrétien soit résisté » […]. Ceci inclut les puissances anti-chrétiennes qui dominent la plupart des États-nations autour du globe. La Confession belge ne reconnaît aucun domaine neutre à cet égard.

Et voici un commentaire sur l’article 36 de la Confessio Belgica par le pasteur réformé canadien Clarence Bouwman :

Insister sur la séparation de l’Église (religion) et de l’État (gouvernement) revient à prétendre qu’il y a une partie de la vie (gouvernement) sur laquelle le Christ n’est pas souverain. Christ est maître de toute la vie […]. En tant que citoyens qui reconnaissent la souveraineté de Christ sur toute la vie, nous devons exiger de nos politiciens qu’ils reconnaissent qu’ils sont responsables devant le Roi des rois. De plus, nous devons exiger pour que la nation reconnaisse Jésus-Christ dans l’espace public. Puisque les chrétiens connaissent le Roi des rois, ce sont d’abord les chrétiens qui doivent se porter volontaires pour la fonction publique. Le gouvernement [civil], après tout, n’est pas une entité « mondaine », mais un don de « notre Dieu miséricordieux ».

Benelux_1558

Pays-Bas « espagnols » en 1558

3. LE CATÉCHISME DE HEIDELBERG (1563)

Le Catéchisme de Heidelberg (1563) fut rédigé par les théologiens & professeurs Caspar Olevianus (1536-1587) et Zacharias Ursinus (1534-1583) sous la supervision et avec la collaboration du Prince-Électeur Frédéric III le Pieux (1515-1576), Comte palatin du Rhin. Ce standard doctrinal exprime la foi chrétienne des communautés réformées pédobaptistes presbytériennes allemandes, néerlandaises et hongroises/transylvaines. Sa question-réponse 50 énonce :

Question 50 : Pourquoi ajoute-t-on [dans le Symbole des Apôtres] : « Il est assis à la droite de Dieu le Père Tout-Puissant » ?

Réponse 50 : Pour marquer que Jésus-Christ est monté au Ciel, afin que de là, il se fit connaître pour le Chef de son Église chrétienne, par lequel le Père gouverne toutes choses.

Voici une analyse de la question-réponse 50 du Catéchisme de Heidelberg par Willem Ouweneel (cf. The World Is Christ’s, Ezra Press, 2017, p. 15) :

Ces termes nient implicitement que Christ, le Logos Sarkos (le « Verbe incarné »), est seulement Roi au-dessus d’un domaine spirituel, l’Église ; il est celui « par lequel le Père gouverne toutes choses ». Le Catéchisme réfère ici à Matthieu 28:18 (où Jésus, en tant qu’homme ressuscité, dit « tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre » [S21]) et Colossiens 1:18 (« il est la tête du corps qu’est l’Église ; il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin d’être en tout le premier » [S21]).

C’est le même individu ayant accompli la purification des péchés qui exerce maintenant l’autorité suprême à la droite de Dieu (Hébreux 1:3-4). C’est l’homme ressuscité « Jésus-Christ qui est monté au Ciel, a reçu la soumission des anges, des autorités et des puissances et se trouve à la droite de Dieu » (1 Pierre 3:21-22 [S21]). C’est simplement faux d’affirmer que l’homme glorifié Jésus-Christ est Roi au-dessus d’un « Royaume de Dieu » dans le sens limité de l’Église visible, mais pas au-dessus d’un domaine temporel. Éphésiens 1 rend très clairement cette distinction fautive : Dieu « a tout mis sous ses pieds [de Christ] et il l’a donné pour chef suprême à l’Église qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous » (Éphésiens 1:22-23 [S21]). Celui qui est la tête du corps – l’Église – est la même personne qui, en même temps, est la tête au-dessus de « toutes choses ». […]

Si Christ est Roi au-dessus du Royaume de Dieu, ce Royaume contient non seulement l’Église, mais dans les propres mots de Jésus, il contient le monde entier (cf. Matthieu 13:38 où « le champ » est « le monde »). Les « magistrats et autorités » terrestres (Tite 3:1) se tiennent aussi sous la royauté de Christ (Éphésiens 1:20-21, Colossiens 1:16-18, 1 Pierre 3:21-22).

ElectoratPalatinat_1548 [hachuré en mauve]

Hachuré en mauve : À l’ouest, les terres du Bas-Palatinat (ayant pour capitale Heidelberg) ; à l’est, les terres du Haut-Palatinat (ayant pour capitale Ratisbonne) – Deux bastions de la foi réformée en Allemagne du Sud

ArmoiriesElectoratPalatinat

Blason du Comté palatin du Rhin, également nommé Électorat du Palatinat

4. LA CONFESSIO HELVETICA POSTERIOR (1566)

La Confessio Helvetica Posterior ou Confession helvétique postérieure (1566) fut rédigée par le réformateur & prédicateur Heinrich Bullinger (1504-1575) à Zurich. Ce standard doctrinal fut formellement adopté par les Églises réformées pédobaptistes presbytériennes de Suisse, de Hongrie-Transylvanie et de Pologne-Lithuanie. De plus, il fut officiellement approuvé par les Églises réformées correspondantes des Palatinats, de France et d’Écosse. Dans son préambule, ce texte confessionnel reproduit et endosse l’Édit de Thessalonique (380) de l’Empereur romain Théodose Ier le Grand (346-395), qui est éminemment théonomique (cf. Olivier Fatio, Confessions…, 1re éd., 1986, p. 200) :

Les Empereurs Gratien, Valentinien et Théodose, augustes. Au peuple de la ville de Constantinople : Nous voulons que tous les peuples qui vivent sous l’Empire de notre clémence suivent la religion que l’apôtre saint Pierre a enseignée aux Romains. […] Nous voulons qu’on donne le nom de chrétiens universels à ceux qui suivent cette loi, et qu’au contraire les autres, que nous regardons comme des extravagants et des insensés, portent la flétrissure du titre d’hérétique, et que leurs conciliabules ne portent point le nom d’Église, et qu’après la vengeance divine qui les attend, ils soient aussi punis de la manière que le Ciel nous l’inspirera.

Dans le corps de cette Confession helvétique postérieure, le chapitre 30 – intitulé Du Magistrat – stipule (cf. Olivier Fatio, Confessions…, 1re éd., 1986, p. 304-305) {Au besoin, comparer avec la traduction française de Donald Cobb parue dans le N° 212 de la Revue réformée en mars 2001} :

Si donc il [= le magistrat] est ennemi de l’Église il peut grandement empêcher et faire beaucoup de troubles ; mais si au contraire il est ami et membre de l’Église, il est très-utile et très-excellent membre d’icelle, et lui peut grandement aider et profiter. Le principal office d’icelui est de procurer la paix et tranquillité publique, ce qu’il ne peut jamais mieux faire plus heureusement qu’en étant vraiment religieux et craignant Dieu, et qu’à l’exemple du peuple du Seigneur il n’avance et donne cours à la prédication de la vérité et de la pure et sincère foi, empêchant tout mensonge, et mettant bas toute superstition avec toute impiété et idolâtrie, et défendant l’Église de Dieu. Nous enseignons aussi que le soin de la religion est des principaux points d’un fidèle et saint magistrat. […] Qu’il mette ordre qu’on ne prêche rien [de] contraire à icelle ; item, qu’il gouverne par bonnes lois conformes à la Parole de Dieu le peuple que Dieu lui a commis, et qu’il le contienne en bonne discipline, devoir et obéissance. […] Car il n’a pas reçu de Dieu le glaive en vain [Romains 13:4]. Qu’il dégaine donc ce glaive de Dieu contre tous les méchants, […] blasphémateurs, parjures, bref contre tous ceux que Dieu veut punir et qu’il a commandé qu’on mît à mort. Qu’il châtie aussi et punisse ceux qui sont vraiment hérétiques, à savoir incorrigibles, et qui ne cessent de blasphémer la majesté de Dieu et troubler son Église, voir même la ruiner et détruire. […] Et le magistrat faisant ces choses en foi sert Dieu par [de] telles œuvres, comme vraiment bonnes, et reçoit bénédiction de Dieu.

DistributionConfessionsSuisse1536

Distribution des confessions religieuses dans la Confédération helvétique en 1536

5. LES CANONS DE DORDRECHT (1619)

Les Canons de Dordrecht furent adoptés par le Synode de Dordrecht (Hollande-Méridionale, 1618-1619), une assemblée délibérante de théologiens ayant à la fois les caractéristiques et les attributs :

  • D’un procès ecclésiastique national de l’Église réformée néerlandaise – la Nederduitse Gereformeerde Kerk (NGK) créée en 1571 – impliquant 14 meneurs arminiens libéraux dits « remonstrants » (les accusés) et 19 délégations (le jury) comprenant…
    • Sept délégations (53 délégués) des sept synodes provinciaux constitutifs de la NGK ;
    • Sept délégations (18 commissaires civils) des sept provinces fédérées composant la République des Provinces-Unies des Pays-Bas ;
    • Cinq représentants des cinq universités ou académies réformées néerlandaises (Leyde, Groningue, Hardervic, Franeker et Middelbourg).
  • D’un concile international réformé réunissant – en plus de la délégation des États-Généraux des Provinces-Unies des Pays-Bas (l’organe législatif fédéral néerlandais) – 26 délégués officiels…

    • Venant d’AllemagneÉglise réformée & Ville libre d’Emden (Frise-Orientale), Église réformée & Ville libre de Brême (Basse-Saxe), Landgraviat de Hesse-Cassel (Basse-Hesse), Landkreis du Wetterau (Haute-Hesse), Duché de Nassau, Électorat du Palatinat ;
    • Venant de SuisseÉglise réformée & République de Genève, émissaires des Églises réformées et/ou des autorités civiles de quatre cantons du territoire alémanique (Zurich, Bâle, Berne et Schaffhouse) ;
    • Venant des îles britanniques ⇒ Une députation (un député) de l’Église d’Écosse et une députation (quatre députés) de l’Église d’Angleterre ;
    • Quelques observateurs (non-inclus dans le décompte des 26 ↑), tels l’ambassadeur de la Principauté d’Anhalt (réformée) en Saxe centrale, le messager de la congrégation réformée néerlandaise de Londres, et plausiblement une députation du Synode wallon (regroupant les 43 Églises réformées wallonnes relocalisées aux Pays-Bas du Nord).

Ce standard doctrinal est la référence classique de la sotériologie réformée orthodoxe (couramment résumée par l’expression « cinq points du calvinisme »). Dans son étude doctrinale consacrée aux Canons de Dordrecht, titré Le solide fondement du salut (Éditions La Rochelle, 2019), Paulin Bédard écrit (p. 13 et 15) :

L’un des principaux fruits du Synode de Dordrecht a été de mettre par écrit les Canons (ou décisions) de Dordrecht, qui ont d’ailleurs été rédigés en néerlandais, en français et en latin, puis traduits plus tard en plusieurs langues. Contrairement aux confessions de foi du XVIème siècle qui ont été rédigées par des individus, ce texte a été écrit par une assemblée ecclésiastique. En 1620, au Synode national d’Alès, les Églises réformées de France ont reçu et approuvé ces Canons comme étant conformes à la Parole de Dieu. Tous les pasteurs et anciens devaient prononcer publiquement le « serment d’approbation » prévu à cet effet. […]

Les Canons de Dordrecht sont ainsi structurés selon ces cinq points. Chacun de ces cinq points est d’abord expliqué par une [première] série d’articles qui exposent positivement la doctrine orthodoxe, puis par une deuxième série d’articles qui réfutent et rejettent les erreurs arminiennes, cette deuxième série d’articles portant le nom de « rejet des erreurs ».

En plus des Églises réformées de France, les Églises réformées de Hongrie-Transylvanie adoptèrent également ce standard doctrinal comme texte normatif. L’article 3:4:4 des Canons de Dordrecht (1619) dispose :

Il est vrai qu’après la Chute, il a subsisté dans l’homme quelque lumière de nature ; grâce à elle, il conserve encore une certaine connaissance de Dieu et des choses naturelles, il discerne entre ce qui est honnête et malhonnête, et montre avoir quelque pratique et soin de la vertu et d’une discipline extérieure. Mais tant s’en faut que, par cette lumière naturelle, il puisse parvenir à la connaissance salutaire de Dieu, et se convertir à lui, puisqu’il n’en use même pas droitement dans les choses naturelles et civiles, mais plutôt, telle qu’elle est, il la souille de diverses manières et la maintient dans l’injustice ; ce que faisant, il est rendu inexcusable devant Dieu.

Voici une analyse de l’article 3:4:4 des Canons de Dordrecht par le théologien réformé néerlandais Willem Ouweneel (cf. The World Is Christ’s, Ezra Press, 2017, p. 17-18) :

Ce point de vue conflicte radicalement avec l’idée de [Michael] Horton et [David] VanDrunen d’une loi naturelle régnant dans le royaume séculier sans aucun besoin que la lumière de la Parole-Révélation de Dieu ne soit jetée sur cette loi naturelle. […] En opposition à ces derniers, Joseph Boot décrit la loi naturelle comme « un concept originellement stoïc [= païen] bourré de difficultés, dont personne ne semble être certain du contenu réel avec une clarté quelconque ». Remarquez la référence des Canons à Romains 1:18 : « La colère de Dieu se révèle du Ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui par leur injustice tiennent la vérité prisonnière » [S21]. Assurément, il y a une certaine connaissance de Dieu et de sa loi dans les personnes naturelles : « Ils montrent que l’œuvre de la loi est écrite dans leur cœur » (2:15) — mais en combinaison avec 1:18 cela montre que cette connaissance est totalement corrompue par le péché […]. Quelle que soit la conscience des choses divines qu’ils puissent avoir, elle est supprimée par leur méchanceté. C’est impossible de fonder un État ou une société sur la loi naturelle seule de manière à ce qu’un tel État ou une telle société soit acceptable et honorante pour Dieu.

AllegorieDisputeTheologique1618_AbrahamVanDerEyk1721

Dispute entre remonstrants et contre-remonstrants (1618), par Abraham van der Eyk, 1721. Les remonstrants (arminiens libéraux) sont à gauche et les contre-remonstrants (calvinistes orthodoxes) sont à droite. La balance penche en faveur de la cause réformée grâce au poids d’une épée, qui symbolise le soutien crucial de l’État réformé accordé à l’Église réformée. En déjouant la tentative de putsch des activistes remonstrants, la contribution des magistrats & militaires chrétiens fut décisive au succès du Synode de Dordrecht.

Pour conclure, constatons qu’en matière de théologie publique, la théonomie est indiscutablement une doctrine confessionnelle orthodoxe des chrétiens réformés pédobaptistes presbytériens originaires d’Europe continentale.

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Le reconstructionisme chrétien constitue une école de pensée distinctive à l’intérieur de la tradition théologique réformée. L’idée de « reconstruction » provient de textes prophétiques de la Bible prédisant la reconstruction victorieuse de cités saintes par le peuple allianciel de Dieu à travers – et malgré – des temps d’adversité et d’épreuve (tels Ésaïe 61:4 et Amos 9:11-14). Le reconstructionisme consiste en la combinaison de cinq composantes doctrinales. Les voici :

  1. Le calvinisme (doctrines de la grâce), c’est-à-dire la sotériologie affirmant la souveraineté du Seigneur Tout-Puissant dans le déploiement de son plan historico-rédemptif ayant à la fois une dimension individuelle et collective, éternelle et temporelle, spirituelle et cosmique ;
  2. Le postmillénarisme, c’est-à-dire l’eschatologie optimiste et victorieuse articulant le mieux une juste espérance pour l’avenir du Royaume de Dieu, de l’Église universelle et de la Chrétienté (l’humanité rachetée) avant le retour de Jésus-Christ à l’Eschaton… ce postmillénarisme est normalement synchronisé avec le prétérisme orthodoxe (modéré/partiel) ;
  3. Le présuppositionalisme, c’est-à-dire la méthode apologétique affirmant que la défense raisonnée de la foi doive : {1} Présupposer (prendre comme prémisses ou axiomes) l’existence du Dieu trinitaire et la véracité de la Bible chrétienne pour pouvoir connaître ou interpréter correctement une quelconque facette de la réalité ; {2} En appeler à la connaissance de Dieu supprimée par l’interlocuteur non-chrétien dans son propre intellect (la « révélation existentielle » signalée en Romains 1:18-32 et 2:1-16) ; et {3} Réfuter les postulats les plus basiques du système de croyance de l’interlocuteur non-chrétien (discréditer ses racines plutôt que contester ses ramifications) ;
  4. Le dominionisme conjugué à l’alliancisme (la théologie des alliances), c’est-à-dire l’accomplissement des Mandat créationnel & Grande commission au moyen des quatre sphères/institutions alliancielles établies par l’Éternel (à savoir l’individu, la famille, l’Église et l’État), lesquelles sphères/institutions doivent fonctionner dans une dynamique d’indépendance et d’interdépendance réciproque en respectant leurs champs d’action spécifiques et en coordonnant (si possible) leurs efforts de christianisation salutaire ;
  5. La théonomie, c’est-à-dire le système éthique & juridique postulant que tout droit applicable dans toute juridiction gouvernementale doive être entièrement et exclusivement inspiré et modelé par la Bible (Sola Scriptura), directement ou indirectement… bref, que le magistrat civil doive être le gardien & protecteur des deux Tables des Dix Commandements (custos et vindex utriusque tabulæ), lesquels sont le résumé de l’immuable loi morale.

Le reconstructionisme chrétien fut principalement formulé et systématisé dans le milieu de la seconde moitié du XXème siècle (décennies ’60 à ’80 inclusivement). Ses trois cofondateurs – tous d’obédience réformée – sont le théologien Rousas Rushdoony (1916-2001), l’apologète Greg Bahnsen (1948-1995 · autre bio) et l’économiste Gary North (1942-). Ces trois érudits de terrain n’ont inventé aucune des cinq doctrines cardinales du reconstructionisme. Leur seule innovation fut de les ériger dans un dispositif intellectuel organisé et cohésif.

Références bibliographiques

Mark Rushdoony et Martin Selbrede, « The Creed of Christian Reconstruction », Chalcedon Foundation, consulté le 19 août 2019.

Gary DeMar, Christian Reconstruction : What it Is [and] What it Isn’t, Institute for Christian Economics, Tyler (Texas), 1991, p. 81-95 sur 219.

Kenneth Gentry, Préface de la 3ème édition dans Greg Bahnsen, Theonomy in Christian Ethics, Covenant Media Press, Nacogdoches (Texas), 2002 (1977), p. XV sur XLIII / 610.

Gary North, préface de l’éditeur dans David Chilton, The Days of Vengeance : An Exposition of the Book of Revelation, Dominion Press, Fort Worth (Texas), 1986, p. 9 sur 270 (version retapée / retypesetted version).

Greg Bahnsen, Presuppositional Apologetics : Stated & Defended, Covenant Media Press, Nacogdoches (Texas), 2008, p. 14 sur 289.

John Frame, Five Views on Apologetics, chapitre 4 : Presuppositional Apologetics, Zondervan Publishing, Grand Rapids (Michigan), 2000, p. 207-231 sur 400.

Joe Boot, Why I Still Believe, Sovereign World, Tonbridge (Kent), 2005, 159 p.

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Le reconstructionisme chrétien est le seul mouvement sur terre confessant la Bible qui offre une alternative [aux divers paganismes ou syncrétismes pagano-“chrétiens”] et qui soit biblique sans compromis. »
— Gary North, Préface dans Christian Reconstruction, ICE, 1991, p. XII.

·

« L’œuvre de re-formation, de restauration, de reconstruction chrétienne à laquelle, dans le monde entier, est appelé le peuple de Dieu, n’est pas seulement celle de l’Église et de la théologie, encore qu’il faille, bien sûr, commencer par celle-ci. Puisque la Parole de Dieu est souveraine, elle doit être reconnue comme telle en tout et partout. Nul n’a le droit de restreindre l’étendue de son autorité. Notre Seigneur est Roi sur tous les domaines de l’univers et de l’existence. Et si la volonté apostate de sécularisation, œuvrant en tout et partout, a visé et vise à rejeter la souveraineté de Dieu […] la volonté obéissante de christianisation, œuvrant en tout et partout, doit viser à ce que soit manifestée la souveraineté de Dieu jusqu’aux extrémités de l’univers et jusque dans la moindre parcelle de l’existence. »
— Pierre Courthial, « Le mouvement réformé de reconstruction chrétienne », Hokhma, N° 14, juin 1980, p. 44-70.

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Dernière mise-à-jour : 3 juillet 2018.

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Ressource EN FRANÇAIS sur l’ordre du salut biblique/réformé :

« La grâce divine ne sollicite pas le consentement de l’homme, mais elle l’obtient ; elle ne lui demande pas s’il la veut, mais elle lui donne de la vouloir ; elle ne s’impose pas à lui, mais elle transforme tellement sa volonté que, reconnaissant sa valeur, il se prend à soupirer après elle, et la poursuit jusqu’à ce qu’il l’ait atteinte. […] La grâce divine, je le répète, n’a pas besoin de votre consentement préalable : elle saura vous donner la volonté et l’exécution selon son bon plaisir. » (Charles Spurgeon)

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Capture d’écran, le 2020-05-15 à 14.03.35

Extrait de l’ouvrage Theses Sabbaticæ de Thomas Shepard, 1649, p. 25

La théologie radicale des deux royaumes (Radical Two Kingdoms = R2K), telle que popularisée par les théologiens presbytériens Meredith Kline, Michael Horton, David VanDrunen, Darryl Hart, Scott Clark et Matthew Tuininga dans la seconde moitié du XXe siècle et en ce début de XXIe siècle, insiste énormément sur la notion de droit naturel (d’où son autre abréviation → Natural Law Two Kingdoms = NL2K). Pour ces intellectuels, le droit biblique serait applicable par l’Église mais pas par l’État. Inversement, seul le droit naturel – différent et séparé du droit biblique – serait applicable par l’État.

Cette position est strictement hétérodoxe. Le tableau ci-après démontre que les théologiens et jurisconsultes éminents de la Réformation du XVIe siècle n’adhéraient pas au concept de loi naturelle telle qu’aujourd’hui promue par la mouvance R2K/NL2K (ni même à une forme embryonnaire de R2K/NL2K). La synthèse de l’évidence historique conduit à ces deux observations :

  1. La majorité des dirigeants de la Réformation soutenait que la loi naturelle et la loi biblique sont distinctes, mais que ces deux lois sont identiques dans leurs principes généraux et qu’il s’agit – en substance – du même droit. Aux érudits du tableau ci-dessous, il faut ajouter ces quatre érudits : {1} Niels Hemmingsen (1513-1600), le réformateur luthérien du Danemark ; {2} Girolamo Zanchi (1516-1590), réformateur italien (cf. De religione Christiana fides, § 13:8, p. 261-263 ; On the Law in General, p. 24-25) {3} François du Jon (1545-1602), un huguenot professeur de théologie aux Universités de Heidelberg au Bas-Palatinat et de Leyde aux Pays-Bas (cf. Franciscus Junius, The Mosaic Polity, p. 60-64) ; {4} Thomas Shepard (1605-1649), un cofondateur congrégationaliste de l’Université Harvard au Massachusetts ; {5} Francis Roberts (1609-1675), un pasteur presbytérien anglais qui fonda la Bibliothèque de Birmingham (Midlands de l’Ouest) et fut aumônier du Vice-Roi d’Irlande ; {6} Hermann Witsius (1636-1708), le recteur réformé de l’Université d’Utrecht aux Pays-Bas (cf. Joe Boot, The Mission of God, p. 57 ; {7} Jean Barbeyrac (1674-1744), le recteur réformé de l’Académie de Lausanne en Suisse romande, enseignant au Collège français de Berlin au Brandebourg et professeur à l’Université de Groningue aux Pays-Bas.
  2. La minorité des dirigeants de la Réformation soutenait que la loi naturelle et la loi biblique sont distinctes, mais que la Chute rend la loi naturelle insuffisante pour réguler les collectivités humaines et que c’est pour cela que l’Éternel a révélé à l’humanité un dispositif législatif complet & suffisant dans la Bible.

Aucune de ces deux approches ne corrobore la théorie de la loi naturelle non-biblique telle qu’exaltée par ses théoriciens Meredith Kline, Michael Horton, David VanDrunen, Darryl Hart, Scott Clark et Matthew Tuininga, pour lesquels la loi naturelle n’est qu’un prétexte servant à contourner l’autorité de la loi biblique révélée.

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Aux nombreuses références du tableau ci-dessus, nous pouvons ajouter l’article Law, Liberalism, and Luther : Beyond the Myths de Korey Maas paru dans le journal académique Public Discourse du Witherspoon Institute le 21 février 2018 soulignant que le réformateur allemand Martin Luther arguait que « Moïse s’accorde étroitement avec la nature » et que « les lois naturelles ne furent jamais aussi bien écrites et ordonnées que par Moïse » (ce qui fait de Luther un tenant de la 1ère approche présentée précédemment).

(suite…)

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