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Le Monarchomaque présente l’étude La transmission médiévale des savoirs entre l’Orient et l’Occident, rédigée par Tribonien Bracton. Cette étude historique adresse la question épineuse mais passionnante de la filiation intellectuelle entre la Grèce antique, l’Orient araméo-hellénique, le Monde musulman et l’Occident médiéval. Il réfute la thèse d’une dette occidentale envers l’Islam, met en relief le rôle capital joué par les traducteurs araméens, et dégage la singularité de la civilisation occidentale.

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«  Nous sommes comme des nains assis sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est parce que nous sommes élevés par eux. »

« Nous sommes comme des nains juchés sur des épaules de géants, de sorte que nous voyons davantage de choses qu’eux et plus loin qu’eux, non pas à cause de l’acuité de notre propre vue ou de la hauteur de notre propre corps, mais parce que nous sommes élevés par eux. » — Bernard de Chartres, XIIe siècle

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Présentation de l’ouvrage de Serafin Fanjul ↑ par Philippe Conrad, « Al-Andalus sans légende », Nouvelle Revue d’Histoire, N° 92, septembre-octobre 2017 :

C’est un ouvrage majeur que nous propose Serafin Fanjul, docteur en philologie sémitique, professeur de littérature arabe à l’Université Complutense de Madrid, ancien directeur du Centre culturel hispanique du Caire.

Autant dire que l’auteur s’appuie sur une érudition à toute épreuve pour aborder la question, ô combien débattue, de l’interprétation de la séquence historique qui a correspondu à la présence, sept siècles durant, d’une société musulmane dans la péninsule ibérique. Il sait comment, au prix de grossiers anachronismes, les tenants de l’immigration de masse et de l’avènement sur le sol européen d’une société multiculturelle chantent les louanges du « paradis perdu » qu’aurait été l’Espagne musulmane à l’époque médiévale. En prenant pour cela quelques libertés avec l’histoire…

Notre auteur déconstruit méthodiquement le mythe de « l’Espagne des trois religions », lieu d’une coexistence pacifique et mutuellement profitable. Il n’a guère de mal à montrer que l’époque était celle d’un apartheid qui valait aux dhimmis chrétiens et juifs un statut d’infériorité jamais remis en cause jusqu’au XVème siècle qui vit la fin du royaume nasride de Grenade. L’ouvrage de Serafin Fanjul apparaît donc, dans la bataille engagée pour la préservation de la mémoire et de l’identité européennes comme une arme précieuse pour en finir avec les mensonges de « l’historiquement correct ». À noter également l’excellente préface d’Arnaud Imatz, qui revient sur les procédés de la manipulation du passé appliquée de manière plus générale à l’histoire de l’Espagne, longtemps victime de la « légende noire » diffusée par ses adversaires.

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Rémi Brague, professeur d’histoire de la philosophie arabe à la Sorbonne, recadre le bien-pensant Luc Ferry qui raconte des sornettes sur le savant andalou Abū al-Walīd Muḥammad ibn Ruchd (1126-1198 ; latinisé « Averroès ») :

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Ajoutons qu’Averroès était un avocat du djihad offensif. C’est en tant que juriste qu’il prêcha le djihad contre les chrétiens à la grande mosquée de Cordoue (une ancienne église) et qu’il utilisa toutes les ressources du droit pour rappeler aux musulmans leur obligation de partir en guerre contre les chrétiens ! D’autre part, cette icône des chantres de la diversité ethno-culturelle insistait pour que les livres de philosophie soient « interdits au commun des hommes par les chefs de la communauté ». Et n’oublions pas que même malgré cela, ses doctrines furent anathémisées et ses ouvrages de philosophie brûlés par le Calife de Marrakech.

Référence ↑ : Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont Saint-Michel : Les racines grecques de l’Europe chrétienne, Paris, Éditions du Seuil, 2008, p. 156-159.

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Consultez également Une entrevue avec Sylvain Gouguenheim sur Résilience TV.

Sylvain Gouguenheim a répondu aux questions du magazine Lire à propos du livre collectif Les Grecs, les Arabes et nous : Enquête sur l’islamophobie savante paru chez les Éditions Fayard et s’opposant à son ouvrage Aristote au Mont Saint-Michel : Les racines grecques de l’Europe chrétienne.

Sylvain Gouguenheim, vous êtes taxé d’« islamophobie ». Le terme est-il, selon vous, recevable ?

S.G. : C’est un concept utilisé sans avoir été soumis à un examen critique. Au sens propre il désigne la peur de l’islam, qu’il assimile à une phobie, donc à une réaction maladive, dépourvue de fondement rationnel : l’« islamophobe » est un déséquilibré. L’accusation discrédite d’emblée celui contre qui elle est lancée et permet de biaiser à l’avance ou d’esquiver le débat sur le contenu des thèses incriminées. Elle suggère également que les critiques sont le produit d’arrière-pensées racistes. L’islamophobe passe donc pour un malade mental et un individu infréquentable. À partir de là, plus aucune discussion n’est possible ; on n’est pas loin du délit de blasphème. Bref, le terme n’appartient pas au débat scientifique ; c’est une arme polémique qui vise à l’empêcher.

Une partie du savoir grec a bien transité de l’Orient vers l’Occident via le monde arabe. Peut-on parler de «dette» du second envers le premier ?

S.G. : La « filière arabe » et persane a existé. Le terme de dette est à écarter en raison de sa connotation morale. Il est plus exact de parler de « transferts ». Aux historiens de mesurer l’importance de ces échanges et d’apprécier le rôle joué, les unes vis-à-vis des autres, par les différentes aires culturelles en contact au fil du temps.

La polémique semble tourner autour de la nature des relations entre les mondes islamique et chrétien au Moyen Âge. Comment caractériseriez-vous ces relations ?

S.G. : Elles étaient difficiles, (…) Pour les chrétiens, l’islam est une hérésie ; pour les musulmans, le christianisme est une déformation du message de Dieu. Il faut attendre le XIIe siècle pour voir une première traduction du Coran en latin et il n’y a guère d’exemples de dialogues constructifs. La méconnaissance de la langue de l’autre est très répandue : on ne connaît pas, par exemple, de chroniqueur arabe des croisades qui ait appris le latin (mais il y a des interprètes). Les systèmes politiques ou juridiques respectifs sont mal connus. En revanche, il y a d’importants échanges économiques et des voyageurs circulent d’un monde à l’autre. Et puis, il y a les guerres; celles des conquérants arabes entre les VIIe et IXe siècles puis les croisades. Ces conflits peuvent être attribués au caractère universaliste des religions comme au processus d’expansion d’empires ou de royaumes puissants.

Dans votre ouvrage, vous soutenez qu’il n’y a pas, à proprement parler, de « philosophie arabe » ou plutôt que la « falsafa » arabe doit être distinguée de la philosophie au sens grec. Vos accusateurs contestent ce point. Que leur répondez-vous ?

S.G. : Mes accusateurs déforment – volontairement ? – ce que j’ai écrit. Il est indiscutable que la « falsafa » poursuit la philosophie grecque : Averroès commente Aristote, Avicenne et d’autres s’inspirent de Platon ou des néoplatoniciens. Al-Kindi, Al-Farabi sont d’authentiques philosophes. Mais ce ne sont pas des « libres-penseurs » : ils demeurent croyants, comme l’étaient Saint Anselme ou Saint Thomas. À leurs yeux, la philosophie est au service de la religion. Par ailleurs, la « falsafa » n’a pas eu de prise sur les élites politiques. Les raisons sont sociologiques : l’absence de structures analogues aux Universités qui auraient permis de toucher un large public. Il y avait, certes, les cercles d’érudits au sein desquels le savoir circulait, mais il leur manquait des relais pour agir sur la société (…)

De même, vous estimez que la structure sémitique de la langue arabe la rendrait peu à même de rendre les abstractions de la pensée philosophique grecque. Vraiment ?

S.G. : Précisons d’abord que la philosophie n’est pas toute la pensée mais une forme spécifique de pensée. Qu’il y ait des différences de structure entre des familles de langues est une réalité. Au Moyen Âge, ces différences rendaient délicates les traductions philosophiques, en dépit des qualités des traducteurs médiévaux. Par ailleurs, les traductions successives d’un texte philosophique du grec en syriaque, puis en arabe, puis en latin, provoquent des distorsions accrues par le nombre des intermédiaires. Le nier révèle une certaine ignorance en matière de traduction. Lors d’un débat avec le vizir Abu Al-Qâsim en 1026, l’évêque de Nisibe affirma que la langue arabe ne permettait pas d’exprimer des notions abstraites. L’intérêt réside non dans l’argument – certainement aisément réfutable – mais dans le fait que le prélat voyait dans les différences linguistiques un élément essentiel, suffisamment solide pour être présenté dans une controverse publique.

Comment réagissez-vous au procès intenté à Fernand Braudel et à l’usage qu’il fait des concepts de « civilisation » et d’« identité » ?

S.G. : Les personnes qui attaquent avec tant d’élégance Braudel n’ont pas le talent nécessaire pour égratigner sa pensée. Ces critiques ne dénotent que prétention et incompétence. L’idée de ces accusateurs est simpliste : pour qu’il n’y ait pas de « choc de civilisations », il leur faut montrer l’inanité du principe de civilisation. Or ce concept correspond bien à une réalité. Je renvoie ici à la distinction claire opérée par le philosophe Eric Weil entre civilisation et culture. Sans ce concept, on ne peut comprendre l’évolution de l’humanité.

En récusant la notion d’identité, via l’accusation peu réfléchie d’« essentialisme », on ouvre là encore la voie à des confusions et des erreurs. Comme si définir les choses revenait à les figer et s’interdire par conséquent de penser toute évolution. (…) Il faut préciser la nature et le contenu des groupes humains ; sans cela on ne peut tenir de discours historique cohérent et logique. Cela n’empêche pas de penser en termes simultanés de permanence et d’évolution : c’est cela le métier d’historien. Les identités sont autant des héritages influents du passé que des créations ou des sélections du présent. Elles se construisent à partir d’éléments transmis, conservés consciemment, et à partir de composantes extérieures. C’est moins une donnée acquise une fois pour toutes qu’un processus vivant fait de traits de longue durée qui subissent des inflexions, des apports, des soustractions.

Propos recueillis par Marc Riglet, glané sur Passion-Histoire.

 


 

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