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VitrailCroixAntiNazi

J’avais assemblé puis publié, il y a un peu plus d’un, an un article intitulé L’orientation religieuse des Nazis. Voici une seconde compilation de renseignements pertinents sur ce chaud sujet.

1. Le combat de l’Église protestante contre le nazisme

Commençons par citer la Déclaration de Barmen, adoptée par des pasteurs protestants (réformés, luthériens et méthodistes) lors d’un synode clandestin réuni à Wuppertal en Rhénanie-du-Nord à la fin mai 1934. L’adoption de ce texte constitue l’acte fondateur de la Bekennende Kirche (l’« Église confessante ») d’Allemagne – un mouvement conservateur résistant antinazi – ainsi qu’un haut fait de la Kirchenkampf (« combat ecclésiastique »), le conflit ayant opposé l’Église confessante d’Allemagne aux Deutsche Christen (littéralement « chrétiens allemands ») puis à la Reichskirche (l’« Église du Reich »). Ces deux prolongements religieux pseudo-chrétiens du NSDAP prônaient rien de moins que la suppression de l’Ancien Testament et des Épîtres de Paul hors de la Bible :

  1. Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle, en plus et à côté de la seule Parole de Dieu, l’Église pourrait et devrait reconnaître d’autres événements et pouvoirs, personnalités et vérités, comme Révélation de Dieu et source de sa prédication.
  2. Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle il y aurait des domaines de notre vie dans lesquels nous n’appartiendrions pas à Jésus-Christ mais à d’autres seigneurs et dans lesquels nous n’aurions plus besoin de justification et de sanctification.
  3. Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle l’Église pourrait abandonner le contenu de son message et son organisation à son propre bon plaisir ou aux courants successifs et changeants de convictions idéologiques et politiques.
  4. Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle l’Église pourrait, en dehors de ce ministère, se donner ou se laisser donner un chef muni de pouvoirs dictatoriaux.
  5. Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle l’État devrait et pourrait, dépassant en cela les compétences de sa mission particulière, prétendre devenir l’ordre unique et total de toute la vie humaine et remplir ainsi jusqu’à la vocation même de l’Église. Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle l’Église devrait et pourrait, dépassant en cela les compétences de sa mission particulière, s’approprier le caractère, les tâches et le prestige de l’État et devenir ainsi elle-même un organe de l’État.
  6. Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle l’Église pourrait, en vertu d’un acte d’autonomie humaine, mettre la Parole et l’œuvre du Seigneur au service de désirs, de buts et de plans quelconques choisis de sa propre autorité.

VERBUM DEI MANET IN AETERNUM
(LA PAROLE DE DIEU DEMEURE POUR L’ÉTERNITÉ)

Référence ↑ : Déclaration de foi du Synode clandestin de Barmen [Église évangélique en Allemagne]

Le combat entre les nazis et l’Église confessante se durcit en 1936, lorsque les opposants publièrent un mémorandum condamnant l’idéologie et les pratiques du régime hitlérien, et réclamèrent la dissolution de la Gestapo ainsi que la fermeture des camps de concentration. Plusieurs dirigeants de l’Église confessante d’Allemagne, dont le pasteur Martin Niemöller, furent arrêtés en 1940. Niemöller fut déporté au camp de Sachsenhausen puis à Dachau. L’un de ses collaborateurs, Werner Sylten, un membre de l’Église confessante d’origine juive, fut arrêté en 1941, déporté à Dachau puis empoisonné. Des manifestations eurent lieu en Allemagne pour réclamer la libération de Niemöler ; en vain. Nombre de pasteurs « suspects » furent à leur tour expédiés sur le front, incarcérés dans les camps (sur le territoire allemand), ou tout simplement assassinés.

Après l’arrestation Niemöller, Theophil Wurm, évêque luthérien du Wurtemberg, prit sa succession à la tête de l’Église confessante d’Allemagne, et protesta à plusieurs reprises contre les crimes nazis. Cela, notamment en 1940 contre l’assassinat des invalides et des malades mentaux (Opération « T4 » – le programme d’euthanasie) ainsi qu’en 1941 contre la déportation des Juifs. Simultanément, le pasteur Heinrich Grüber, qui dirigeait le « Bureau Grüber » et apportait son soutien aux protestants d’origine juive en leur proposant une aide juridique et en les aidant à trouver un pays d’accueil, fut arrêté. Une poignée de chrétiens confessants continua de résister et tenta malgré tout de porter secours aux victimes. Certains, comme le théologien Dietrich Bonhoeffer et la diaconesse Marga Meusel, auront le courage de dénoncer le silence des « églises » nazifiées face à la tyrannie anti-chrétienne et génocidaire.

Références ↑ (via le forum L’embrasement du monde) :

  • Max GEIGER, Der Deutsche Kirchenkampf (1933-1945), Zurich, E.V.Z. Verlag, 1965.
  • Saul FRIEDLÄNDER, Kurt Gerstein ou l’ambiguïté du bien, Tournai, Éditions Casterman, 1967.
  • Daniel Jonah GOLDHAGEN, Les bourreaux volontaires de Hitler, Paris, Éditions du Seuil, 1997.

Ressources supplémentaires :

Passons maintenant du côté catholique…

2. Le combat de l’Église catholique contre le nazisme

L’encyclique Mit Brennender Sorge

Le 14 mars 1937, Pie XI publie sa célèbre encyclique Mit Brennender Sorge, qui dénonce les erreurs doctrinales du nazisme. L’impact de ce texte est énorme : il est ressenti par les nazis comme une déclaration de guerre. C’est un événement sans précédent dans l’histoire de l’Église romaine.

Genèse du texte

Très tôt, des catholiques allemands tiennent informés le pape de la situation en Allemagne. Certains d’entre eux vont jusqu’à réclamer un texte officiel, telle Edith Stein qui envoie un message au Vatican dès 1933 dans lequel elle demande une encyclique. C’est également la demande formulée par Karl Leisner qui bénéficiera même d’une audience privée lors d’un de ses passages à Rome, en juin 1936. Les deux seront victimes des camps de concentration nazis quelques années plus tard. Cette demande est reprise en août 1936 par les évêques allemands réunis à Fulda, sur la tombe de l’apôtre du pays, saint Boniface. L’épiscopat allemand demande au pape de parler au sujet de l’Allemagne et des persécutions contre l’Église. Le concordat étant de vigueur, l’hésitation de certains évêques est palpable. Le cardinal Eugenio Pacelli [Secrétaire d’État du Vatican] décide alors d’organiser une réunion d’envergure afin de porter un coup sérieux au régime nazi : en février 1937, il réunit au Vatican le cardinal Bertram, le cardinal Schulte, Mgr von Preysing, Mgr von Galen et le cardinal Faulhaber. Il est décidé d’élever une protestation par la plus haute autorité de l’Église. Le cardinal Faulhaber prépare une esquisse du texte. Celle-ci est ensuite grandement revue, corrigée et complétée par le cardinal Pacelli, secondé par le Père Leiber. Le pape Pie XI reprend enfin le manuscrit qu’il signe.

Contenu

L’encyclique Mit Brennender Sorge commence par la dénonciation du non-respect du concordat. Mais elle est surtout une condamnation sans ambiguïté du racisme en tant que doctrine idolâtrique et démoniaque, s’opposant à celle catholique, donc universelle, de l’humanité. Pour l’Église, le nazisme se résume par le racisme, fondement de tout le reste et dont l’antisémitisme est une des composantes.

Quelques extraits

« Quiconque prend la race, ou le peuple, ou l’État, ou la forme de l’État, ou les dépositaires du pouvoir […] et les divinise dans un culte idolâtrique, celui-là renverse l’ordre des choses créé et ordonné par Dieu. »

« Il s’agit d’une véritable apostasie. Cette doctrine est contraire à la foi chrétienne. »

« Il est impossible qu’une chose soit utile si elle n’est pas en même temps moralement bonne. Et ce n’est point parce qu’elle est utile qu’elle est moralement bonne, mais parce qu’elle est moralement bonne qu’elle est utile. » (Pie XI reprenant les propos de Cicéron pour répondre à l’assertion nazie selon laquelle « le droit c’est l’utilité du peuple ».)

« Qui veut voir bannies de l’Église et de l’école l’histoire biblique et la sagesse des doctrines de l’Ancien Testament blasphème le Nom de Dieu, blasphème le plan de salut du Tout-Puissant, et érige une pensée humaine étroite et limitée en juge des desseins divins sur l’histoire du monde. »

Une condamnation radicale de la doctrine nazie

Une accusation récurrente est portée par certains journalistes et historiens de l’Église lorsque ce texte est invoqué pour la défense de Pie XI. Certes l’encyclique a bien été écrite en grande partie par le cardinal Pacelli, mais rien ne prouve qu’elle fût explicitement dirigée contre le nazisme : d’une part il n’est fait aucune mention du national-socialisme ; d’autre part elle n’évoque à aucun endroit la persécution dont les Juifs sont victimes.

Les deux arguments sont justes : il n’y a aucune trace du vocable « national-socialisme » et aucune condamnation de la persécution qui frappe les Juifs. Toutefois, affirmer que l’encyclique ne vise pas le nazisme est un raccourci ne prenant pas en compte nombre de données complémentaires qui ne laissent aucun doute sur la volonté de ses rédacteurs.

Ces données sont les suivantes :

  • Les rédacteurs : cette encyclique est la résultante de différentes demandes, d’abord celle de religieux allemands comme Edith Stein et Karl Leisner, ensuite — et surtout — celle de la conférence épiscopale allemande qui a besoin d’un texte fort montrant la perversité de la doctrine national-socialiste. La réunion de préparation du texte rassemble le cardinal Pacelli, ses proches collaborateurs, ainsi que les cardinaux allemands et principaux évêques opposés au nazisme en Allemagne. C’est le cardinal Michael Faulhaber, celui que les nazis surnomment Juden Kardinal (« cardinal des Juifs »), qui écrira la première version de ce texte, reprise amplement par le cardinal Pacelli et Pie XI.
  • C’est la première fois qu’une encyclique est publiée directement en langue vernaculaire, en l’occurrence en allemand, preuve indiscutable que les premiers destinataires sont les Allemands eux-mêmes.
  • Cette encyclique est imprimée directement en Allemagne pour être lue conjointement dans toutes les églises du pays, le 21 mars 1937, lors de la messe des Rameaux.

Réactions en Allemagne

La réaction de Hitler fut paraît-il effroyable et la répression presque immédiate. Cette encyclique est ressentie par les nazis comme une déclaration de guerre. Il faut bien avoir à l’esprit que cette condamnation de la doctrine nazie a été lue en même temps dan quinze mille églises d’Allemagne ! En l’espace d’une journée, ce sont plusieurs millions d’Allemands qui prennent connaissance de l’accusation portée par l’Église sur l’idéologie national-socialiste.

Les nazis intensifient les exactions contre le clergé et contre tout ce qui participe à la diffusion d’information. L’objectif est clair : le Reich ne veut pas de réseau national capable de concurrencer le sien, et surtout pas un réseau de résistance spirituelle.

  • La presse est bâillonnée, les imprimeurs traqués et victimes de discriminations. Ces derniers sont en effet accusés, selon les archives de la Gestapo, d’entretenir des sentiments nuisibles à l’État. Ces persécutions sont si dures que Mgr August von Galen réagit vivement par des protestations publiques et sans appel, au péril de sa vie.
  • Le cardinal Faulhaber est publiquement insulté.
  • Le jésuite Rupert Mayer est arrêté et incarcéré pour avoir osé commenter l’encyclique en chaire.
  • Les évêchés de Rottenburg (Mgr Sproll), de Freiburg (Mgr Gröber) et de Munich (Cardinal Faulhaber) sont pillés par les Jeunesses hitlériennes.
  • Les dernières organisations catholiques sont dissoutes.

La répression sera tellement violente, alors même que le nazisme n’a pas atteint son hégémonie, qu’il amènera le pape a faire preuve de prudence dans ses réactions, pour empêcher le redoublement des persécutions. Cette vision de Pie XII se confirmera par la suite, après l’affaire de la protestation publique des évêques hollandais qui accéléra et amplifia les déportations.

Référence : Jean SÉVILLIA, Historiquement correct – Pour en finir avec le passé unique, Paris, Éditions Perrin, 2003, p. 376 sur 455.

Le nouveau pape Pie XII [cardinal Eugenio Pacelli élu en 1939] était avant tout soucieux de rétablir le dialogue avec Berlin, même s’il maintenait des contacts avec l’opposition catholique allemande à Hitler. Dans cet esprit, le 11 mars 1940, il reçut Joachim von Ribbentrop (le Ministres des Affaires étrangères allemand) dans l’espoir de rétablir un concordat [celui de 1933 ayant été rendu nul par les rafles de prêtres lors de la Nuit de cristal de 1938]. Le ministre nazi lui indiqua que la condition primordiale d’un accord était que le clergé catholique « abandonnât en Allemagne tout genre d’activité politique ». Il n’était selon lui « pas normal » que le Führer ait dû assigner sept mille actions en justice contre des prêtres. Ribbentrop refusait d’autoriser la nonciature à faire des visites en Pologne.

[…]

À la suite de Mit Brennender Sorge, de nombreux curés allemands avaient été déportés, l’évêque de Rottenburg, dans le Wurtenberg, avait même été molesté et chassé de son diocèse.

[…]

Aussi le nonce Orsenigo ne cessait d’intervenir. En mars 1940, il demanda au Secrétaire d’État von Weizsäcker un droit de visite pour le camp de Sachenhausen où étaient enfermés des curés allemands. Il ne s’attendait pas à ce que s requête fut acceptée, mais il demandait que des prêtres « nommés par le gouvernement » fussent autorisés à assister les curés à l’article de la mort.

[…]

Au nonce qui s’inquiétait du nombre croissant de curés déportés, notamment à Dachau et à Oranienbourg, la réponse était invariable : seuls ont été arrêtés « ceux dont les activités étaient hostiles à l’État ». Sans jugement ni tribunal, sur simple décision de la Gestapo.

[…]

Un journal portugais se chargeait le 21 mars 1940 de faire connaître au monde que trois mille prêtres avaient été déportés, et que sept cent d’entre eux avaient trouvés la mort.

[…]

Le nonce Valerio Valeri, devant l’émotion d’une partie du clergé français, aurait rencontré le chef du gouvernement de Vichy, Pierre Laval. Celui-ci aurait répondu qu’il ne tolérerait pas l’immixtion de l’Église dans les affaires intérieures françaises. Il s’était déclaré indigné de la teneur de protestation [contre la déportation des Juifs] diffusé par l’archevêque de Toulouse, Mgr Saliège, de l’attitude des archevêques de Paris et de Lyon, et de Mgr Théas, évêque de Montauban. Les évêques de Nice, de Fréjus et de Monaco avaient aussi protesté comme les abbés de Lérins [Alpes-Maritimes] et de Frigolet [Provence].

[…]

Pierre Chaillet, le provincial des Jésuites de Lyon, est arrêté pour avoir caché quatre-vingt enfants juifs. Le père Victor Dillard meurt à Dachau pour voir protesté contre l’étoile jaune.

[…]

Pour mettre fin aux atrocités nazies, il faut une force armée venue de l’extérieur. Le pape n’y peut rien. […] Y a-t-il un plus grand mal que que l’extermination de tout un peuple ? Pour le pape, oui, c’est la disparition de l’Église, son éradication totale, telle que les Allemands l’ont pratiquée dans le Warthegau, la partie occidentale de la Pologne annexée au Reich.

Référence : Pierre MIQUEL, Les mensonges de l’Histoire, Paris, Éditions France Loisirs, 2002, p. 362-371.

En 1941, Pie XII refusa, en dépit des sollicitations de l’ambassadeur italien, de bénir la « croisade » antisoviétique [Opération Barbarossa] qui aurait fait de la guerre sur le front Est une lutte des chrétiens contre l’URSS. À la fin de 1941, on ne nourrissait du reste plus au Vatican aucune illusion sur le sort qui serait réservé à l’Église dans le cas d’une victoire nazie. Les conditions crées dans les territoires polonais annexés à l’Allemagne avaient été à juste titre interprétées par l’épiscopat allemand comme un avertissement pour l’avenir : l’Église était réduite à une association privée dont étaient exclus les moins de dix-huit ans ; les relations officielles avec l’extérieur lui étaient en outre interdites.

L’attaque contre l’Union soviétique fit cependant naître l’espoir d’une usure réciproque des deux ennemis de l’Église, le communisme et le nazisme. Mgr Tardini, l’un des plus proches collaborateurs de Pie XII, l’écrivit ouvertement à l’occasion de la venue au Vatican, en septembre 1941, de Myron Taylor, le représentant personnel du Président Roosevelt : l’idée était que « le communisme sorte défait et anéantit de la guerre et que le nazisme en sorte affaiblit et à vaincre ».

[…]

Eivind Bergavv, évêque luthérien de Norvège, est arrêté en 1942 pour s’être opposé à la politique collaborationniste de Vidkun Quisling. […] Le 17 février 1943, les évêques catholiques hollandais publièrent un texte pastoral contre la déportation des jeunes au travail forcé et contre l’assassinat des Juifs.

Référence : Giovanni MICCOLI, « Pie XII, Hitler et les Juifs », L’Histoire, N° 241, mars 2000, p. 43-44.

Voir aussi : With Bound Hands : A Jesuit in Nazi Germany [Open Library]

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Articles du même thème sur Le Monarchomaque :

L’insigne officiel des unités protestantes des Forces Françaises Libres (FFL) crées le 22 juillet 1940 :

Insigne protestants FFL

Nous célébrons aujourd’hui le 65ème anniversaire de la victoire alliée contre le Troisième Reich en Europe. L’orientation religieuse du national-socialisme est toujours controversée. Selon une idée reçue, Hitler et ses disciples auraient entretenus d’excellentes relations avec les Églises protestantes et catholique romaine. Voici, en guise de correctif, un condensé d’informations démontrant plutôt le contraire.

1. L’anti-christianisme, fondement du national-socialisme

2. Confrontation entre protestants conservateurs et national-socialistes

⇒ En Allemagne

Le 13 novembre 1933 :

Lors d’une manifestation des « Chrétiens allemands » [sic] au Palais des Sports de Berlin, un « pasteur » nazi déclara que l’Ancien Testament et des passages du Nouveau Testament n’étaient que des superstitions, et se réclama d’une nouvelle profession de foi qui mettrait l’accent sur les valeurs héroïques de l’idéologie nazie, soi-disant défendues par Jésus. [Cette profession de foi devint par la suite un texte officiel des « Chrétiens allemands ».] Il s’agissait de transformer l’Église du Reich en un instrument de propagande diffusant l’idéologie nazie, et n’ayant plus rien à voir avec les véritables principes chrétiens.

On rappelle que l’arrivée au pouvoir d’Hitler, qui impose une [ré]organisation des Églises chrétiennes (les Deutschen Christen), fut accueillie favorablement par la majorité des protestants allemands qui y voyaient la fin des humiliations du Traité de Versailles. Mais la mainmise des partisans d’Hitler sur l’Église protestante amena la création de l’Église confessante qui, sous l’influence de Karl Barth (expulsé de Bonn en 1935) et du pasteur luthérien Hans Asmussen publia en 1934 un texte de résistance spirituelle au nazisme : la Déclaration de Barmen. Des théologiens luthériens comme Martin Niemöller (interné en camp de concentration en 1937) et Dietrich Bonhoeffer (exécuté en 1945 par les nazis), s’engagèrent dans la résistance active.

⇒ En Alsace-Lorraine

Dans les territoires annexés de fait d’Alsace et de Lorraine, la politique de nazification interdit la presse chrétienne, ferme les écoles religieuses, les étudiants de la Faculté théologique de Strasbourg sont dirigés sur Tübingen. […] Le parti nazi étend sa politique anti-chrétienne, supprime le régime concordataire de 1801, et l’administration n’assure plus le salaire des prêtres et des pasteurs. Les Églises deviennent des sociétés religieuses de droit privé et doivent payer des impôts, contrainte heureusement compensée par l’importance des cotisations versées par les fidèles. Les écoles privées sont supprimées. Malgré ces agressions, on note une forte affluence aux cultes, l’Évangile étant perçu comme un message de libération.

⇒ La résistance intellectuelle des protestants français

Par ailleurs, la revue Foi et vie, dirigée par Charles Westphal et Pierre Maury avait publié dès janvier 1941, malgré la censure, la Lettre aux protestants de France de Karl Barth (octobre 1940) prônant la résistance à l’hitlérisme : ce dernier fut un adversaire inlassable du régime nazi et l’inspirateur de l’Église confessante, s’opposant aux Deutschen Christen imposés par Hitler. Cette lettre fut diffusée par les pasteurs Roland de Pury et Georges Casalis. En septembre 1940, Marc Boegner demande aux protestants de ne pas s’engager dans la Légion française de combattants, car le serment d’allégeance vis-à-vis du Maréchal lui semblait ouvrir la voie à des engagements pleins d’ambiguïtés.

⇒ Le calvaire des protestants dans le système concentrationnaire

Toute manifestation de vie religieuse étant totalement interdite, « l’évocation de la vie spirituelle dans les camps de concentration doit être empreinte de beaucoup de sobriété » (pasteur Aimé Bonifas) [détenu #20801 dans les bagnes nazis]. Prière individuelle, rares célébrations clandestines, dans des conditions souvent indescriptibles. De nombreux écrits évoquent ces personnalités qui ont témoigné de leur liberté intérieure et de leur solidarité en rapport avec leur force spirituelle.

Références ↑ :

3. Confrontation entre catholiques conservateurs et national-socialistes

Du côté catholique, dès 1931,  les évêques allemands interdisent aux catholiques de joindre le NSDAP en déclarant qu’« on ne peut être catholique et nazi à la fois ». Joseph Goebbels lance alors une campagne d’intimidation contre Mgr Bernhard Lichtenberg. En 1933, après la prise de pouvoir des nazis, son logement est fouillé par la Gestapo. En 1935, ayant appris la réalité des camps de concentration, il proteste dans une lettre adressée à Hermann Göring. Suite aux premiers pogroms en 1938,  Mgr Lichtenberg déclare dans un sermon qu’il priera publiquement chaque jour à la cathédrale Sainte-Edwige de Berlin pour les Juifs et les chrétiens non-aryens persécutés. En 1941, il est arrêté par les SS, emprisonné et torturé. Il répond à ses tortionnaires : « Je n’ai qu’un seul Führer : Jésus-Christ ». Bernhard Lichtenberg meurt déporté en 1943.

Après son ascension au pouvoir en 1933, Hitler s’était arrangé pour signer un accord concordataire avec l’Église romaine, plaçant la catholicité allemande dans le giron de l’État tout en garantissant, en théorie, les droits de l’Église romaine et des familles catholiques en Allemagne. L’article 14 du concordat stipulait que « Les nominations d’archevêques, d’évêques et toute autre nomination ne deviendront définitives que lorsque le représentant du Reich aura donné son accord. »

Comme en Italie, le concordat n’est pas respecté. Lors de la Nuit des longs couteaux, des dirigeants des mouvements de jeunesse catholique sont exécutés par les SS. À partir de l’automne 1933, les Nazis persécutent le clergé. Au cours de l’été 1934, le Chancelier autrichien Engelbert Dollfuss, un fervent catholique, est assassiné. Face au viol continuel du concordat, Rome réagit en mettant à l’Index Le mythe du XXème siècle, ouvrage de l’idéologue nazi Alfred Rosenberg, et en adressant 55 lettres de protestation entre 1933 et 1937, date de la condamnation officielle de l’attitude et de l’idéologie du Troisième Reich par l’encyclique anti-nazie Mit Brennender Sorge du pape Pie XI. La diffusion de ce texte condamnant le racisme et le néo-paganisme du régime nazi est interdite par la Gestapo. Mais des centaines de paroisses refusent de se plier devant cette censure. Suite à sa lecture publique lors des cultes catholiques à travers toute l’Allemagne, environ 1100 prêtres catholiques allemands sont arrêtés ! 447 d’entre eux ainsi que plusieurs évêques sont internés au camp de concentration de Dachau en Bavière ; 94 y périssent.

Références ↑ :

4. L’hostilité du Führer à la foi chrétienne

Hitler éprouvait un grand intérêt pour la religion islamique et regrettait que ses armées n’eussent pas triomphé à Poitiers en l’an 732 :

« Le gouvernement aussi des Arabes en Espagne fut quelque chose d’infiniment distingué : les plus grands scientifiques, penseurs, astronomes, mathématiciens, une des époques les plus humaines, en même temps qu’une chevalerie colossale. Lorsque, plus tard, y vint le christianisme, alors on peut dire : les barbares. La chevalerie qu’avaient les Castillans était en réalité un héritage arabe. Si Charles Martel n’avait pas vaincu à Poitiers, puisque le monde juif s’était déjà emparé de nous – que le christianisme est bien quelque chose de fade – nous aurions bien mieux encore reçu le mahométisme, cette doctrine de la récompense de l’héroïsme : le combattant seul a le septième ciel ! Les Germains auraient avec cela conquis le monde, ce n’est que par le christianisme que nous en avons été tenus éloignés. »

Source ↑ : François Genoud, Libres propos d’Adolf Hitler sur la Guerre et la Paix recueillis sur l’ordre de Martin Bormann, Paris, Frammarion, 1952. Martin Bormann était le Chef de la Chancellerie du NSDAP. Ces extraits de conversations furent transcrits et par le Sous-Secrétaire d’État nazi Heinrich Heims et transmis de Berlin à sa femme Gerda Bormann au Nid d’Aigle en Bavière. François Genoud les compila et les publia par la suite. Les propos ici cités ont été tenus à son Quartier-Général le 27 août 1942.

Hitler était mécontent que les Allemands vouent un culte au Christ et non aux autres religions orientales :

« Et cette fois nous éprouvons une violente sensation de colère à la pensée que des Allemands ont pu s’enliser dans des doctrines théologiques privées d’une quelconque profondeur quand sur la vaste terre il y en a d’autres, comme celle de Confucius, de Bouddha et de Mahomet, qui à l’inquiétude religieuse offrent un aliment d’une bien autre valeur. »

Hitler avait en haute estime les anciennes croyances païennes :

« Le paysan doit savoir ce que l’Église lui a dérobé : l’appréhension mystérieuse et directe de la Nature, le contact instinctif, la communion avec l’Esprit de la terre. C’est ainsi qu’il doit apprendre à haïr l’Église. Il doit apprendre progressivement par quels trucs les prêtres ont volé leur âme aux Allemands. Nous gratterons le vernis chrétien et nous retrouverons la religion de notre race. »

Hitler planifiait détruire l’Église une fois qu’il en aurait fini avec les Juifs, trisomiques, démocrates, et autres ennemis du national-socialisme :

« Quant aux autres, je n’ai pas besoin d’eux, Je vous garantis que, si je le veux, j’anéantirai l’Église en quelques années, tant cet appareil religieux est creux, fragile et mensonger. Il suffira d’y porter un coup sérieux pour le démolir. Nous les prendrons par leur rapacité et leur goût proverbial des bonnes choses. Je leur donne tout au plus quelques années de sursis. Pourquoi nous disputer ? Ils avaleront tout, à la condition de pouvoir conserver leur situation matérielle. Ils succomberont sans combat. Ils flairent déjà d’où souffle le vent, car ils sont loin d’être bêtes. »

Hitler croyait que l’Église et les membres du clergé étaient aussi mauvais que les Noirs et les Juifs :

« Je leur arracherais du visage leur masque de respectabilité. Et si cela ne suffit pas, je les rendrais ridicules et méprisables. Je ferai tourner des films qui raconteront l’histoire des hommes noirs. Alors on pourra voir de près l’entassement de folie, d’égoïsme sordide, d’abrutissement et de tromperie qu’est leur Eglise. On verra comment ils ont fait sortir l’argent du pays, comment ils ont rivalisé d’avidité avec les juifs, comment ils ont favorisé les pratiques les plus honteuses. Nous rendrons le spectacle si excitant que tout le monde voudra le voir et qu’on fera de longues queues à la porte des cinémas. Et si les cheveux se dressent sur la tête des bourgeois dévots, tant mieux. »

Hitler avait la ferme intention de combattre l’Église romaine :

« L’Église catholique, c’est une grande chose. […] Mais leur temps est passé. Du reste, ils le savent bien. Ils ont assez d’esprit pour le comprendre et pour ne pas se laisser entraîner dans le combat. Si toutefois ils voulaient entamer la lutte, je n’en ferais certainement pas des martyrs. Je me contenterais de les dénoncer comme de vulgaires criminels. »

L’« Église allemande unie » qu’Hitler voulait créer n’était qu’une étape de son plan pour mettre les Églises sous son contrôle et éventuellement les détruire :

« Laissons de côté les subtilités. Qu’il s’agisse de l’Ancien Testament ou du Nouveau, ou des seules paroles du Christ, comme le voudrait Houston Stewart Chamberlain, tout cela n’est qu’un seul et même bluff judaïque. Une Église allemande ! Un christianisme allemand ? Quelle blague ! On est ou bien chrétien ou bien allemand, mais on ne peut être les deux à la fois. »

Hitler espérait que les Allemands oublieraient le christianisme en faveur d’une nouvelle foi germanique :

« Pour notre peuple, au contraire, la religion est affaire capitale. Tout dépend de savoir s’il restera fidèle à la religion judéo-chrétienne et à la morale servile de la pitié, ou s’il aura une foi nouvelle forte, héroïque, en lui-même, en un Dieu indissociable de son destin et de son sang. »

La relative tolérance de l’Église n’était qu’un plan d’Hitler pour éventuellement l’éradiquer :

« Le fascisme peut, s’il le veut, faire sa paix avec l’Église. Je ferai de même. Pourquoi pas ? Cela ne m’empêchera nullement d’extirper le christianisme de l’Allemagne. Les Italiens, gens naïfs, peuvent être en même temps des païens et des chrétiens. Les Italiens et les Français, ceux qu’on rencontre à la campagne, sont des païens. Leur christianisme est superficiel, reste à l’épiderme. Mais l’Allemand est différent. Il prend les choses au sérieux : il est chrétien ou païen, mais non l’un et l’autre. D’ailleurs, comme Mussolini n’arrivera jamais à faire de ses fascistes des héros, peu importe qu’ils soient païens ou chrétiens. »

Source des huit citations ci-dessus ↑ : Hermann Rauschning, Hitler m’a dit, Paris, Hachette Livre, 1995 (1939), p. 91-99. Ces propos furent prononcés en 1933-1934.

Hitler haïssait le christianisme à cause de ses liens avec le judaïsme :

« D’autres enfin, et c’est évidemment le courant dominant, celui auquel Hitler s’associe, se bornent à une critique acerbe du christianisme, conçu comme une religion orientale, déformée sous l’action de Saint Paul, marquée du sceau des Juifs, une religion de dégénérés et de malades, dont la morale, sous le nom de charité, de pitié, de résignation, de pardon des injures, d’amour du prochain, enseigne la faiblesse, la peur, la lâcheté, les scrupules, le déshonneur, s’oppose à toutes les vertus martiales et achemine les peuples à l’esclavage. »

Source ↑ : André François-Poncet, Souvenirs d’une ambassade à Berlin de 1931 à 1938, Paris, Éditions Flammarion, 1946, p. 80.

Un des collaborateurs les plus proches et les plus dévoués d’Hitler considérait le paganisme gréco-romain comme de même valeur que le christianisme :

« Le christianisme et la syphilis avaient rendu l’humanité malheureuse et l’avaient privée de liberté. Quelle différence entre un Zeus souriant bienveillant et sage, et un Christ crucifié et tiraillé par la souffrance ? »

Source ↑ : Josef Goebbels citant Arthur Schopenhauer dans son journal intime, le 8 avril 1941. Schopenhauer avait aussi une opinion favorable de l’hindouisme et du bouddhisme.

Hitler croyait que l’Église était une ennemie des Allemands :

« Le germanisme dut ainsi rétrograder lentement, mais sans arrêt, devant cet abus sournois de la religion et faute de toute défense suffisante. […] Les efforts anti-allemands des Habsbourg ne trouvèrent point, surtout parmi le clergé supérieur, l’opposition qui s’imposait, et la défense même des intérêts allemands fut complètement négligée. L’impression générale ne pouvait pas varier : le clergé catholique tel quel causait un brutal préjudice aux droits des Allemands. Il paraissait donc que l’Église non seulement n’était pas de cœur avec le peuple allemand, mais qu’elle se rangeait de la façon la plus injuste aux côtés de ses adversaires. La raison de tout le mal, d’après Schoenerer, résidait dans le fait que la tête de l’Église catholique ne se trouvait point en Allemagne ; et c’était là une cause suffisante de son attitude hostile aux intérêts de notre nation. »

Source ↑ : Adolf Hitler, Mon Combat – Mein Kampf, Le Vaumain (Oise), Nouvelles Éditions Latines, 1934 (1924), p. 112-113.

Il n’est donc pas surprenant que cette attitude hostile envers le christianisme se soit traduite par plusieurs politiques anti-chrétiennes, notamment en forçant les Églises protestantes à inclure une mention d’adhésion aux idées du régime hitlérien dans leurs confessions de foi et en interdisant la publication de tout écrit théologique n’étant pas au diapason idéologique de la servile « Église du Reich ».

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