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Les véritables catholiques (croyants de la foi universellement vraie) sont les protestants, et les véritables schismatiques sont les romanistes.

Le pamphlet peut être acheté ici pour 12 $.

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Complément : Sola Scriptura : la théologie de Thomas d’Aquin est protestante et non catholique, ou les dérives modernistes de la théologie catholique contemporaine [Lumière du Monde]

La doctrine du Sola Scriptura (locution latine signifiant l’Écriture seule), selon laquelle la Bible est l’unique autorité ultime et finale en matière de théologie, est un fondement du protestantisme depuis cinq siècles (quoique cette doctrine existait depuis l’Église primitive).  C’est en maniant adroitement cette doctrine que les protestants peuvent systématiquement démonter les dogmes non-bibliques du catholicisme romain et de la pseudo-orthodoxie orientale. Comment les catholiques et les pseudo-orthodoxes adressent-ils le Sola Scriptura protestant ? Ils s’y prennent de deux manières : en arguant que cette doctrine ne se trouve nulle part dans la Bible et en disant que l’Église n’est pas normée par la Bible puisque c’est l’Église qui a compilé le Nouveau Testament. Nous verrons pourquoi ces deux arguments sont erronés.

Profession de foi du réformateur protestant allemand Martin Luther à la Diète de Worms (en Rhénanie-du-Sud) le 17 avril 1521

Erreur # 1 : « La doctrine du Sola Scriptura n’est pas dans la Bible »

Cette allégation, bien sûr, est notoirement fausse…

Deutéronome 4:2 : « Vous n’ajouterez rien à la parole que je vous commande, et vous n’en retrancherez rien ; mais vous observerez les commandements de l’Éternel, votre Dieu, tels que je vous les donne. »

Deutéronome 13:1 : « Vous observerez et vous mettrez en pratique ce que je vous ordonne. Tu n’y ajouteras rien et tu n’en retrancheras rien. »

Galates 1:6-9 : « Je m’étonne que vous vous détourniez si promptement de celui qui vous a appelés par la grâce de Christ, pour passer à un autre évangile. Non pas qu’il y ait un autre évangile, mais il y a des gens qui vous troublent et qui veulent altérer l’Évangile de Christ. Mais, si nous-mêmes, si un ange du ciel annonçait un autre évangile que celui que nous vous avons prêché, qu’il soit anathème ! Nous l’avons dit précédemment, je le répète à cette heure : si quelqu’un vous annonce un évangile s’écartant de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème ! »

En Marc 7:5-13, Jésus a vigoureusement fustigé les juifs pharisiens qui ajoutaient leur tradition extra-scripturaire (qui devint éventuellement le Talmud) aux Saintes Écritures (Tanak) : « Il [Jésus] leur dit encore : Vous anéantissez fort bien le commandement de Dieu, pour garder votre tradition. Car Moïse a dit : Honore ton père et ta mère ; et : Celui qui maudira son père ou sa mère sera puni de mort. Mais vous, vous dites : Si un homme dit à son père ou à sa mère : Ce dont j’aurais pu t’assister est corban, c’est-à-dire une offrande à Dieu, vous ne le laissez plus rien faire pour son père ou pour sa mère, annulant ainsi la parole de Dieu par votre tradition, que vous avez établie. Et vous faites beaucoup d’autres choses semblables. »

Subsidiairement, nous pouvons citer Apocalypse 22:18-19 : « Je le déclare à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre : Si quelqu’un y ajoute quelque chose, Dieu le frappera des fléaux décris dans ce livre ; et si quelqu’un retranche quelque chose des paroles du livre de cette prophétie, Dieu retranchera sa part de l’arbre de la vie et de la ville sainte, décrits dans ce livre. » Certes, les mots « ce livre » désignent ici l’Apocalypse de Jean, mais une règle générale peut être inférée de la gravité de cet avertissement : Il ne faut sous aucun prétexte ajouter des innovations humaines à la révélation scripturaire divine.

Ainsi s’exprime Wayne Grudem dans sa Théologie systématique (Éditions Excelsis, 2010, p. 123) : « Ce verset [Apocalypse 22:18] fait bien sûr d’abord référence au livre de l’Apocalypse lui-même, mais le fait qu’il se situe tout à la fin du seul livre qui pouvait être placé à la fin du canon du Nouveau Testament n’est certainement pas le fait du hasard. Une application secondaire de ce verset à l’ensemble du canon ne semble donc pas illégitime ».

Grudem étaye cet argument à la p. 48 du même ouvrage : « Ce n’est pourtant pas un hasard si cette déclaration se situe à la fin du dernier chapitre de l’Apocalypse, le dernier livre du Nouveau Testament. En fait, le livre de l’Apocalypse doit être placé à la fin du canon. Pour de nombreux livres, la place qu’ils occupent dans le canon n’a que peu d’importance. Mais, de même que la Genèse doit être placée au début (car elle nous raconte la création), l’Apocalypse doit être placée à la fin (car elle met l’accent sur le futur et la nouvelle création de Dieu). Les événements décrits dans l’Apocalypse sont historiquement postérieurs à ceux décrits dans le reste du Nouveau Testament et requièrent qu’elle soit placée à la fin. Il n’est donc pas illégitime de penser que cet avertissement particulièrement fort à la fin de l’Apocalypse s’applique en deuxième lieu à l’ensemble de l’Écriture. À cet endroit, l’avertissement sert de conclusion à l’ensemble du canon de l’Écriture. [C]ette application plus large d’Apocalypse 22:18-19 implique que nous ne devrions pas nous attendre à ce que d’autres textes [et d’autres révélations] soient ajoutés à notre canon actuel. »

Le réformateur protestant anglais William Tyndale fut brûlé sur un bûcher par les autorités papistes à Vilvoorde (au Brabant flamand) le 6 octobre 1536 pour le « crime » d’avoir traduit la Bible en langue vernaculaire

Erreur # 2 : « l’Église n’est pas normée par la Bible car c’est elle qui a compilé le N.T. »

Cet argument est plus astucieux que le précédent. Pendant les quatre décennies qui suivent le ministère terrestre de Jésus-Christ (et pas davantage ! — lisez Gentry sur ce sujet : PDF gratuit | papier payant), le canon du Nouveau Testament n’est pas encore clos. Pendant cette période, le peuple de Dieu reçoit des révélations par l’entremise les apôtres inspirés du Saint-Esprit. Ainsi, l’Église chrétienne existait et fonctionnait sans avoir à se référer systématiquement au Nouveau Testament (quoique les prédications des apôtres étaient passées au crible de l’Ancien Testament, cf. Actes 17:10-12), et finalement, c’est l’Église qui a compilé le Nouveau Testament et qui a, ce faisant, supposément choisi de quels livres il est composé. Dans cette optique catholique et pseudo-orthodoxe, non seulement l’Église est-elle investie d’une autorité autonome de la Bible, mais Dieu continue d’envoyer des révélations contenant des données théologiques à l’Église, plus précisément au pape et aux patriarches & métropolites.

Outre que cette gymnastique catholique et pseudo-orthodoxe est une vraie boîte de Pandore, elle ne tient pas compte que la Bible elle-même nous renseigne que l’Église chrétienne a connu trois différents temps de mise en contact avec la doctrine apostolique : Un temps d’instruction exclusivement orale, un temps d’enseignement oral *et* scripturaire, puis une période exclusivement scripturaire, tel qu’expliqué dans l’excellent article De l’oral seul à l’Écriture seule publié sur le Blog Chrétien Protestant le 24 juin 2009…

semper_reformanda

Un individu d’obédience catholique romaine a récemment protesté contre ma réserve vis-à-vis de l’œcuménisme que j’ai émise le 12 juin 2014. Une discussion courtoise et constructive s’est ensuivi, si bien que j’estime approprié de reproduire certains points que j’ai soulevés dans un billet particulier que voici. Ce faisant, je ne cherche pas à offenser mon interlocuteur, simplement à réaffirmer la position protestante.

1. Le culte des saints et le culte marial sont de l’idolâtrie polythéiste

Les catholiques (et les soit-disant « orthodoxes » orientaux) adressent des prières (au sens spirituel) à des personnages autre que le Dieu trinitaire, ces prières confèrent à ces personnages des attributs divins (ces prières sous-entendent que {1} ces morts nous entendent, {2} ces morts peuvent donner suite à nos prières, {3} ces morts ont des pouvoirs surnaturels surhumains), il s’ensuit que les catholiques rendent un culte aux saints, il s’ensuit que les catholiques élèvent les saints au statut de divinités. Ont doit reconnaître qu’en ce faisant, vous n’élevez pas les saints au même niveau que l’Éternel Tout-Puissant. Le catholicisme prône un panthéon des différentes divinités : le Dieu trinitaire au sommet, suivi de très près par Marie, elle-même suivie par la multitude de saints. À propos de l’innombrable kyrielle des saints, le réformateur Jean Calvin a écrit ceci (Institution chrétienne, II:XX:XXII) :

« Depuis qu’on a commencé à considérer les saints comme des intercesseurs, on a peu à peu attribué à chacun une charge particulière et, selon la diversité des affaires, tantôt l’un, tantôt l’autre a été pris comme avocat. De plus, chacun a choisi son saint personnel, se plaçant sous sa sauvegarde, comme en la protection de Dieu. Il est arrivé ce que le prophète reprochait aux Israélites (Jérémie 2:28 ; 11:13) ; non seulement il y avait autant de dieux que de villes, mais aussi autant que de personnes, chacun avait le sien. »

Les catholiques arguent que les prières aux saints ne constituent pas de l’adoration, mais des simples demandes d’intercessions. Or que font-ils alors de 1 Timothée 2:5-6 : « Car il y a un seul Dieu, et aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous » ? Jésus étant pleinement Dieu et pleinement homme, il ne peut y avoir de meilleur intercesseur entre Dieu le Père et les hommes, d’où la doctrine protestante du Solus Christus. Les prières aux saints trépassés profanent l’intercession de Jésus-Christ et, en plus, elles font injure aux personnages historiques que sont les saints (Jean Calvin, Institution chrétienne, III:XX:XXI).

Et de toutes façons, les prières spirituelles aux entités autres que Dieu sont catégoriquement prohibées par la Parole de Dieu (d’où la doctrine protestante du Soli Deo Gloria) :

« Jésus lui dit : Retire-toi, Satan ! Car il est écrit : Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul. » (Matthieu 4:10)

« Lorsque Pierre entra, Corneille, qui était allé au-devant de lui, tomba à ses pieds et se prosterna. Mais Pierre le releva, en disant : Lève-toi; moi aussi, je suis un homme. » (Actes 10:25-26)

« C’est moi Jean, qui ai entendu et vu ces choses. Et quand j’eus entendu et vu, je tombai aux pieds de l’ange qui me les montrait, pour l’adorer. Mais il me dit : Garde-toi de le faire ! Je suis ton compagnon de service, et celui de tes frères les prophètes, et de ceux qui gardent les paroles de ce livre. Adore Dieu. » (Apocalypse 22:8-9)

« Ils appelaient Barnabas Jupiter, et Paul Mercure, parce que c’était lui qui portait la parole. Le prêtre de Jupiter, dont le temple était à l’entrée de la ville, amena des taureaux avec des bandelettes vers les portes, et voulait, de même que la foule, offrir un sacrifice. Les apôtres Barnabas et Paul, ayant appris cela, déchirèrent leurs vêtements, et se précipitèrent au milieu de la foule en s’écriant : Ô hommes, pourquoi agissez-vous de la sorte ? Nous aussi, nous sommes des hommes de la même nature que vous ; et, vous apportant une Bonne Nouvelle, nous vous exhortons à renoncer à ces choses vaines, pour vous tourner vers le Dieu vivant, qui a fait le ciel, la terre, la mer, et tout ce qui s’y trouve. » (Actes 14:12-15)

De surcroît, la communication avec les morts est absolument interdite par Deutéronome 18:9-12 :

« Lorsque tu seras entré dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne, tu n’apprendras point à imiter les abominations de ces nations-là. Qu’on ne trouve chez toi […] personne qui interroge les morts. Car quiconque fait ces choses est en abomination à l’Éternel ; et c’est à cause de ces abominations que l’Éternel, ton Dieu, va chasser ces nations devant toi. Tu seras entièrement à l’Éternel, ton Dieu. »

Certes, Marie a une place importante dans l’histoire du salut, on ne doit donc pas la négliger et on doit honorer sa mémoire. Mais cela ne signifie nullement qu’on doit la surélever en lui donnant un rôle et un pouvoir qu’elle n’a strictement pas. À propos du culte marial, Jean Calvin a écrit ceci (Institution chrétienne, III:XX:XXII) — ne soyez pas choqués par cette verve du XVIe siècle :

« Bien qu’ils tâchent de se laver les mains d’un si vilain sacrilège puisqu’il ne se commet pas dans leurs messes ni dans leurs vêpres, comment défendront-ils les blasphèmes qu’ils lisent à haute voix, quand ils prient Éloi ou Médard de regarder du haut du ciel leurs serviteurs pour les aider ? Quand ils supplient la Vierge Marie de commander à son Fils d’acquiescer à leurs requêtes ? Jadis, il a bien été interdit, au concile de Carthage [il s’agit du IIIe concile de Carthage tenu en 397, cf. canon 23], qu’aucune prière faite à l’autel ne s’adresse aux saints. Il est vraisemblable que les bons évêques de ce temps-là, parce qu’ils ne pouvaient pas entièrement retenir et brider la ferveur du peuple, n’ont trouvé que ce demi-remède. »

Matthieu 12:46-50 démontre très bien qu’il ne faut pas mettre Marie sur un piédestal simplement car elle a été fécondée par le Saint-Esprit :

« Comme Jésus s’adressait encore à la foule, voici sa mère et ses frères, qui étaient dehors, cherchèrent à lui parler. Quelqu’un lui dit : Voici, ta mère et tes frères sont dehors, et ils cherchent à te parler. Mais Jésus répondit à celui qui le lui disait : Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? Puis, étendant la main sur ses disciples, il dit : Voici ma mère et mes frères. Car, quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère. »

2. La prétendue virginité perpétuelle de Marie de Nazareth est une fausseté

Le texte biblique est clair. Matthieu 1:18 :

« Voici de quelle manière arriva la naissance de Jésus-Christ. Marie, sa mère, ayant été fiancée à Joseph, se trouva enceinte, par la vertu du Saint-Esprit, avant qu’ils eussent habité ensemble. »

La clause « avant qu’ils eussent habité ensemble » serait strictement impertinente si, même après qu’ils eussent habité ensemble, ils n’avaient eu aucun rapport charnel. Cette clause est seulement pertinente si sa fonction est de préciser que Marie est tombée enceinte avant qu’elle n’ait connu Joseph charnellement (habiter ensemble se conjugue habituellement avec coucher ensemble pour les époux) : c’est un argument pour la conception miraculeuse de Jésus. Si au contraire, même après la naissance de Jésus et même après leurs épousailles officielles, Marie et Joseph ne remplirent jamais leur devoir conjugal, la clause est superflue et inutile, puisque de toutes façons, peu importe le moment, ils n’ont jamais remplis leur devoir conjugal.

Matthieu 1:24-25 :

« Joseph s’étant réveillé fit ce que l’ange du Seigneur lui avait ordonné, et il prit sa femme avec lui. Mais il ne la connut point jusqu’à ce qu’elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus. »

Le ministère Bible Ouverte précise, au sujet du verset 25 :

« Le texte spécifie clairement que Joseph n’a eu aucun rapport sexuel avec Marie,  jusqu’à (en grec « heos« ) la naissance de Jésus [cette spécification sous-entend donc qu’ils en eurent après].

Nulle part il n’est fait mention d’une interdiction de relations conjugales ultérieures entre Joseph et Marie. Ce serait d’ailleurs contraire aux commandements de Dieu (Genèse 2:24) : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chaire. » Jésus lui-même rappelle ce commandement à ses disciples, voir Matthieu 19:5 et 19:6, Marc 10:8. Il était donc normal que Marie ait des fils et des filles. »

Et Bible Ouverte renchérit :

« Le mot grec adelphos qui a été traduit par frère est composé de mots signifiant lien et matrice. »

Sur les frères et sœurs de Jésus, le Nouveau dictionnaire biblique (Éditions Emmaüs) dit ceci à l’article Frères du Seigneur (p. 282-283 dans la version de 1983) :

« La question de leur parenté avec Christ a été fort débattue, et diverses théories ont été avancées pour affirmer qu’ils n’étaient que ses cousins [ou ses demi-frères] :

1. Ils auraient été fils d’Alphée (ou Cléopas) et de Marie, sœur de la vierge Marie. Pourtant, le mot cousins n’est jamais employé à leur sujet, bien que l’expression grecque anepsios fasse parfaitement partie du vocabulaire du NT (Col 4.10 : Marc, cousin de Barnabas), pas davantage le terme plus précis de « fils de la sœur » employé pour le neveu de Paul (Ac 23.16), de même que le mot parent (ou cousin) [au sens de membre de la parenté élargie] qui revient 11 fois dans le NT (Mc 6.4 ; Lc 1.36, Lc 1.58 ; Jn 18.26 ; Ac 10.24 ; Rm 9.3, etc.). Il semblerait donc étrange que les « frères du Seigneur » n’aient jamais été appelés cousins s’ils l’étaient vraiment.

D’autre part, Jacques fils d’Alphée étant parmi les apôtres (Mt 10.3), comment pourrait-on dans ce cas dire que les « frères » de Jésus ne croyaient pas en lui (Jn 7.5) ?

2. On suppose que ces « frères » étaient issus d’un mariage précédent de Joseph avec une certaine Escha ou Salomé. La seule raison de cette supposition est la différence d’âge supposée entre Joseph et Marie.

3. Ils seraient nés d’un mariage de lévirat entre Joseph et la veuve de son frère, Cléopas. Ceci de nouveau n’est qu’une pure hypothèse, sans aucun fondement. »

Voilà !

Billets similaires sur Le Monarchomaque :

Les tableaux et graphiques suivants sont tirés de l’étude de Vincent Geloso, Une perspective historique sur la productivité et le niveau de vie des Québécois : de 1870 à nos jours, HEC Montréal, 2013, 36 p. Construits à partir d’une montagne de données, ils démontrent clairement que le retard économique que le Québec accusait sur le Canada anglais s’est considérablement amenuisé pendant l’apogée de la soit-disant « Grande Noirceur » sous Maurice Duplessis (on lira Jacques Beauchemin pour une analyse du discours de gauche sur cette période). On aperçoit aussi que ce rattrapage continue pendant la décennie de la Révolution tranquille, ce qui établit une continuité plutôt qu’une discontinuité entre ces deux époques (continuité économique, à défaut de continuité culturelle). On notera cependant que la poursuite de cette remontée pendant la Révolution tranquille sous Jean Lesage (et les gouvernements subséquents) est largement due aux transferts d’argent fédéraux et — ce que l’étude ne dit pas — au crédit étatique contracté par le gouvernement provincial. Ces considérations font en sorte que la Révolution tranquille de Jean Lesage apparaît dès lors moins reluisante par rapport à la « Grande Noirceur » de Maurice Duplessis.

HEC.1HEC.2HEC.3HEC.4HEC.5HEC.6HEC.7

Citation des pages 29-30 : « Il y a des raisons de croire que l’évolution relative du niveau de vie au Québec est surestimée après 1960, principalement à cause de l’effet des transferts fédéraux. Entre 1945 et 1957, les transferts fédéraux diminuent relativement à l’économie. Ils passent de plus de 1 % en 1945 à moins de 0,3 % en 1956. C’est seulement à partir de 1957 qu’ils recommencent à augmenter pour atteindre plus de 5 % de l’économie en 1975 […]. L’importance de cette évolution est considérable puisque les transferts fédéraux augmentent beaucoup plus rapidement au Québec qu’ils n’augmentent en Ontario. […] Puisque les autres Canadiens devaient payer davantage (ou recevoir moins) afin de transférer des ressources vers le Québec, cette augmentation des transferts fédéraux pour le Québec par rapport à l’Ontario implique que le niveau de vie des Québécois a été artificiellement augmenté à partir de 1957. »

HEC.8La conclusion de l’étude se clôt par cette phrase : « L’activité accrue de l’État québécois depuis les années 1960 et 1970 a contribué au retour de la stagnation relative du niveau de vie des Québécois par rapport aux Canadiens. »

En complément, j’offre ces renseignements puisés dans la biographie de Maurice Duplessis par Conrad Black, Montréal, Éditions de l’Homme, 1999 (1977), 547 p., traduction de Render unto Caesar par Jacques Vaillancourt.

Billet similaire sur Le Monarchomaque :
Extraits de l’ouvrage Duplessis, son milieu, son époque

 

Maurice Duplessis et Mgr Charbonneau en 1945. Cette photo est emblématique de l’obscurantisme de la « Grande Noirceur » dans l’imaginaire québécois. En réalité, l’Église catholique au Canada-Français était loin d’être monolithique, et Duplessis avait beaucoup d’ennemis parmi le clergé, incluant Charbonneau.

Le présent article regroupe une collection de données contribuant à rectifier notre vision simpliste de l’histoire québécoise du XXe siècle, qui s’articule autour de la césure Grande Noirceur—Révolution tranquille, césure de plus en plus remise en question par l’historiographie professionnelle. Cette soi-disant « Grande Noirceur », qui connaît son supposé paroxysme lors des quinze années du règne de Maurice Duplessis, c’est, au fond, le Québec traditionnel. Mais ce Québec d’antan mérite-t-il vraiment l’appellation dénigrante de « Grande Noirceur » ? Quelques éléments de réponse…

La dette de la Révolution tranquille envers la « Grande Noirceur »

Pour commencer, je propose ces deux conférences de Lucia Ferretti, historienne de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

{1} Conférence intitulée La Grande Noirceur, mère de la Révolution tranquille prononcée dans le cadre de la série La Révolution tranquille : 50 ans d’héritages en 2010…

{2} Conférence intitulée Le rôle social et national de l’Église catholique prononcée dans le cadre du colloque Quelque chose comme un grand peuple en 2009…

La suite sur cette chaîne.

L’étatisme québécois des années 1930

Voici ce que nous disent trois de nos historiens les plus réputés concernant le rôle de l’État avant les années 1960, dans un chapitre intitulé L’État s’affirme :

L’État s’affirme dans le domaine du bien-être social (1919). Diverses institutions de bienfaisance lancent un cri d’alarme : Des 45 000 patients reçus dans les institutions en 1919, un tiers l’étaient à titre gratuit. Par suite de cet état de chose, une crise sérieuse se produisit dans les institutions : L’hôpital Notre-Dame de Montréal déclare que si la ville n’augmente pas sa contribution, il se verra dans la pénible obligation de fermer l’hôpital et il n’est pas le seul dans ce cas ; l’hôpital Sainte-Justine, l’Institut des Sourdes-Muettes de Montréal, l’Hôpital du Sacré-Cœur et la Crèche à Québec ont également des difficultés. L’État doit donc intervenir au moyen d’une loi qui permet aux hôpitaux désireux de s’en prévaloir de donner les secours médicaux nécessaires aux personnes défavorisées et répartit les frais en trois parties : un tiers au gouvernement provincial, un tiers à la municipalité où réside l’indigent et un tiers à l’institution d’assistance.

Référence ↑ : Jacques Lacoursière, Jean Provencher et Denis Vaugeois, Canada-Québec (1534-2000), Sillery, Éditions du Septentrion, 2001, p. 163-164.

Commentaire sur cet extrait ↑ glané sur ce blogue : « Jusque-là (1919), c’était les communautés religieuses qui s’occupaient du domaine social : hôpitaux, hospices, la misère du monde quoi. Les communautés dépassées par le manque de ressources font appel à l’État pour que les nécessiteux puissent recevoir des soins gratuitement. C’est donc que l’Église n’était pas si puissante qu’on le prétend puisque c’est l’État qui tirait les ficèles économiques et que l’Église a dû lancer un cri d’alarme. »

La vigueur économique des Canadiens-Français avant 1960

Le professeur Jacques Rouillard, du Département d’histoire de l’Université de Montréal, a écrit un article [La Révolution tranquille, rupture ou tournant ?, Revue d’études canadiennes, Vol 32, No 4, hiver 1998, p. 23-51] résumant bien les études qui infirment la thèse des sociologues [progressistes]. À la veille de la Révolution tranquille, le Québec n’a rien d’une société sous-développée. La moitié des francophones occupent un emploi… dans le secteur des services ! Dès 1931, le recensement montre que peu de gens vivaient encore de l’agriculture et que les 2/3 de la main-d’œuvre travaillaient dans le secteur secondaire (manufacturier) ou tertiaire (services). L’industrie manufacturière avait toujours crû ici au même rythme qu’en Ontario, et ce depuis la Confédération. Durant tout le 20e siècle, la proportion de travailleurs québécois œuvrant dans le secteur industriel est comparable aux proportions observées aux États-Unis et dans plusieurs pays européens.

On ne constate pas non plus de retard d’urbanisation dans la province. La migration vers les villes se fait à un rythme régulier depuis la fin du 19e siècle. Le Québec affiche même un taux d’urbanisation supérieur à celui l’Ontario de 1900 jusqu’à la 2e Guerre mondiale, et allait se maintenir au-dessus de la moyenne canadienne par la suite.

[…]

La société québécoise d’avant la Révolution tranquille comptait aussi de nombreux entrepreneurs francophones dans le domaine industriel et commercial. Ils faisaient partie de l’élite au même titre que les médecins, notaires ou prêtres, mais on semble les avoir complètement oubliés aujourd’hui. Ces entrepreneurs étaient maîtres du développement économique local et régional. Dès le 19e siècle, ils se dotent d’institutions financières soutenant l’essor économique régional: banques, sociétés de fiducie, compagnies d’assurance. Les chambres de commerce foisonnent et se regroupent en fédération provinciale dès 1909. En 1935, elle comptait 49 chambres affiliées. La bourgeoisie d’affaires francophone exerçait une réelle influence dans la sphère publique […] Elle faisait la promotion du développement industriel et de l’esprit d’entreprise auprès des francophones.

[…]

En 1953, le Québec affichait le deuxième revenu par habitant le plus élevé au monde après les États-Unis (en excluant le reste du Canada). Avait-on réellement besoin de la Révolution tranquille et de l’intervention de l’État pour sortir les Québécois de cette prétendue «Grande Noirceur» ? Absolument pas !

Référence ↑ : Claire Joly, Le mythe de la Grande Noirceur et du Québec sous-développé, Blogue du Québécois Libre, 31 octobre 2005.

Augmentation fulgurante de l’alphabétisme au XIXe siècle

Les communications avec l’extérieur se sont développées à un rythme comparable à celui des autres sociétés occidentales. […] Le Canada français du milieu du XIXe siècle ne vivait pas en marge des autres nations occidentales. Un mouvement de modernisation était à l’œuvre. […] De 1764 à 1859, 327 périodiques ont été fondés dans la vallée du Saint-Laurent. […] Les journaux canadiens étaient abonnés à des publications européennes et américaines, comme le démontrent les nombreux extraits reproduits. Dans leurs journaux, les Canadiens pouvaient suivre l’actualité internationale et être exposés aux idées des grands penseurs du siècle. Et plus on avançait dans le XIXe siècle, plus les lecteurs étaient nombreux. En effet, le taux d’alphabétisation des Canadiens n’a cessé de croître tout au long du XIXe siècle, passant de 21 % pour la décennie 1820-1829 à près de 53 % cinquante ans plus tard. Cette croissance n’a pas touché seulement l’élite, mais aussi les enfants des agriculteurs (de 11.2 % à 48.6 % pour la même période) et des journaliers (de 13.8 % à 21.9 %) […] De son côté, la classe politique canadienne avait doté la Chambre d’assemblée d’une bibliothèque dès 1802, ce qui en avait fait l’une des premières institutions du genre en Occident [p. 21-22, voir prochaine référence].

Acceptation de la démocratie parlementaire

Accordé par l’Acte constitutionnel de 1791 et renforcé par l’obtention du gouvernement responsable en 1848, le droit à la représentation politique [par voie électorale] constituait, pour la classe politique canadienne-française du milieu du XIXe siècle, un acquis incontestable que même Louis-François Laflèche, certainement le doctrinaire ultramontain le plus important de cette époque, ne contestait pas [cette position était aussi celle de Mgr Ignace Bourget ; p. 24 et 340 ↓].

Acceptation de la distinction entre l’Église et l’État

Aux yeux des réformistes, aucune des deux sphères, matérielle et spirituelle, ne doit dominer l’autre ou la prendre en otage. Chacune a été conçue et voulue par le Créateur, chacune doit donc tendre vers des fins plus élevées [p. 214-215 ↓].

Référence des trois citations précédentes ↑ : Éric Bédard, Les Réformistes – Une génération canadienne-française au milieu du XIXe siècle, Montréal, Éditions du Boréal, 2009, 416 p.

Le nationalisme ethnique modéré pré-Duplessis

Mgr Louis-François Laflèche (1818-1898), nommé évêque de Trois-Rivières en 1870, est la deuxième personnalité ultramontaine en importance au Canada-Français au XIXe siècle après Mgr Ignace Bourget (1799-1885), l’archevêque de Montréal entré en fonctions en 1840. Voici ce qu’affirmait Laflèche dans Quelques considérations sur les rapports de la société civile avec la religion et la famille (1866) :

Au point de vue national, ils [les immigrés au Québec] ne sont plus ce que la naissance les avait faits, Allemands, Écossais ou Irlandais, mais ils sont Canadiens, c’est-à-dire que l’éducation les a faits. […] L’éducation encore plus que la naissance fait la nationalité. […] Une famille canadienne-française où l’on ne parle plus la langue français, où l’on n’est plus catholique, où l’on a adopté les mœurs et coutumes des Américains, à quelle nationalité appartient-elle ? Que lui reste-t-il de la nationalité de ses ancêtres ? Rien. Ils sont Américains et nullement Canadiens [↓].

Et voici ce que le chanoine Lionel Groulx (1878-1967), le théoricien du nationalisme ethnique par excellence du Canada-Français, affirma dans une allocution qu’il prononça le 5 décembre 1936 :

Nous ne plaçons pas l’essence ni la grandeur de la nationalité dans le fétichisme du sang ou de la race ; chrétiens, catholiques, nous les plaçons dans la justesse et la finesse de la raison, dans la grandeur morale de la volonté, dans la hauteur spirituelle de l’âme et de la culture [↓].

Dans La Naissance d’une race (1919), nous voyons que Lionel Groulx ne hiérarchisait pas les races, tel que le faisaient des millions de ses contemporains. Il utilisait le terme « race » comme un synonyme de « peuple » ou de « nation ». Plus tard, dans Mes Mémoires (1970), Groulx insista qu’il n’a jamais défini la racialité « uniquement sur le sang, à la façon animale ou biologique ».

Référence des trois citations précédentes ↑ : Éric Bédard, Recours aux sources – Essais sur notre rapport au passé, Montréal, Éditions du Boréal, 2011, p. 166-169 sur 280.

Du même thème sur Le Monarchomaque :

Et hors-site : Le génocide de Vendée > Série d’articles [Phileo Sophia]

Docu-film sur la Guerre de Vendée (1793-1796) qui s’est aussi étendue dans le Poitou, l’Anjou, le Maine et la Bretagne :

La guerre ouverte n’a pas eu lieu que dans le nord-ouest, mais aussi dans le sud-est : les armées sous les ordres des Montagnards de Paris assiégèrent la cité de Lyon du 9 août au 9 octobre 1793 (44 000 obus tirés sur la ville, 2816 morts du côté  lyonnais — 940 pendant les combats et 1876 pendant la répression jacobine) et assiégèrent la cité de Toulon du 18 septembre au 18 décembre 1793. De plus, il y eut une brève insurrection royaliste dans le Gévaudan (clic et clic).

Girondisme 1793

Révolte girondine (fédéraliste) en 1793 — Les autorités de 60 départements sur 83 refusent de reconnaître le coup d’État montagnard (jacobin) du 22 juin 1793. À Caen, une armée de 4000 hommes est organisée pour marcher sur Paris.

Département d'Occitanie ayant juridiquement fait sécession en 1793 (source)

Départements d’Occitanie ayant juridiquement fait sécession (s’étant déclarés en état de guerre contre la Convention jacobine de Paris) en 1793 (source).

BilanTerreurOccitanie

Bilan de la terreur en Occitanie (source).

Voyez aussi sur Foi et Érudition : La transmission du Nouveau Testament depuis l’original

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Newt Gingrich, ancien Président de la Chambre des Représentants des États-Unis (1994-1999) et Représentant du 6e district de la Géorgie (1979-1999), utilise ses connaissances d’historien — il est diplômé d’Emory (Atlanta) et de Tulane (Nouvelle-Orléans) — pour ramasser les adeptes de la suprématie judiciaire :

Cliquez ici si le vidéo n’est plus en ligne.

Le document auquel Gingrich fait référence est Bringing the Courts Back Under the Constitution.

Une conférence plus substantielle (à partir de 02:55) :

Bis repetita placent :

Dispositions constitutionnelles pertinentes (Constitution des États-Unis d’Amérique) :

Article II. Section IV. Le président, le vice-président et tous les fonctionnaires civils des États-Unis seront destitués de leurs charges sur mise en accusation et condamnation pour trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs.

Article III. Section I. […] Les juges de la Cour suprême et des cours inférieures conserveront leurs charges aussi longtemps qu’ils en seront dignes […]

Article III. Section II. […] Dans tous les cas concernant les ambassadeurs, les autres ministres plénipotentiaires et les consuls, et ceux auxquels un État sera partie, la Cour suprême aura juridiction de première instance. Dans tous les autres cas susmentionnés, elle aura juridiction d’appel, et pour le droit et pour le fait, sauf telles exceptions et conformément à tels règlements que le Congrès aura établis. […]

Lettre de Thomas Jefferson à Monsieur Coray, 31 octobre 1823 :

At the establishment of our Constitution, the judiciary bodies were supposed to be the most helpless and harmless members of the government. Experience, however, soon showed in what way they were to become the most dangerous ; that the insufficiency of the means provided for their removal gave them a freehold and irresponsibility in office ; that their decisions, seeming to concern individual suitors only, pass silent and unheeded by the public at large ; that these decisions, nevertheless, become law by precedent, sapping, by little and little, the foundations of the Constitution, and working its change by construction, before any one has perceived that that invisible and helpless worm has been busily employed in consuming its substance. In truth, man is not made to be trusted for life, if secured against all liability to account.

JudicialActivism

De 1879 à 1882, quatre tentatives d’abolition de la Cour suprême du Canada nouvellement créée en 1875 ont lieu à la Chambre des Communes du Parlement du Canada. Le 26 avril 1879, Joseph Keeler, député conservateur de Northumberland-Est (Ontario) introduit le premier projet de loi allant en ce sens. Appuyé par Dalton McCarthy, député conservateur de Simcoe Nord (Ontario) et membre influent du Barreau du Haut-Canada, ainsi que par la députation québécoise, ce premier projet est adopté en première lecture à l’issue d’un vif débat. Cependant, le gouvernement fait croire qu’il va « étudier la question » et obtient ainsi que son cheminement législatif soit retardé. M. Keeler réintroduit son projet de loi en février 1880, mais le gouvernement réussit encore à l’écarter en obtenant sa « suspension pour six mois » à 148 voix contre 29, afin d’envoyer le projet aux oubliettes en attendant que l’opinion du milieu juridique ontarien bascule. M. Keeler introduit une troisième fois son projet en décembre 1880, mais il décède en janvier 1881.

C’est dès lors Auguste Phillipe Landry, député conservateur de Montmagny (Québec), qui parraine le projet de loi. Malheureusement, la députation anglophone commence alors à voir dans ce projet une expression du particularisme canadien-français, et dans la Cour suprême un levier de centralisation étatique. Les députés anglophones forcent encore une fois la « suspension pour six mois » du projet de loi, à 88 contre 39 voix. M. Landry tente pour une quatrième fois de faire avancer ce projet de loi le 12 avril 1882, mais cette fois aussi, les anglophones l’en empêchent définitivement dès la première lecture.

Par ailleurs, de 1881 à 1886, au moins cinq tentatives furent faites par la députation québécoise, avec à sa tête Désiré Girouard, député de Jacques-Cartier (Québec), dans le but de soustraire de la juridiction de la Cour suprême les matières de compétence provinciale (bref toute la législation provinciale). Même histoire : les anglophones, plutôt que de voir dans cette proposition une garantie de l’intégrité des provinces de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse, y voient une « menace française » et bloquent le projet. M. Girouard proposa même que cette loi ne s’applique qu’au Québec, mais les anglophones ne voulurent rien entendre. Le dernier obstacle à la toute-puissance de ce tribunal était la possibilité d’appeler de ses décisions au Comité judiciaire du Conseil privé de Londres, chose qui fut impossible à partir de 1888 en matière criminelle (quoique brièvement possible entre 1926 à 1933) et pour toutes les matière en 1949. Dès lors, la porte était grande ouverte à la montée de l’activisme judiciaire, du gouvernement des juges et ultimement à la suprématie judiciaire au Canada, à l’instar des États-Unis.

Pour qu’on se souvienne que cela aurait pu être évité, je reproduit ci-bas des extraits de l’intervention de Joseph Keeler au Parlement le lundi 26 avril 1879.

+ + + + +

M. Keeler : « Je présente un bill (no. 84) à l’effet d’abroger les actes relatifs à la Cour suprême et de l’Échiquier et leurs amendements. C’est du point de vue de l’économie que je soumets ce projet de loi ; et puis, nous avons beaucoup trop de tribunaux au Canada ; nous pouvons parfaitement nous passer de la Cour suprême. […]

Le peuple partage avec moi l’opinion que ce tribunal est complètement inutile. Nous avons en effet dans chacune des provinces des cours qui sont bien préférables et dont les décisions ont plus de poids que celles de la Cour suprême qu’on a créée à Ottawa. […]

La population des provinces d’Ontario et de Québec pense que ce tribunal a été créé pour procurer de bonnes positions aux honorables messieurs de la gauche et à leurs amis. […]

Dans mon compté, la population en est très mécontente. Elle préfère la Cour du banc de la Reine d’Ontario, dont les décisions sont beaucoup plus respectées que celles de la Cour suprême. […]

Je suis décidé à pousser cette affaire jusqu’au bout et à m’assurer si la majorité de la Chambre consent à perpétuer un système d’extravagance et de gaspillage des deniers publics tel que celui qu’entraîne le maintient de la Cour suprême. […] Je suis très fier d’avoir provoqué, à l’appui de ma motion, le vote le plus nombreux qui ait été pris à cette session. »

David Mills, député libéral de Bothwell (Ontario) se lamenta : « En appuyant la motion de l’honorable député de Northumberland-Est, les honorables messieurs de la droite ont favorisé l’abolition de la Cour suprême qui est une grande institution politique. »

Le Premier ministre fédéral, John MacDonald, quoique ambivalent sur l’abolition, fustigea les députés libéraux qui affirmaient que la Cour suprême est une institution sacrée en comparant cette idée avec le fait que la Chambre Étoilée (Star Chamber) — un tribunal de « prérogative royale » ayant servi à persécuter les protestants réformés au XVIIe siècle et qui fut abolie par ceux-ci dès qu’ils prirent le pouvoir — était considérée être une institution sacrée par ses partisans.

Alfred Boultbee, député conservateur de York-Est (Ontario) affirma ce jour-là : « La Chambre a parfaitement le droit de discuter l’opportunité de l’abolir [la Cour suprême]. Un jour ou l’autre, le peuple chargera peut-être ses représentants d’abolir cette cour, à laquelle ce n’est point manquer de respect que de discuter la question dès à présent. »

Alphonse Desjardins, député d’Hochelaga (Québec), expliqua en ces termes l’impertinence que représentait la Cour suprême pour la population québécoise : « Je sais parfaitement que dans la province de Québec il existe non sans raison de fortes préventions contre ce tribunal et plus particulièrement contre ses attributions comme cour d’appel des jugements de nos tribunaux civils. Il sera facile pour cette chambre de comprendre le motif de cette prévention quand elle se rappellera que pendant qu’aucune personne ne peut être appelée à siéger à la Cour supérieure ou a la Cour du banc de la Reine dans notre Province avant d’avoir suivi un cours de droit et pratiqué comme avocat pendant au moins dix ans, ici, pour ce tribunal de dernier ressort appelé à confirmer ou renverser les décisions de nos juges, quatre sur six de ces juges sont choisis dans d’autres provinces sans qu’ils n’aient été tenus au préalable d’étudier nos lois civiles. »

Sources :

  • Débats de la Chambre des Communes du Canada, 4e Parlement, 4e Session, 1879, Ottawa, T.J. Richardson, Vol. II, p. 1391-1408 sur 2056.
  • James Snell et Frederick Vaughan, The Supreme Court of Canada : History of the Institution, Toronto, Toronto University Press, 1985, p. 28-32 et 269.
  • Ian Bushnell, The Captive Court, Montréal et Kingston, McGill — Queen’s University Press, 1992, p. 92-96.

Sur le thème de la suprématie judiciaire aux États-Unis, consultez aussi :

Pièce de monnaie à l'effigie de Constantin V, qui convoqua le Concile d'Hiéreia en 754

Pièce de monnaie à l’effigie de l’Empereur byzantin Constantin V, qui convoqua le Concile d’Hiéréia en 754

Carte de l'Empire byzantin en 750

Carte de l’Empire byzantin vers l’an 750

Conférence de Marie-France Auzépy, historienne spécialisée en histoire byzantine et professeure émérite à l’Université Paris-VIII :

Fichier alternatif # 1 | Fichier alternatif # 2.


Canons adoptés par le Concile iconoclaste de Hiéréia en l’an de grâce 754 :

The holy and Ecumenical synod [en grec concile et synode signifient exactement la même chose — je crois même qu’il s’agit du même mot], which by the grace of God and most pious command of the God-beloved and orthodox Emperors, Constantine and Leo, now assembled in the imperial residence city, in the temple of the holy and inviolate Mother of God [initialement l’expression « Mère de Dieu » servait à affirmer que Jésus était déjà Dieu à sa naissance (qu’il ne l’est pas devenu qu’à son baptême) plutôt qu’à déifier Marie] and Virgin Mary […] have decreed as follows.

Satan misguided men, so that they worshipped the creature instead of the Creator. The Mosaic Law and the prophets cooperated to undo this ruin; but in order to save mankind thoroughly, God sent his own Son, who turned us away from error and the worshipping of idols, and taught us the worshipping of God in spirit and in truth. As messengers of his saving doctrine, he left us his Apostles and disciples, and these adorned the Church, his Bride, with his glorious doctrines.

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