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Archive for the ‘Histoire de la Réformation’ Category

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Le 1er mars 1562, six semaines après que l’Édit de Janvier ait autorisé le culte calviniste à l’extérieur de toutes les villes françaises, quelque 200 protestants célèbrent dans une grange de Wassy en Champagne. Le Duc de Guise, archi-catholique, passe par là et entend résonner leurs cantiques. Il s’irrite et ordonne à sa troupe de châtier ces renégats. Elles s’exécutent brutalement, assassinent et humilient collectivement les pratiquants… on décompte une cinquantaine de morts et 150 blessés avant que les soldats ne permettent aux survivants de se disperser. Cette commotion marque le début des Guerres de Religion qui vont déchirer la France pendant 30 ans et causer — directement ou indirectement (par famine et épidémie) — la mort d’un millions d’habitants, soit  le huitième de la population du royaume. En rétribution aux exactions de Guise, le prince protestant Louis de Condé attaque Orléans le 2 avril 1562, puis s’ensuit un cycle incessant d’épiques et sanglantes prises d’armes entrecoupées d’édits de cessation des hostilités…

Environ 15 % des Français adoptent entre-temps la foi nouvelle qui s’articule autour d’un corps de doctrines solidement établi : rapport personnel et direct au Créateur, lecture par tous  les chrétiens de la Parole de Dieu (Saintes Écritures), sacerdoce de tous les croyants, salut par la foi, adoration de la Trinité seule (et non pas de Marie et d’une ribambelle de saints quasi-déifiés). Mais cette minorité est disproportionnellement répartie entre les classes. En chiffres ronds, le protestantisme rallie 10 % de la paysannerie, 50 % de la bourgeoisie et 50 % de la noblesse. Comment expliquer cette disparité ? C’est que les membres de l’élite lettrée, qui avaient la chance de lire la Bible eux-mêmes et y redécouvrir ses trésors, étaient beaucoup plus enclins à passer à la Réforme que les paysans analphabètes qui dépendaient entièrement d’un curé pour leur nourriture spirituelle. Les cultivateurs et les éleveurs des villages où il pré-existait une école communale qui enseignait les rudiments de la lecture et de l’écriture aux enfants acceptèrent généralement avec beaucoup d’enthousiasme la Réforme, comme dans le Vaucluse, les Cévennes et le Vercors.

Si la moitié des nobles de l’ensemble des provinces embrassent le protestantisme (même dans des régions massivement catholiques comme la Bretagne), les fidèles calvinistes sont nettement concentrés dans le sud et l’ouest. En 1562, on compte déjà quelque 1400 Églises réformées « dressées » à la genevoise (c’est-à-dire organisées autour d’un pasteur et d’un consistoire) en territoire français :

Plusieurs métropoles régionales comme Montauban, Nîmes et Montpellier deviennent des bastions réformés, la Cité de La Rochelle se transforme pratiquement en république calviniste indépendante. Lyon est une capitale protestante temporaire en 1562-1563 ; le Quatrième Synode national des Églises réformées du Royaume de France s’y tient en 1563 sous l’autorité du respecté pasteur Pierre Viret.

La Cité de Lyon devient le deuxième plus important centre d’imprimerie de France et un foyer de réflexion considérable, au point où certains historiens parlent de Lyon comme de la « capitale intellectuelle du royaume » (source) pendant cette brève parenthèse. C’est dire l’influence de cette ville pendant cette période.

La Paix d’Ambroise rend la ville à la Ligue catholique, mais le parti réformé en redeviendra maître en 1594. En 1570, Jeanne d’Albret fait de la foi réformée la religion d’État du Béarn dont voici la localisation dans l’Hexagone :

Malgré une tentative d’apaisement via un mariage mixte entre le Roi Henri III de Navarre (officiellement protestant) et la fille du Roi Henri II de France, Marguerite de Valois (officiellement catholique), la populace catholique parisienne assassine 30 000 réformés lors du massacre de la Saint-Barthélemy le 24 août 1572. Le chef politique et militaire des huguenots, l’amiral Gaspard de Coligny), fut la première victime. Ce génocide est reproduit à Orléans et Meaux le 25 août, à Bourges et La Charité-sur-Loire (Nièvre) le 26 août, à Troyes le 27 août, à Saumur et Angers les 28-29 août, à Lyon le 31 août, encore à Troyes le 4 septembre, encore à Bourges le 11 septembre, à Rouen le 17 septembre, à Bordeaux le 3 octobre, à Toulouse le 4 octobre, à Gaillac (Tarn) le 5 octobre, à Albi le 6 octobre, etc.

La régente Catherine de Médicis observe avec satisfaction les résultats de l’hécatombe criminelle :

Après une tentative de meurtre contre lui par Catherine de Médicis en 1576, Henri de Navarre prend la tête du parti protestant et prépare la contre-offensive avec le surnom de « Roi de Gascogne », titre qui n’était pas tout à fait inapproprié si l’on compare les frontières de son domaine avec celles de la Gascogne…

Carte des domaines d’Henri de Navarre dans le Sud-Ouest de la France :

Carte de la Gascogne dans le Sud-Ouest de la France :

Contrairement aux espérances des massacreurs catholiques, la décapitation du mouvement calviniste français lors de l’hécatombe de la Saint-Barthélemy ne mit pas fin à la Réformation en France. Dans la décennie 1570, catholiques et protestants s’organisent en territoires quasi-souverains dans les parties du royaume qu’ils contrôlent respectivement. Le calvinisme est porteur d’une théorie politique selon laquelle le tout système étatique doit s’appuyer sur le peuple qui est indirectement souverain (via la petite noblesse dans ce contexte). Les huguenots créent ainsi dans le Sud de la France une république fédérative où chaque province jouit d’une grande autonomie face au pouvoir central. L’autorité est confiée au « pays », c’est-à-dire à des États-Généraux. Les Provinces-Unies du Midi sont fondées à Anduze en février 1573. Ce régime perdurera une bonne vingtaine d’années. Les Provinces-Unies du Midi constituent un précédent à la monarchie constitutionnelle.

Le 20 octobre 1587, l’armée royale catholique est écrasée par les calvinistes des Provinces-Unies du Midi à Coutras en Gironde (Gascogne/Aquitaine),  ce qui prélude à la marche de l’héritier du trône, de la couronne et sceptre sur Paris et à la conclusion de la 8ème guerre de religion.

Voir également sur Le Monarchomaque :

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L’hebdomadaire catholique La Vie faisait dans son édition du 24 octobre 2005 un dossier spécial sur le protestantisme (numéro 3138). Le journaliste a posé la question suivante à deux pasteurs réformés : « Le protestantisme français peut-il mourir ? » Ces deux pasteurs incarnent l’avenir de l’Église Réformée de France (ERF). L’un d’eux a répondu « oui ». Gilles Boucomont, pasteur de la paroisse réformée du Marais à Paris, donne un témoignage inquiétant.

Notre protestantisme historique a perdu sa substance. Nous nous sommes laissés instrumentaliser. On nous a demandé d’être des chrétiens présentables, moins ringards que les cathos, qui soient pour la contraception, l’avortement, le préservatif. Nous sommes devenus le faire-valoir de la pensée unique, la bonne conscience du christianisme. Avec notre « liberté éthique », nous avons cautionné le dogme du laxisme ambiant. C’est pitoyable, même si les protestants adorent être cette élite qui pense juste. Le protestantisme est devenu sociologique. On a gardé la culture, mais pas la sève. Je rencontre des jeunes qui me disent : « je suis protestant, mais pas chrétien ». Nos cultes sont intellos — ou croient l’être, ce qui est pire.

Notre problème est notre rapport à la Bible : l’approche critique des textes est devenue un dogme. La Bible n’a plus d’autorité. Une lecture spirituelle de la Bible est désormais entachée de soupçon. On a opposé, à tort, lecture savante et lecture pieuse de la Bible. Nos pasteurs, formés à cette lecture savante, ont oublié le Saint-Esprit. L’enjeu est clair : soit on veut continuer le ministère de Jésus, soit on devient les gentils gestionnaires d’un lobby bien vu de tous.

Il faut affirmer la puissance du Christ, venu pour guérir les malades et chasser les démons. Les gens souffrent dans leur âme. Et moi je leur dirais d’aller voir un psy ? Alors que j’ai, au nom du Christ, le devoir de les aider ? Quand je dis que je fais des exorcismes, certains me prennent pour un fou. Ou un manipulateur. Guérir au nom de Jésus n’a rien à voir avec une spiritualité désincarnée. La solution est très simple : il faut replanter les paroisses dans la prière et dans la Bible. L’expérience prouve qu’elles se remplissent alors.

Cet autre commentaire d’un autre pasteur de l’Église Réformée de France — qui est théoriquement la descendante directe des Huguenots des 16e et 17e siècles — confirme que le courant d’héritage calviniste est à la dérive (pour ne pas dire en perdition) :

Dans l’Église Réformée de France, on a le droit de ne pas être trinitaire (on a le droit aussi de l’être). Ce n’est pas demandé aux pasteurs, et c’est encore moins demandé aux fidèles. Quand une personne désire s’inscrire sur la liste des membres de l’association gérant notre église, la confession de foi demandée est simplement « Jésus-Christ est Seigneur », en comprenant ces quelques mots d’une façon libre et personnelle, c’est à dire pas nécessairement en comprenant Seigneur comme « Dieu », bien entendu.

Et, de fait, j’ai bien l’impression que la doctrine de la trinité serait en déclin continu depuis quelques générations déjà. Vous serez peut-être intéressé par le magazine Évangile et liberté, qui appartient à une sensibilité libérale (au sens théologique du terme) et souvent non-trinitaire.

Cous pouvez aussi chercher en direction des « unitariens », ce sont des chrétiens [sic] qui sont en général ouverts, sauf sur le point particulier de la trinité. Pourquoi pas, après tout ? Mais, personnellement, si une personne exprime sa foi de façon trinitaire, je trouve cela un peu surréaliste, mais dans le fond je me sens sincèrement en communion avec cette personne, même si je ne m’exprimerais pas de la même façon.

Ah ! Misère ! Les réformateurs français Jean Calvin, Théodore de Bèze et Guillaume Farel doivent se retourner dans leur tombe.

Il semble que ce dérapage doctrinal et moral affecte substantiellement moins le milieu évangélique que les milieux réformé et luthérien. Les communautés évangéliques progressent d’ailleurs de façon non-négligeable en France. Ironie de l’histoire : de nombreux Coréens viennent joindre l’effort de rechristianisation de l’Europe.

En ces temps où l’étau se resserre sur les chrétiens et où, succombant à cette pression culturelle  doublée d’une persécution politique, des centaines de milliers de nos frères glissent dans l’erreur jusqu’à perdre leur salut, je pense c’est un bon moment  pour nous remémorer quelques symboles de la lutte franco-protestante, en premier lieu l’enclume et la devise « TANT  PLUS À ME FRAPPER ON S’AMUSE, TANT PLUS DE MARTEAUX ON Y USE ! »

Cette maxime signifie que même si le gouvernement (autrefois monarchique, absolutiste & papiste ; aujourd’hui technocratique, jacobin  & laïcard) est capable de persécuter le protestantisme français au point de réduire à l’état de clandestinité les adhérents de la foi réformée/évangélique, il ne pourra jamais écraser la Parole de Dieu révélée dans les Saintes Écritures, et il ne pourra jamais détruire la Vérité chrétienne immuable et transcendante.

Un autre symbole franco-protestant datant de cette époque est la croix huguenote, composée d’une croix de Malte jonchée de quatre lys et d’une colombe (représentant le Saint-Esprit). Elle fut conçue suite à la révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV en 1685. Jusqu’en 1787, ce fut la terrible période du « Désert », pendant laquelle le protestantisme était illégal, les pasteurs étaient envoyés aux galères et les fidèles subissaient toutes sortes d’exactions (telles les dragonnades).

Marie Durand, une jeune femme qui fut capturée puis emprisonnée dans la Tour de Constance car son frère avait été impliqué dans une escarmouche opposant les forces royales et des insurgés huguenots, passera toute sa vie enfermée car elle refusait d’abjurer sa foi. Pour encourager ses sœurs en Christ et ses coreligionnaires calvinistes qui continuaient le combat à l’extérieur, elle a gravé « REGISTER » (c’est-à-dire « résistez » en vieux français) dans le ciment de sa prison ; ce souvenir douloureux toujours visible aujourd’hui  :

La devise « RÉSISTEZ » fut reprise par les luthériens français du Pays Messin (ville de Metz et villages voisins en Moselle), que la persécution frappa également après 1685. La plaque ci-dessous fut apposée sur la porte d’entrée d’un de leurs temples lorsqu’ils furent réouverts environ cinquante ans plus tard. Elle porte l’inscription latine « PREMIMUR NON OPPRIMIMUR » — « OPPRIMÉS MAIS PAS ABATTUS » (2 Corinthiens 4).

Au XXe siècle, ces symboles ont changés de sens et sont devenus non plus une marque du clivage catholique-huguenot, mais celle de la résistance franco-protestante au totalitarisme anti-chrétien émanant du pouvoir séculier. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les unités protestantes des Forces Françaises Libres arborèrent un insigne combinant ces différents symboles ainsi qu’une croix de Lorraine…

La Résistance en France et hors de France

En France, il est vrai que la résistance proprement militaire n’est pas plus forte que celle de la population dans sons ensemble, et il n’y a pas véritablement de « maquis protestants », en dehors de quelques poches de refuge ou de résistance dans les régions de forte tradition protestante, dont Le Chambon-sur-Lignon, village du Vivarais, est le symbole. Il s’agit surtout d’une une résistance civile et spirituelle au régime de Vichy, par le biais de nombreux réseaux. Les différents groupes d’études crées par André Philip, aboutiront à la création en février 1943 du « Comité Général d’Études », comprenant de nombreux protestants, réfléchissant aux problèmes juridiques, politiques et économiques qui se poseront à la Libération.

Hors de France, la proportion de protestants parmi les Forces Françaises Libres (FFL) et dans l’entourage du Général de Gaulle est importante : le Commissariat général était « un nid de protestants », si bien que la propagande de Vichy crut bon de diminuer le Général en prétendant qu’il était protestant ! Plusieurs personnalités ont un rôle essentiel, en particulier le pasteur/aumônier Frank Christol et l’ex-député André Philip. On citera également Pierre Denis, responsable des finances de la France libre, René Massigli occupa le poste de Commissaire aux Affaires étrangères dans le gouvernement provisoire, Maurice Couve de Murville qui, après le débarquement américain en Afrique du Nord, abandonne ses fonctions à Vichy et deviendra Commissaire aux finances dans le gouvernement provisoire.

Le nombre de protestants morts pour la France est difficile à évaluer, mais par exemple on estime qu’à Bir-Hakeim en juin 1942, bataille acharnée à l’issue de laquelle le Général Koenig repoussa l’Afrika Corps de Rommel, la proportion de protestants engagés dans les FFL (légionnaires, Océaniens, Africains) fut supérieure à la moyenne nationale. Plusieurs protestants ont été faits Compagnons de la Libération. Nombreux sont les protestants déportés dans les camps de concentration allemands.

La Libération

Lors de la Libération, de nombreux protestants font partie des nouvelles autorités administratives, et devant certains excès de l’épuration, beaucoup de pasteurs, anciens résistants, interviennent en faveur d’une justice moins expéditive.

L’attitude des protestants durant la Deuxième Guerre mondiale ne passa pas inapercue. Répondant, le 17 juin 1945, à un message que lui avait envoyé le Synode National de l’Église Réformée de France, Charles de Gaulle écrit que durant la guerre « le protestantisme français a su garder la claire vision de l’intérêt véritable et du devoir sacré de la patrie. Cette attitude était conforme à l’esprit d’indépendance, de résistance à l’oppression, de fidélité au drapeau, qui anime la tradition de vos églises ».

Source : Les protestants et la vie publique [Musée virtuel du protestantisme français]

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