Une demi-décennie de brassage d’idées par le Tea Party vient de faire son effet sur le Parti républicain des États-Unis d’Amérique. La toute nouvelle plateforme de l’une des formations politiques les plus puissantes au monde effectue un retour à la pensée constitutionnaliste des Pères Fondateurs. Les textes du préambule et du Bill of Rights de la Constitution fédérale américaine en première page introduisent ce thème avec force. Après, une section de six pages entièrement consacrée à l’objectif de la “restauration d’un gouvernement constitutionnel” pose un diagnostique juridique de l’état pitoyable dans lequel la république fédérale américaine se trouve aujourd’hui, et identifie le remède : Revenir aux racines de la pensée théologique d’où émergèrent les États-Unis, c’est-à-dire, au premier chef, une constitution écrite ferme comme pacte social conscient.
Beaucoup de gens l’ont oubliés aujourd’hui, mais les gouvernements civils ne sont rien d’autre des créatures de leurs constitutions respectives, en dehors desquelles ils n’ont pas d’existence légitime. Le respect des constitutions est la seule sauvegarde face à la gouvernance absolue et arbitraire. Ce rappel à l’ordre constitutionnel lacé par la Convention nationale républicaine tonne fort. À titre indicatif, le terme “constitution” figure à une soixantaine d’endroits dans cette plateforme de 2012, alors qu’on ne le retrouvait qu’une trentaine de fois dans la plateforme de 2008. Les références à “Dieu” reviennent à douze occurrences tandis qu’il y a quatre ans on en retrouvait à peine à deux endroits, ce qui témoigne sans doute de la dynamique religieuse du Tea Party.
Cela étant dit, cette dialectique du Tea Party — et maintenant de la Convention républicaine — comporte une faille. En martelant le respect de la légalité constitutionnelle, ils en sont venus à ériger ce texte (et ses auteurs) comme une sorte de summum de la réflexion duquel il serait inadmissible de diverger. Cela empêche la masse des militants de droite de voir plus loin (tant dans l’histoire que dans la profondeur doctrinale) et coupe la mouvance conservatrice de son riche et fécond héritage puritain du XVIe siècle. Rappelons le, le constitutionnalisme n’est nullement une invention des Pères Fondateurs de la fin du XVIIe, mais était déjà un acquis des huguenots français, des réformés néerlandais, covenantaires écossais, des parliamentarians anglais puis des Pères Pèlerins en Nouvelle-Angleterre quelque 150-200 ans plus tôt, comme en atteste l’abondante littérature légale de cette époque, doit voici une sélection…
- L’Instrument of Government, 1653 [Jus Politicum]
- L’Humble Petitition and Advice, 1657 [Jus Politicum]
- Les Fundamental Orders du Connecticut, 1639 [Jus Politicum]
- Scotland’s National Covenant, 1638 [Scribd]
- Déclaration d’Indépendance des Pays-Bas, 1581 [Scribd]
- First Charter of Virginia, 1606 [Yale University]
- Charter of Massachusetts Bay, 1629 [Yale University]
- Government of New Haven Colony, 1643 [Yale University]
Outre l’amnésie du Tea Party pour essentiellement toute l’histoire constitutionnelle pré-1787 et son adulation dépourvue de sens critique de l’actuelle Constitution fédérale américaine, une chose que le Tea Party ne semble pas avoir clarifié est dans quelle forme la Constitution a-t-elle autorité ? Ce document amendable précise par quelle procédure il peut être légalement amendé. Or cette procédure a plusieurs fois été violée, ce qui soulève la question de la validité légale de certaines portions ajoutées au texte. J’ai déjà souligné l’illégalité de la “clause d’exception” prohibant les prières dans les écoles publiques du pays ajoutée illicitement au Ier Amendement par la Cour suprême en 1962. Plus préoccupant encore est le XIVe Amendement. Il fut édicté par le Congrès fédéral en toute illégalité en 1868 (dans la foulée de la guerre d’agression du Nord contre le Sud et pendant la subséquente dictature militaire imposée par Washington sur le Sud).
Cet amendement interdit pratiquement aux États composant l’Union d’adopter une compréhension des droits civiques différente de celle décrétée par le bon vouloir du Fédéral. Au plan juridique, cela réduit les États sensément autonomes en de simples succursales du Fédéral désormais devenu tout-puissant. C’est avec ce XIVe Amendement que la judicature fédérale réprime systématiquement toute tentative entreprise dans les États fédérés pour sortir du présent carcan sur des enjeux tels que l’avortement ou le “mariage” gai, par exemple. Or au lieu de préconiser une restauration de la république originelle sous une Constitution de 1787, la récente plateforme républicaine prône d’en appeler au XIVe Amendement de 1868 afin de protéger le droit à la vie des enfants à naître. Comme si le système judiciaire fédéral allait emboîter le pas.
Toutes ces tergiversations sur la Constitution de 1787 sont vaines. Ce qu’il faut faire, c’est reconnaître la non-légitimité de cette Constitution fédérale issue d’un coup d’État et de retourner au puritanisme fondateur, comme le démontre Gary North dans son étude-enquête Conspiracy in Philadelphia dont voici une présentation vidéo :
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Davantage de suggestions de lecture en histoire du droit fédéral américain :
- Réponse de Francis August Schaeffer à Jean-Marc Berthoud [Revue Promesses]
- Les Articles de Confédération [Université Laval]
- The Truth about the Federalist Papers [American Vision]
- Bible Magistracy • An Examination of the Moral Character of the Civil and Political Arrangements of the United States [Reformed Presbyterian Church (Covenanted)]