La semaine dernière, nous avons vu comment le protestantisme — et notamment le calvinisme — progresse très rapidement en Chine. Nous avons aussi glissé un mot sur le retour en force du confucianisme qui est soutenu par l’État toujours officiellement communiste qui cherche à récupérer à son profit les notions confucéenne d’harmonie civique et d’obéissance aux divers pouvoirs établis. Il appert donc que le calvinisme et le confucianisme seront deux forces sociales majeures qui entreront bientôt en contact dans la prochaine première superpuissance (si cela n’a pas déjà commencé). Cela générera sans doute des frictions (comme la controverse à propos de l’édification d’une imposante église protestante dans la ville natale de Confucius, Qufu) et potentiellement certaines collaborations ou causes communes. Afin de permettre aux chrétiens francophones d’entrevoir comment ces deux systèmes de croyances pourraient interagir dans le futur, je rends disponible une étude comparative des théologies politiques du confucianisme et du calvinisme, qui est téléchargeable à cette adresse :
→ Comparaison des théologies politiques du confucianisme et du calvinisme [YouScribe]
J’y expose, sources académiques à l’appui, comment les confucéens et les calvinistes voient l’ordre juridique des collectivités humaines au regard de leurs principes spirituels respectifs.
Voici également le tableau schématique de cette comparaison :
COMPARAISON ENTRE CONFUCIANISME ET CALVINISME |
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DIFFÉRENCES |
CONFUCIANISME |
CALVINISME |
Concentrer ou diffuser le pouvoir ? | Pro-centralisation | Pro-décentralisation (principes de subsidiarité et de suppléance) |
Type de régime modèle | Monarchie absolue « éclairée » | République ou monarchie constitutionnelle |
Fonctionnement | Fonction publique méritocratique accessible à l’élite intellectuelle de l’aristocratie par un rigoureux système examinatoire | Gouvernement collégial à composantes électives |
Autorité terrestre suprême | Règne des « sages » | Primauté du droit |
En cas de dysfonctionnement… | Résistance quasi-illégitime | Résistance légitime |
RESSEMBLANCES |
CONFUCIANISME + CALVINISME |
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Caractéristiques des gouvernants | Gouvernance par des hommes compétents, excellemment éduqués et pieux plutôt que par des simples bien-nés | |
Justice économique | Accessibilité équitable aux leviers de création de richesse pour l’ensemble de la population sans sombrer dans le communisme | |
Légèreté de la taxation | Taxation limitée et non abusive ; cela ne fut pas respecté en Chine impériale confucéenne | |
Distinction homme-femme | La famille est un prototype de l’État, les sexes sont crées complémentaires et le rôle des femmes n’est pas en politique | |
Communautarisme | Société holiste, familialiste et moralement exigeante sans effacer les individus | |
Emphase sur l’état moral des gens | Favorise la régénération spirituelle et la droiture volontaire plutôt que la coercition répressive (mais ce faisant, l’objectif des calvinistes est de glorifier Dieu tandis que celui des confucéens est de perfectionner leur personne ad infinitum) |
Lire aussi : Les Instituts Confucius, un outil au cœur de la stratégie de Soft Power chinois sur Chine Conquérante.
THE CONFUCIANIZATION OF POLITICS
« The short-lived dictatorship of the Qin marked a brief triumph of Legalism. In the early years of the Western Han (206 BCE–25 CE), however, the Legalist practice of absolute power of the emperor, complete subjugation of the peripheral states to the central government, total uniformity of thought, and ruthless enforcement of law were replaced by the Daoist practice of reconciliation and noninterference. That practice is commonly known in history as the Huang-Lao method, referring to the art of rulership attributed to the Yellow Emperor (Huangdi) and the mysterious founder of Daoism, Laozi. Although a few Confucian thinkers, such as Lu Jia and Jia Yi, made important policy recommendations, Confucianism before the emergence of Dong Zhongshu (c. 179–c. 104 BCE) was not particularly influential. Nonetheless, the gradual Confucianization of Han politics began soon after the founding of the dynasty.
By the reign of Wudi (the “Martial Emperor”; 141–87 BCE), who inherited the task of consolidating power in the central Han court, Confucianism was deeply entrenched in the central bureaucracy. It was manifest in such practices as the clear separation of the court and the government, often under the leadership of a scholarly prime minister, the process of recruiting officials through the dual mechanism of recommendation and selection, the family-centred social structure, the agriculture-based economy, and the educational network. Confucian ideas were also firmly established in the legal system as ritual became increasingly important in governing behaviour, defining social relationships, and adjudicating civil disputes. Yet it was not until the prime minister Gongsun Hong (died 121 BCE) had persuaded Wudi to announce formally that the ru school alone would receive state sponsorship that Confucianism became an officially recognized imperial ideology and state cult.
As a result, Confucian Classics became the core curriculum for all levels of education. In 136 BCE Wudi set up at court five Erudites of the Five Classics and in 124 BCE assigned 50 official students to study with them, thus creating a de facto imperial university. By 50 BCE enrollment at the university had grown to an impressive 3,000, and by 1 ce a hundred students a year were entering government service through the examinations administered by the state. In short, those with a Confucian education began to staff the bureaucracy. In the year 58 all government schools were required to make sacrifices to Confucius, and in 175 the court had the approved version of the Classics, which had been determined by scholarly conferences and research groups under imperial auspices for several decades, carved on large stone tablets. (Those stelae, which were erected at the capital, are today well preserved in the museum of Xi’an.) That act of committing to permanence and to public display the content of the sacred scriptures symbolized the completion of the formation of the classical Confucian tradition. »
Source : Tu Weiming, ‹ Confucianism ›, Encyclopædia Britannica.
L’IDÉOLOGIE CONFUCIUS – DES HAN À XI JINPING
La Chine a essaimé, depuis 2004, 548 instituts Confucius dans le monde, fer de lance de sa propagande et de sa politique de soft power. Le grand sage est devenu un porte-drapeau commode du pays.
Né il y a deux mille cinq cents ans, Confucius reste pourtant largement méconnu. Sa pensée, fondée notamment sur la définition de l’homme de bien, constitue un humanisme. Mais c’est aussi une pensée politique au service d’un empire réunifié et stable.
Les dynasties chinoises successives se sont ainsi appuyées sur cette idéologie pour gouverner. Et c’est sur la connaissance des Classiques qui lui sont attribués qu’ont été recrutés, dès la dynastie des Han, les lettrés-fonctionnaires : les fameux mandarins.
Au début du XXème siècle, le confucianisme, assimilé à la sclérose du régime, a sombré peu à peu, avec les restes de l’empire. Manipulés par Mao, les gardes rouges de la Révolution culturelle en ont fait une cible privilégiée.
Aujourd’hui la Chine redécouvre les vertus d’un système qui conforte sa puissance et sa cohésion, sous une autorité unique, autour de valeurs ancestrales qui ne doivent rien à l’Occident.
Source et suite : Dossier ‹ L’idéologie Confucius ›, L’Histoire, N° 490, décembre 2021