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Posts Tagged ‘variantes textuelles’

Folio 38 recto du Papyrus 46, datant de 150-175 ap. J.-C. et conservé à la Bibliothèque Chester Beatty à Dublin en Irlande — Cette page porte la fin de l’Épître aux Hébreux (13:20-25) et le début de la 1ère Épître aux Corinthiens (1:1-3)

Au XIXème siècle, des biblistes comme Karl Lachman, Samuel Prideaux Tregelles, Konstantin von Tischendorf, Brooke Westcott, Fenton Hort, Benjamin Warfield et Eberhard Nestle postulèrent que dans le Nouveau Testament grec, lorsque les textes des manuscrits diffèrent entre eux, en chacun des ces passages (appelés lieux-variants), quand les codices Sinaïticus (01) et Vaticanus (B03) – et Alexandrinus (A02) dans les Actes & Épîtres & Apoc. – s’accordent entre eux mais divergent des manuscrits du texte-type byzantin, ces trois vieux onciaux (01, B03 et A02) correspondent automatiquement au texte original authentique.

Au XXème siècle, la découverte et/ou l’analyse des papyri grecs du N.T. datant des IIème et IIIème siècles nous ont amené à nuancer cette compréhension. Ces papyri primitifs, qui sont environ 150 à 250 ans plus anciens que les trois vieux onciaux, démontrent que l’« état du texte » du N.T. à l’époque où ces papyri furent copiés était plus diversifié qu’on le croyait précédemment. En effet, malgré que ces papyri corroborent très souvent 01, B03 et A02, ils corroborent aussi occasionnellement le texte-type byzantin, le texte-type occidental et le texte-type césaréen.

La thèse de Sturz : Égalité entre les textes-types

En 1984, le savant évangélique Harry Sturz – qui fut le directeur du Département de grec de l’Université Biola à La Miranda en Californie ainsi qu’un co-traducteur du N.T. de la New King James Version (NKJV, 1979) – publia l’ouvrage intitulé The Byzantine Text-Type and New Testament Textual Criticism, lequel fut réédité en 2022.

Dans ce livre, Sturz plaide que tous les texte-types du N.T. seraient d’une ancienneté comparable et qu’ils auraient donc tous une valeur ± équivalente. Pour étayer sa position, cet auteur a inclus dans ce livre une liste de « 150 variantes textuelles byzantines distinctives » corroborées par des papyri grecs du N.T., formant la Liste 1 des Appendices (p. 145-159).

L’argument que soutenait Sturz dans cette œuvre n’était pas que le texte-type byzantin/majoritaire correspond à l’unique texte original immaculé du Nouveau Testament à l’exclusion des trois autres textes-types, mais plutôt que « le texte byzantin devrait avoir le même poids, à côté des textes alexandrin et occidental, dans l’évaluation des preuves extérieures [c-à-d la comparaison des attestations dans les manuscrits] appuyant des variantes » (p. 130).

Quelques autres affirmations de ce bouquin méritent d’être citées afin de représenter fidèlement la portée que son auteur entendait lui donner :

« Plusieurs choses doivent être constatées concernant ces variantes distinctement byzantines trouvées dans les anciens papyri :
(1) Ces 150 variantes sont primitives. […]
(2) Ces variantes n’ont pas été créées au IVème siècle. […]
(3) Les vieux onciaux [01, B03 et A02] n’ont pas préservés le tableau complet du IIème siècle. […]
(4) Le texte-type byzantin a préservé des traditions [textuelles] n’ayant pas été préservées dans les autres textes-types. » (p. 62-64)

« Il y a davantage de différences qu’il n’y a d’accords entre les papyri [grecs du N.T.] et K [= Koinè = texte byzantin] aux endroits où il y a des variations. » (p. 67)

« [L]e texte byzantin devrait être considéré comme un témoin indépendant du texte du Nouveau Testament. Il ne s’agit pas de suggérer que le texte byzantin n’a subit aucun processus éditorial. […] Les variantes byzantines sont aussi anciennes que celles de n’importe quel autre texte-type. Les variantes byzantines remontent au IIème siècle. » (p. 101-102)

La thèse d’Harry Sturz, à savoir l’égalité des textes-types, est donc audacieuse, mais mesurée. Or malgré cette approche tempérée, les zélateurs du soi-disant texte reçu (TR — un dérivé du texte byzantin contaminé par des variantes venant de la Vulgate latine médiévale et par d’autres aléas de l’histoire) n’hésitent pas à l’instrumentaliser et à envoyer aux oubliettes tous les bémols que son auteur avait prudemment énoncés.

Récupération des papyri par le camp “TR-only”

Un cas emblématique de cette appropriation de la thèse modérée d’Harry Sturz par des militants pro-TR exclusivistes est la brochure La Parole que donna le Seigneur de la Société Biblique Trinitaire (SBT), qui s’adonne à interprétation très maximaliste des données rassemblées par Sturz :

« Les premiers papyrus témoignent d’un nombre phénoménal de variantes typiquement byzantines. On retrouve ces mêmes variantes dans P45 et P46 […] et dans P66 […]. Le professeur H.A. Sturz a dressé une liste de 150 variantes byzantines confirmées par des papyrus fort anciens. Cela prouve que contrairement à l’opinion des critiques textuels de la première génération [sic : l’opinion des meilleurs biblistes de la fin du XIXème siècle], les variantes byzantines remontent au deuxième siècle. […] De toute évidence, ce texte était considéré comme la version authentique, intacte, officielle. […] Il est naturel de se demander : ‹ D’une manière générale, quel type de texte fut cautionné et propagé par l’Église dès les premiers siècles ?La réponse est : le texte ‹ byzantin ›. […] Le professeur Sturz montre que certaines de ces variantes [byzantines] sont confirmées par les papyrus les plus anciens (par exemple, les variantes les plus étoffées de Jean 10:19 et 10:31 trouvent confirmation dans P66). » (Malcom Watts, La Parole que donna le Seigneur, SBT, 2012, p. 24, 26-27 et 30.)

Qu’en est-t-il de ces “150 variantes” ?

L’existence présumé de 150 variantes byzantines dans les papyri grecs du N.T. serait un argument vraiment très puissant en faveur du texte-type byzantin/majoritaire. Mais à la grande frustration du lecteur curieux de découvrir quelles sont ces fameuses 150 variantes, celles-ci ne sont pas traduites en langue vernaculaire là où elles sont listées en grec aux p. 145-159. Dans tout l’ouvrage, Sturz traduit uniquement une de ces variantes en anglais, à savoir celle de Luc 10:42 (« cependant une seule chose est nécessaire … », Bible de Genève de 1805), aux p. 57 et 86. Et dans tout son livre, Sturz ne discute que de cinq autres variantes byzantines attestées par les papyri : Marc 7:31, Luc 10:41 et Jean 11:19 (aux p. 56-58) ainsi que Jean 10:19 & 10:31 (à la p. 85).

Le fait que Sturz n’ait pas traduit davantage de ces « 150 variantes », et qu’aucun partisan du soi-disant texte reçu ou du texte majoritaire (𝕸) n’ait publié de traduction intégrale de ces 150 variantes nous autorise à penser que la plupart de celles-ci sont ou bien non-traduisibles, ou bien traduisibles mais insignifiantes (car triviales). Et si nous creusons un peu, nous voyons que cela s’avère exact.

Commençons par les « variantes les plus étoffées de Jean 10:19 et 10:31 » invoqués dans la brochure susmentionnée de la Société Biblique Trinitaire (p. 30) comme preuve ultime de l’antériorité du texte byzantin. Dans le Papyrus 66 (P66) et dans le texte byzantin, ces deux versets contiennent la même variante formée d’un seul terme : Le mot grec οὖν (oun) – qui se traduit le plus souvent en français par « donc » – y précède le mot grec πάλιν (palin), « encore ». Quoique traduisible, cette variante est grammaticalement insignifiante : Le sens de la phrase ne change pas si le vocable οὖν y est présent ou absent. Plutôt décevant pour une prétendue variante étoffée ! (Cf. Sturz, p. 84 ; Kurt Aland et al., Greek New Testament, Alliance Biblique Universelle, 1993 = UBS4, p. 360 n. 6 ; Robinson-Pierpont Byzantine Majority Text, 2000.)

Dans un compte rendu du livre de Sturz (JETS, Vol. 28, N° 2, 1985, p. 241), l’érudit pentecôtiste Gordon Fee a remarqué que dans les Évangiles uniquement, au moins 27 des ces « 150 variantes distinctives » ne sont pas véritablement distinctives parce qu’elles sont aussi attestées par des témoins du texte-type occidental. {J’ajouterai que d’autres de ces variantes supposément byzantines ne sont pas distinctives lorsqu’elles s’accordent avec une branche du texte alexandrin quand ce dernier est divisé en plusieurs branches, tel qu’en Luc 10:39 + 10:41.} Fee a également calculé que sur un total de 18 variantes où le Papyrus 75 (P75) corrobore le texte byzantin, 17 de ces variantes sont des trivialités, et parmi celles-ci, 9 ne sont même pas traduisibles en anglais ou en latin. La seule variante significative est celle de Luc 15:21, où P75 s’accorde avec 𝕸 en omettant la clause « traite-moi comme un de tes salariés » (NBSᵐᵍ) qui figure dans ℵ01 et B03 (où elle fut reproduite depuis le v. 19 pour harmoniser les deux versets).

Dans sa thèse doctorale Assimilation as a Criterion for the Establishment of the Text soutenue à l’Université de Théologie de l’Église reréformée des Pays-Bas à Kampen en Overijssel, Willem Wisselink analyse les données brutes fournies par Sturz (Éditions Kok, 1989, p. 32-34). En faisant un peu de ménage dans le celles-ci, il confirme l’existence de 52 variantes 𝕸 dans P45, 32 variantes 𝕸 dans P66, et 18 variantes 𝕸 dans P75. Ainsi, la liste de Sturz est donc réduite de 150 à 102 variantes. Wisselink reconnait qu’une proportion considérable des ces 102 variantes sont triviales, mais refuse de les écarter. Il clarifie aussi la notion de variante distinctive chez Sturz : le critère retenu par Sturz est distinctive selon Fenton Hort en 1881, pas distinctive en toute objectivité selon l’état actuel des connaissances.

Des études supplémentaires seraient nécessaires pour parvenir à chiffrer avec plus d’exactitude le nombre précis de variantes byzantines distinctives, traduisibles et significatives (non-triviales) attestées dans les papyri néotestamentaires grecs des IIème et IIIème siècles. En attendant, leur quantité peut provisoirement être estimée à environ une demie-douzaine. La section suivante se penche sur ces variantes rarissimes.

Exemples valables de variantes byzantines anciennes

Nous avons précédemment reconnu un alignement valable entre P75 et 𝕸 en Luc 15:21. Le document ci-dessous identifie quatre variantes distinctives byzantines additionnelles qui ont le mérite d’être traduisibles et non-triviales (Marc 7:31, Luc 10:42, Jean 11:19 et Philippiens 1:14). Pour chaque lieu-variant, ce document indique les principaux manuscrits attestant la variante byzantine, les principaux manuscrits attestant la variante non-byzantine, et reproduit les passages pertinents venant de traductions en français et en anglais qui reflètent chacune de ces variantes concurrentes. (On pourrait alléguer que les cas de Luc 10:42 et Jean 11:19 ne sont pas distinctement byzantins car ces textes coïncident avec celui des témoins du texte-type césaréen. Mais puisque l’on sait que ce texte-type césaréen n’existe plus sous forme pure et que tous ses manuscrits souffrent de divers degrés d’assimilation au texte-type byzantin, il est préférable de qualifier ces deux variantes de byzantines étant donné qu’elles ne sont pas non plus distinctement césaréennes.)

Ce document est aussi accessible sur Calaméo et en téléchargement direct ici.

Voici quelques exemples supplémentaires.

Exemple # 6 : En Matthieu 24:6, dans le Papyrus 70 (datant de l’an ≈ 250), le texte du manuscrit correspond au texte 𝕸 que l’on peut lire dans la Bible de Lausanne révisée (BLR 2022) : « … prenez garde que vous ne soyez troublés, car il faut que tout arrive, mais ce n’est pas encore la fin ». Ceci diffère des textes alexandrin, occidental et césaréen – ici représentés par les codices Sinaïticus (01), Vaticanus (B03), Bezæ (D05), Regius (L019), Koridethi (Θ038) et Colbertinus (Minuscule 33) – lesquels correspondent plutôt à ce que l’on peut lire dans la Nouvelle Bible Segond (NBS 2002) : « … gardez-vous de vous alarmer ; car cela doit arriver, mais ce n’est pas encore la fin ». Le mot grec « tout » (παντα) est présent dans le texte byzantin mais est absent des textes alexandrin, occidental et césaréen. (Quant au mot « cela », il n’est dans aucun des témoins grecs susmentionnés mais est inséré dans maintes traductions pour des fins de lisibilité ; les Bibles d’Ostervald de 1724 & 1996 font de même avec les mots « ces choses ».)

Exemple # 7 : En Apocalypse 11:19, le Papyrus 47 (datant de l’an ≈ 275) se lit « … l’arche de l’alliance du Seigneur … », ce qui correspond au texte 𝕸, tandis que le Papyrus 115 (datant de l’an ≈ 250) et les codices Alexandrinus (A02) et Ephraemi Rescriptus (C04) se lisent plutôt « … l’arche de son alliance … », ce qui correspond à la fois au texte standard (cf. Segond 21) et au texte reçu (cf. BLR).
(Philip Comfort, Commentary on the Manuscripts and Text of the N.T., Kregel Academic, 2015, p. 409-410 ; Robert Boyd, The Text-Critical English N.T. – Byzantine Text Version, Lulu Press, 2021, p. 484 ; Maurice Carrez, N.T. interlinéaire grec-français, Alliance Biblique Universelle, 1993, p. 1136.)

Conclusion : Bien apprécier les preuves

Pour conclure cette étude, je cède la plume à d’autres auteurs, qui résument la réalité historique mieux que je ne pourrais le faire.

« [I]l n’y a absolument aucun manuscrit byzantin primitif. […] Certes, il y a des variantes individuelles dans des manuscrits primitifs qui se retrouvent [aussi] dans le texte byzantin. Mais en conformité avec l’approche [pro-]byzantine consistant à regarder le texte comme un ensemble plutôt que comme des unités de variantes individuelles, [nous devons conclure que] il n’y a pas d’évidence dans les premiers siècles qui supporte [l’existence du] texte byzantin [en tant que texte-type systématisé]. » (Dirk Jongkind, Introduction to the Greek New Testament Produced at Tyndale House, Crossway Books, 2019, p. 96 et 98.)

« Certainement, des variantes byzantines sont attestées dans les premiers papyri. Mais s’agit-il d’une preuve de l’existence ancienne du texte-type byzantin, ou simplement d’une indication que certaines des tendances scribales reflétées dans les manuscrits byzantins [plus tardifs] eurent des débuts anciens ? Des papyri qui soutiennent des variantes singulières sont une chose, des papyri représentatifs du texte-type byzantin en sont une autre, et ces derniers n’ont pas été produits. » (Larry Hurtado, “The Byzantine Text-Type and New Testament Textual Criticism”, Catholic Biblical Quarterly, Vol. 48, N° 1, 1986, p. 150.)

« Certes, les papyrus les plus anciens présentent effectivement de fréquentes variantes du type caractéristique des sources manifestement byzantines. […] Mais nulle part on ne trouve la combinaison de variantes typique du texte byzantin. » (Heinrich von Siebenthal, “Nos traductions du N.T. ont-elles une base textuelle fiable ?”, Théologie évangélique, Vol. 2, N° 3, 2003, p. 233.)

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Cet article est une appréciation de la vidéo ci-dessous.

Je partage la croyance de messieurs Christian Khanda et Hugues Pierre dans l’importance primordiale de la doctrine de la préservation des Écritures Saintes, et je suis passionné par la transmission providentielle des oracles divins aux cours des millénaires de l’histoire de la Rédemption. Toutefois, j’estime que la thèse spécifique promue par ces deux internautes, à savoir que pour le N.T., seul le soi-disant “texte reçu” grec doive être considéré comme étant le texte inspiré correctement préservé, est intenable sur les plans théologique et historique. Pour cette raison, je vais répondre ci-dessous aux erreurs les plus sérieuses que j’ai constaté dans cette discussion (que j’ai écouté très attentivement).

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Tout d’abord, vers la minute 12:10, Hugues Pierre s’en prend à la critique textuelle, qu’il présente comme une pratique remontant au XIXème siècle. En réalité, la critique textuelle est aussi ancienne que l’existence de variantes textuelles entres différentes copies manuscrites puis tapuscrites du texte du N.T. Dès l’Antiquité chrétienne, des Pères de l’Église relatent l’existence de variantes et s’attèlent à la critique textuelle, discipline qui consiste à évaluer les variantes connues dans le but de déterminer celle qui correspond au texte révélé original. J’ai reproduit plusieurs définitions et descriptions de la critique textuelle du N.T. venant d’ouvrages académiques chrétiens ici (donc Hugues Pierre ne pourra pas plaider que j’invente une nouvelle définition juste pour les fins de mon propos) : Introduction à la critique textuelle du Nouveau Testament.

Hugues Pierre s’émeut de la notion de « restauration » du Texte Sacré qui est sous-jacente à la critique textuelle. Or si l’on détecte une erreur humaine dans la transmission du texte, que l’on identifie la variante correcte via une démarche de critique textuelle, puis que l’on corrige cette erreur en remplaçant la variante erronée par la variante correcte, cette rectification consiste indubitablement, pour ce lieu-variant, en une *restauration* du texte.

D’ailleurs, ces nouveaux zélateurs du “texte reçu” (TR) ont beau s’émouvoir du concept de *restauration* du texte néotestamentaire, les utilisateurs du TR s’adonnent volontiers depuis 500 ans à cet exercice de *restauration* ! Quelques exemples :

→ En Luc 2:22, Érasme suivi par la Bible de Genève française de 1553 disent « LEUR purification » ; puis Bèze éventuellement suivi par Ostervald *restaurent* (ou s’imaginent restaurer) le texte à « SA purification ».
→ En Luc 17:36, Érasme suivi par les Bibles réformées françaises de 1535, 1540 et 1553 omettent le verset en entier ; puis Bèze suivi par les versions TR ultérieures *restaurent* le verset en entier.
→ En Romains 12:11, Estienne suivi par les Bibles réformées françaises de 1535, 1540 et 1553 disent « servant AU TEMPS » ; puis Bèze suivi par les versions TR ultérieures *restaurent* ce texte à « servant LE SEIGNEUR ».

Démonstration faite : Les biblistes réformés du XVIème siècle n’hésitaient pas à (tenter de) *restaurer* le Texte Sacré en le purgeant de ses corruptions – réelles ou imaginaires – au moyen de la critique textuelle. C’est un fait historique irréfutable.

Vers la minute 16:20, puis encore à 46:05, 56:00 et 1:18:50, Christian Khanda plaide répétitivement que le texte reçu est *le* « texte protestant » et que les confessions de foi protestantes « sont basées sur le TR ». Khanda insiste surtout sur l’article 1:8 de la Confession de Westminster, qui énonce que l’A.T. et le N.T. furent « gardés purs, au long des siècles, par sa providence [de Dieu] et ses soins particuliers » (formulation identique dans la Déclaration de Savoy congrégationaliste de 1658 et la Confession réformée baptiste de 1689). Khanda essaie de capitaliser sur cette affirmation crédale très prudente pour faire accroire à ses auditeurs que le protestantisme réformé confessant est obligatoirement assujetti à sa thèse d’exclusivité du TR. Cette attitude émane d’une compréhension inadéquate de cette clause confessionnelle.

Sans m’attarder sur le fait que le TR est, historiquement, une coproduction de la Papauté idolâtre (!), je démontre dans mon étude Considérations sur l’orthodoxie réformée, la préservation des Écritures Saintes et la critique textuelle du N.T., plus précisément à la section 2 intitulée L’orthodoxie réformée ne requière pas d’adhérer à une traduction et à un texte-type spécifiques, que l’article 1:8 des Westminster / Savoy / 1689 ne peut pas être valablement instrumentalisé pour délégitimer tous les textes néotestamentaires grecs autres que le TR.

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À la minute 20:50, Christian Khanda fait allusion à la redécouverte du Codex Sinaïticus (oncial ℵ01) au milieu du XIXème siècle (mais sans l’identifier explicitement), puis généralise ensuite en alléguant que le peuple de Dieu n’a pas utilisé ces textes (ℵ01 et les autres anciens manuscrits des II-IVèmes siècles) de manière ininterrompue au fil des siècles. Monsieur Khanda mêle vraiment les cartes ici.

Pour commencer, qui est le « peuple de Dieu » ? À partir du IXème siècle, avec le triomphe définitif de la pseudo-orthodoxie (rétablissement durable de l’iconodoulie) dans l’Empire byzantin, l’Église grecque d’Orient devient quasiment aussi hérétique que l’Église catholique romaine (culte des saints = polythéisme, etc.).

Dans cet Orient hellénique, seul le clergé avait un contact direct & régulier avec la Bible… or ce contact n’était pas forcément reluisant. Il n’était pas rare pour les moines byzantins copiant ces Bibles grecques tardives d’y insérer une prière en postlude où ils remercient la Vierge Marie – comme une déesse – de les avoir aidés à copier le manuscrit ! C’est ça le « peuple de Dieu » selon Khanda ? Rappel : les vrais chrétiens sont monothéistes.

Ensuite, concernant l’utilisation effective des grands onciaux tels le Codex Sinaïticus (ℵ01), le Codex Vaticanus (B03) et le Codex Alexandrinus (A02), ce n’est pas parce que ces manuscrits n’étaient pas utilisé lors de leur redécouverte (ou leur revalorisation) aux XVII-XIXèmes siècles qu’ils n’ont jamais été utilisés ! Bien au contraire, ces codices furent tellement utilisés qu’ils tombent en lambeaux et même que plusieurs de leurs portions physiquement situées sur le dessus ou le dessous sont disparues depuis très longtemps à force d’usure. Ainsi, le Sinaïticus est usé à la corde : le 1er folio survivant commence à Genèse 21:26, et à vrai dire la majeure partie du texte précédant 1 Chroniques 9:27 est manquant. Et dans le Vaticanus, les folios portant l’original d’Hébreux 9:15 jusqu’à la fin du N.T. furent perdus avant même l’arrivée de ce manuscrit en Occident au milieu du XVème siècle. Donc ces Bibles ont amplement été utilisées.

La raison pour laquelle ces grands onciaux n’étaient pas en usage en Orient au moment où ils furent transportés en Occident (ou découverts en Orient par des protestants occidentaux) aux XV-XIXèmes siècles, c’est que plus personne sur la planète n’utilisait le script dans lequel ils furent écrits. Duh ! Ces Bibles grecques de l’Antiquité furent entièrement copiés en lettres onciales (majuscules arrondies). Or au VIIIème siècle, autant en Occident latin qu’en Orient grec, les lettres minuscules sont inventées. Ce nouveau script en minuscules remplace rapidement le vieux script en majuscules, et en quelques générations les documents écrits en majuscules sont délaissés parce que devenus désuets aux yeux des lecteurs désormais uniquement habitués à la graphie minuscule.

Monsieur Khanda devrait s’éduquer un peu sur l’histoire de la codicologie chrétienne et de la transmission du texte biblique avant de raconter des balivernes condamnatoires. En ce sens, l’analyse des variantes textuelles contenues dans les citations bibliques des écrits patristiques démontre que dès l’Antiquité, tous les quatre principaux textes-types étaient connus et utilisés dans l’Église chrétienne ; voir mon article L’origine géographique et chronologique des différents textes-types du N.T.

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À la minute 28:00, Hugues Pierre avance que le “texte reçu” est assimilable au texte majoritaire de l’Orient grec médiéval. C’est un argument pro-TR très à la mode, mais fallacieux. La vérité est plus complexe que ça. Le TR est une fabrication éclectique datant du XVIème siècle. En réalité, il existe plus d’un millier de variantes textuelles traduisibles entre le TR et le texte majoritaire byzantin ! Certes, en moyenne, le TR est comparativement plus proche du texte majoritaire que ne l’est le texte standard Nestle-Aland (le texte critique le plus répandu), mais on ne peut pas prendre pour acquis que le texte majoritaire va nécessairement s’aligner avec le TR contre le texte standard (qui est surtout basé sur le texte alexandrin), parce que dans plus de 85 cas, le texte majoritaire concorde avec le texte standard contre le TR ! Voir l’article Leçons du Nouveau Testament où le texte alexandrin concorde avec le texte majoritaire contre le texte reçu.

À la minute 24:00, Christian Khanda attaque la critique textuelle moderne du N.T. comme étant une méthode naturaliste, « la théorie de l’évolution appliquée à la Parole de Dieu », dit-il. Dans la même veine, à la minute 45:00, Hugues Pierre prétends que pendant 300 ans (grosso modo de 1500 à 1800), tout le monde était content avec le texte reçu grec. Ces deux assertions sont erronées.

La critique textuelle moderne de la Bible n’est que le prolongement de la critique textuelle humaniste (pas dans le sens laïciste du terme) et réformationnelle amorcé au XVIème siècle. Dès les premières itérations du TR, plein d’érudits – protestants comme catholiques – étaient conscients des lacunes et des faiblesses de ce texte, c’est pourquoi ils n’hésitèrent pas à le modifier ou à préconiser sa rectification (comme par exemple Théodore de Bèze qui argumente contre l’authenticité de la péricope de la femme adultère dans son édition du TR de 1598).

Mais l’état précoce et fragmentaire de la connaissance des manuscrits grecs du N.T. au début du XVIème siècle fit en sorte que l’entreprise colossale consistant à répertorier et collationner ces manuscrits dispersés à travers l’Europe et l’Asie a nécessité ± 300 ans. Donc c’est tout à fait normal, vu cette progression graduelle des connaissances, que ce n’est qu’au XIXème siècle que l’on put produire un texte standard grec apte à remplacer le TR.

Des chrétiens dévoués participèrent à tout ce long processus, comme je l’explique dans la section La critique textuelle est un vecteur de la providence rédemptrice de Dieu de mon étude Considérations sur l’orthodoxie réformée et la préservation des Écritures Saintes (section 4).

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Vers la minute 57:05, Christian Khanda évoque la variante trinitaire « Dieu le Fils unique » du texte critique (TC) en Jean 1:18, lieu-variant ou le texte reçu porte la variante non-trinitaire « le Fils unique engendré ». Khanda essaie de sauver la réputation de cette variante non-trinitaire du TR en arguant que c’est plutôt le TC qui serait jéhoviste ici. Hugues Pierre s’efforce de lui prêter main forte dans les minutes subséquentes.

Durant l’Antiquité chrétienne, beaucoup de Pères de l’Église utilisèrent des Bibles attestant cette variante « Dieu le Fils unique » du TC en Jean 1:18 – comme les papyri P66 (copié en l’an ≈150) & P75 (copié en l’an ≈175) ou la Peshitta araméenne – et citèrent explicitement cette variante trinitaire dans leurs écrits :
• Irénée de Lyon dans ‹Contre les hérésies› (§ 4:20:11).
• Clément d’Alexandrie dans ‹Stromates› (§ 5:12).
• Origène d’Alexandrie dans ‹Commentaire du Jean› (§ 2:29) et dans ‹Contre Celse› (§ 2:71).
• Eusèbe de Césarée dans ‹Théologie ecclésiastique› (§ 3:7).
• Basile de Césarée-en-Cappadoce dans ‹Sur le Saint-Esprit› (§ 6:15, 8:17, 8:19 et 11:27).
• Didyme l’Aveugle dans ‹Commentaire sur Zacharie› (§ 5:33) et dans ‹Commentaire sur Ecclésiaste› (§ 12:5).
• Épiphane de Salamine dans ‹Ancoratus› (§ 2:5 et 3:9) et dans ‹Panarion› (§ 612 et 817).
• Sérapion de Thmuis dans ‹Contre les manichéens› (p. 639).
• Cyrille d’Alexandrie dans ‹Commentaire sur Jean› (§ 1:10), dans ‹Contre Nestorius› (§ 3:2 et 5:2), dans ‹Le Christ est un› (non numéroté) et dans ‹Thesaurus de sancta et consubstantiali trinitate› (§ 35 ss).

Alors, doit-on conclure du raisonnement de messieurs Khanda et Pierre que les sommités patristiques qui nous ont légués la trinitariologie orthodoxe – tels Basile de Césarée et Cyrille d’Alexandrie – étaient des précurseurs des jéhovistes modernes ?! C’est complètement ridicule. Et Jean 1:18 n’est pas le seul lieu-variant où le texte critique / standard enseigne une christologie supérieure à celle du texte reçu. Y’en a plein d’autres, voyez ces tableaux comparatifs : La christologie des Bibles basées sur le texte standard n’a rien à envier à celle des Bibles basées sur le texte reçu.

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À la minute 1:02:15, Hugues Pierre feint d’adresser le problème des variantes textuelles internes du TR. Malgré qu’il reconnaît que ces variantes existent, il esquive le fait que ces variantes intra-TR obligent les tenants du TR à effectuer de la critique textuelle (s’ils veulent départager les bonnes variantes des mauvaises variantes). Pierre préfère revenir à la charge avec son « objection de principe » au texte critique, à savoir que ce TC présupposerait que « le texte biblique a été perdu, corrompu, et détruit ».

Or cette pirouette rhétorique ne fonctionne pas, car les tenants du TC disent que le texte biblique fut corrompu puis fut rétabli UNIQUEMENT LÀ OÙ IL Y A DES VARIANTES (c’est-à-dire environ 5 à 10 % maximum du texte du N.T.). On revient donc aux variantes !

Dans la suite immédiate de l’entretien, Hugues Pierre expose sa distinction entre un « texte fermé » (le TR selon lui) et un « texte ouvert » (le TC selon lui). Le TC, puisqu’il serait toujours susceptible d’être amélioré dans le futur, serait coupable de « régression à l’infini », il serait modifiable sans aucun garde-fou et sans aucune limite.

C’est une fausse représentation. Loin de menacer la stabilité du texte, les découvertes archéologiques, muséologiques ou archivistiques de « nouveaux » manuscrits néotestamentaires sont toujours appréciées à la lumière de l’immense bagage de connaissances portant sur la masse des 6000+ manuscrits grecs déjà en notre possession. C’est pour ça que le texte standard Nestle-Aland a très peu changé depuis sa 1ère incorporation substantielle de l’apport des papyri dans l’UBS3 (1975) / NA26 (1979).

Nous sommes en bon droit de demander aux zélateurs du TR pourquoi c’était légitime de modifier le TR de 1516 (1ère éd. d’Érasme promue par le pape de Rome) jusqu’en 1881 (éd. de Scrivener promue par la Société biblique trinitaire), mais ça ne serait pas légitime de réformer le TC entre 1975 et 2026 (date prévue de parution du NA29) ? En vertu de quoi devrions-nous nous astreindre à cette braquette temporelle arbitraire imposée par les zélateurs du TR ?

En attendant qu’ils répondent à cela, il est instructif d’explorer les contradictions internes du TR, ce que je propose au lecteur de faire via cet article : Le “texte reçu” versus le “texte reçu” : Un survol des variantes internes au TR.

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Début de l’Évangile selon Marc (folio 70 verso) dans le Codex Regius (L019), un manuscrit grec en écriture onciale datant de c. 750 et conservé à la Bibliothèque nationale de France

Folio 113 recto de L019 montrant la finale courte de l’Évangile selon Marc (au milieu de la colonne de droite) — Cet oncial en parchemin est le plus ancien manuscrit grec attestant cette variante textuelle

Le tableau suivant présente, sur une seule page au format légal, les différents textes des quatre façons dont l’Évangile selon Marc se termine dans les manuscrits répertoriés du Nouveau Testament, ainsi que l’indication des témoins textuels leurs correspondant (manuscrits ou groupes de manuscrits et références aux citations patristiques).

Ce tableau peut aussi être consulté sur Calaméo et est accessible en téléchargement direct ici.

Dans l’article ci-dessous, je vais d’abord fournir quelques explications sur ce tableau en tant que tel. Ensuite, je vais faire une appréciation comparative des quatre finales « concurrentes » de Marc 16. J’enchaînerai en évoquant quelques solutions potentielles ayant été proposées par les érudits. Enfin, j’argumenterai en faveur de la solution que je préconise. Je suggère fortement au lecteur de prendre le temps de consulter le tableau afin de se familiariser avec le texte des différentes finales avant de lire l’article.

Explications sur le tableau

Quelques observations sur le tableau lui-même :

  • Parmi les témoins textuels, pour identifier les manuscrits, j’utilise bien entendu les sigles ou numéros conventionnels reconnus dans le domaine de la critique textuelle. Pour les manuscrits moins bien connus n’entrant pas dans cette numérotation standardisée, j’utilise les abréviations qui leur sont attribuées par leur lieu de conservation (musée / bibliothèque / centre d’archives) ou encore leur appellation non-technique (telle que vieille-syriaque sinaïtique).
  • Concernant la finale très courte (fin de Marc 16 au v. 8 inclusivement) : Les seules traductions protestantes françaises ayant eu l’audace de s’en tenir à cette variante sont Albert Rilliet 1858 et Edmond Stapfer 1889, d’où l’inclusion de ces vieilles versions méconnues dans ce tableau. Au niveau des témoins textuels patristiques, précisions qu’Eusèbe de Césarée et Jérôme de Stridon ne pensaient pas que cette finale très courte était « la bonne » (Eusèbe estimait que la très courte et la longue étaient également valables et Jérôme favorisait la longue). Néanmoins, ils attestent tous deux que dans la 1ère moitié du IVème siècle puis encore dans la 2nde moitié de ce IVème siècle (respectivement), la plupart des manuscrits grecs de l’Évangile selon Marc n’avaient pas la finale longue — ce qui est très significatif !
  • Concernant la finale courte : Aucune Bible française ou anglaise ne l’a retenue comme finale unique ou principale de Marc. Cependant, un nombre croissant de traductions dans ces deux langues l’incluent soit dans le corps du texte mais avant ou après la finale longue (NBS, NTI, LSB), soit en texte marginal (Semeurᵐᵍ, Segond 21ᵐᵍ, TOBᵐᵍ, ESVᵐᵍ, NETᵐᵍ, CSBᵐᵍ, etc.).
  • Concernant la finale longue : J’ai privilégié une traduction basée sur le soi-disant texte reçu car aujourd’hui les principaux défenseurs de cette variante sont les partisans du dit texte reçu. J’ai pris le texte de la Bible de Lausanne révisée (BLR 2022) parce que dans ce passage, elle suit le texte grec plus près que les diverses Ostervald en circulation.
  • Concernant la finale très longue, le blogueur évangélique James Snapp prétends (ici et ici) qu’il ne s’agit pas d’une variante distincte, mais d’une sous-variante de la finale longue (puisqu’elle s’y insère entre les v. 14 et 15). Or si ce raisonnement devait prévaloir, il ne faudrait pas non plus catégoriser la finale courte et la finale longue comme des variantes autonomes, mais plutôt comme des sous-variantes de la finale très courte (puisqu’elles s’insèrent après le v. 8). Ce faisant, nous n’aurions ici qu’une seule pseudo-variante se déclinant en plusieurs sous-variantes, ce qui serait absurde. Il est donc plus adéquat de considérer la finale très longue comme étant une variante en elle-même.

Appréciation comparative des quatre finales

Entrons maintenant dans le vif du sujet : Quelques observations historiques et théologiques sur les finales de Marc :

  • D’emblée, reconnaissons que les trois premières variantes (la finale très courte, la finale courte et la finale longue) existaient toutes dès le IIème siècle ! Force est de constater que sur le plan de l’ancienneté prouvable, ces trois finales obtiennent toutes un pointage ex æquo.
  • La 4ème variante, c’est-à-dire la finale très longue, est comparativement très tardive en plus d’être théologiquement loufoque (on peut aisément y déceler la mentalité gnostique). Par conséquent, nous devons l’écarter ; la confrontation doit donc avoir lieu entre les trois autres finales.
  • La finale très courte est problématique parce qu’en terminant le récit avec « elles ne dirent rien à personne » (Mc 16:8), cette finale contredit de manière frontale les autres trois autres comptes rendus évangéliques (qui eux sont tous très bien attestés par les témoins textuels) : « Elles coururent porter la nouvelle aux disciples » (Mt 28:8, S21) ; « Elles annoncèrent tout cela aux onze et à tous les autres. 10 Celles qui racontèrent cela aux apôtres … » (Luc 24:9-10, S21) ; « Elles sont venues dire que des anges leur sont apparus et ont annoncé qu’il est vivant. 24 … ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit … » (Luc 24:23-24, S21) ; « Elle courut trouver Simon Pierre et l’autre disciple que Jésus aimait et leur dit : … » (Jn 20:2, S21) ; « Marie de Magdala alla annoncer aux disciples qu’elle avait vu le Seigneur … » (Jn 20:18, S21).
  • D’ailleurs, cette contradiction criante entre la finale très courte de Mc 16:8 et les trois autres Évangiles n’a pas échappé au copiste du manuscrit vieux-latin Codex Bobbiensis (VL 1 / itᴷ, c. l’an 400) – ou au copiste du manuscrit antérieur (un papyrus datant de c. 230) – qu’il copia, car un copiste dans la chaîne de transmission de cet évangéliaire supprima cette dernière clause de Mc 16:8 (« elles ne dirent rien à personne car elles étaient effrayées ») avant d’enchaîner directement avec la finale courte (« elles annoncèrent brièvement à l’entourage de Pierre tout ce qui leur avait été ordonné … »).
  • La finale courte est aussi problématique. Sur le plan de la théologie et de la narration, elle est impeccable (c’est pourquoi c’est ma préférée), mais le fait qu’il n’existe pas un seul manuscrit grec qui porte *exclusivement* cette finale et que pas un seul Père de l’Église ne la cite doit nous dissuader de la considérer comme étant le texte original, authentique et inspiré.
  • La finale longue est encore plus problématique que la précédente à cause de son contenu saugrenu. Comme l’explique Anthony Etheve sur QQLV : « Certains contenus des versets 9-20 sont uniques et/ou posent problème dans l’esprit des analystes. Les versets 17-18 disent : ‹ Ils saisiront des serpents… ils boiront un poison mortel… ›. Ce passage a été utilisé pour justifier certaines pratiques extrêmes dans certaines Églises [pentecôtistes ou charismatiques] (manipulation de serpents, etc.). Ces signes ne sont pas mentionnés ailleurs dans les Évangiles comme promesses générales faites à tous les croyants ».

Quelques solutions proposées

  • Dans une note d’étude de la Bible anglaise NET, Daniel Wallace plaide en faveur de la finale très courte en arguant que cette fin abrupte et « ouverte » serait un mécanisme littéraire visant à interpeller le lecteur pour le pousser à entrer dans le récit et à accepter l’Évangile (New English Translation – Full Notes Edition, Biblical Studies Press, 2019, p. 1894). En toute franchise, et malgré le respect que j’ai pour Wallace (qui est loin d’être le seul à prôner cette approche), cette tentative de solution est fantaisiste et absurde ; elle ne résout pas la contradiction flagrante avec les trois autres Évangiles.
  • D’autres tenants de la finale très courte font valoir que cette fin de récit abrupte ne serait pas inusitée chez l’évangéliste Marc, mais qu’il s’agirait au contraire d’un élément « normal » et « habituel » de son style. Ils font remarquer que Marc terminerait aussi des unités textuelles de manière abrupte en Mc 5:20 ; 6:6 ; 12:12 ; 12:17 ; 14:72. Cependant, même si cet argument linguistique devait être admis, il ne résoudrait pas le problème persistant de la contradiction stricte avec les trois autres Évangiles.
  • En prenant en considération : {1} Qu’aucune des quatre finales ayant survécu à l’épreuve du temps ne doit être considérée comme authentique ; {2} Que la doctrine de la préservation providentielle des Écritures Saintes enseigne que toute révélation divine à laquelle Dieu confère un statut scriptural demeurera préservée par Dieu ; Je pense que la position la plus solide – sur les plans historique et théologique – est d’affirmer que : {3} Dieu décréta souverainement que la finale originale de Marc 16 ne serait pas préservée en tant qu’Écriture Sainte dans le texte biblique canonique ; {4} Le contenu de la finale originale de Marc fut néanmoins préservé en substance via sa réutilisation (divinement inspirée) par l’évangéliste Matthieu pour la composition de son Évangile (voir Mt 28:9-20).

Articuler perte et préservation

La proposition que la finale authentique de Marc fut perdue très tôt dans la transmission de cet écrit mais que le contenu de cette finale originale ait néanmoins été préservé via son utilisation (avant disparition) par Matthieu dans son Évangile peut paraître surprenante pour les croyants ayant une compréhension magico-mystique de la préservation biblique. Toutefois, la doctrine de la préservation providentielle du Texte Sacré ne s’applique qu’à ce qui est effectivement préservé !

Donc la non-préservation d’une portion de texte – fut-elle rédigée par un proche collaborateur des apôtres (Marc) – n’étant pas prédestinée à être préservée n’est pas une entorse à cette importante doctrine. Après tout, Jésus-Christ, la Parole de Dieu incarnée, a fait & enseigné plein de choses qui n’ont pas été préservées dans les Saintes Écritures (Jean 20:30 ; 21:25), de même que le prophète Jean-Baptiste (Luc 3:18) et que l’apôtre Pierre (Actes 2:40) — pourtant tous deux inspirés par le Saint-Esprit. Ne soyons donc pas scandalisés là où il n’y a pas matière à scandale.

Pour étayer cette thèse de la perte de la conclusion originale de Marc 16 combinée à sa préservation dans Matthieu 28, voici – dans les deux prochaines sections – une sélection d’extraits d’études académiques qui dressent un portrait vraisemblable des circonstances historiques entourant cette disparition puis qui expliquent pourquoi la substance de l’original perdu fut très probablement préservé en Matthieu 28. Les extraits venant de sources anglaises ont été traduits par mes soins.

Comment cette perte est-elle survenue ?

Dixit l’érudit anglican Burnett Hillman Streeter (doyen d’exégèse des Saintes Écritures à l’Université d’Oxford en 1932 & 1933 puis Prévôt du Queen’s College de cette même institution de 1933 à 1937) :
« Il n’est pas difficile de supposer que la copie originale de l’Évangile de Marc, qui fut écrit pour l’Église de Rome vers l’an 65 [ou plutôt avant l’an 62], perdit presque immédiatement sa conclusion. Les deux extrémités d’un rouleau sont toujours les plus exposées aux dommages ; le début encourt le plus grand risque, mais, dans un livre roulé par les deux extrémités, la conclusion n’est pas à l’abri. Dans le cas de Marc, il est inutile de spéculer sur la manière dont le dommage se produisit. À Rome, à l’époque de Néron, les chrétiens et leurs biens étaient victimes de divers ‹ accidents ›. L’auteur de l’Épître aux Hébreux, s’adressant à l’Église romaine, fait allusion à sa patiente endurance face à la ‹ spoliation de leurs biens › [Hé 10:34]. Il est tout à fait crédible que la petite bibliothèque de l’Église, conservée dans la maison d’un adhérent important, ait souffert d’un ‹ pogrom ›. » (The Four Gospels : A Study of Origins, MacMillan & Co., 1953, p. 338.)

Dixit l’érudit protestant Philip Wesley Comfort (professeur de grec et de N.T. dans plusieurs institutions d’enseignement supérieur en Illinois et en Caroline du Sud dans les décennies 1980 à 2010 ; éditeur en chef des ouvrages de références bibliques chez Tyndale House Publishers de 1984 à 2017 ; membre de l’équipe du International Greek New Testament Project (IGNTP) de ≈1990 à ≈2000 ; co-traducteur du N.T. de la New Living Translation (NLT) paru en 1996) :
« Dans l’Évangile de Marc, un paradigme est établi selon lequel chacune des prophéties de Jésus s’accomplit véritablement sous forme narrative. […] Ainsi, puisque Jésus avait annoncé qu’il verrait ses disciples en Galilée (14:28), la narration aurait dû dépeindre une apparition concrète de Christ ressuscité à ses disciples en Galilée.

Mais puisqu’il n’y a pas de tel compte rendu (même dans les additions [c-à-d les finales courte, longue et très longue]), plusieurs lecteurs pensent qu’une finale plus étendue fut perdue dans la transmission primitive de l’Évangile de Marc — probablement parce qu’elle était écrite sur la dernière page d’un codex en papyrus et fut arraché du reste du manuscrit. (Bien que Marc ait originalement été écrit sur un rouleau, lequel aurait préservé la dernière section roulé à l’intérieur, des copies de Marc en forme de codex auraient été utilisées dès la fin du Ier siècle ; voir Comfort, Encountering the Manuscripts, p. 27-40). Dans les deux scénarios, Marc 16 aurait été la dernière feuille. […] Ainsi imaginée, cette finale de Marc doit avoir été perdue très tôt après la composition de cet Évangile. […]

Après cela [c-à-d après 16:8], la narration de Marc aurait continué de relater, en toute vraisemblance, que Jésus apparut aux femmes (comme dans Matthieu et Jean), et que ces femmes – n’ayant plus peur – allèrent alors dire aux disciples ce qu’elles avaient vu. Cela aurait probablement été suivi par Jésus apparaissant à ses disciples à Jérusalem et en Galilée. C’est ça le modèle basique qui se trouve dans les autres Évangiles. Et puisque Marc fut probablement utilisé par les autres écrivains-évangélistes, la raison dicte que leur modèle narratif reflète l’œuvre originale de Marc. » (Commentary on Textual Additions to the New Testament, Kregel Academic, 2017, p. 57-58.)

De deux choses l’une : Soit l’original ou l’archétype de l’Évangile selon Marc fut écrit sur un rouleau de papyrus roulé par les deux bouts et le bout contenant Marc 16 fut endommagé (comme le suggère Streeter), soit l’original fut transcrit sur l’archétype en format de codex et la dernière page de ce codex contenant Marc 16 fut déchirée (comme l’envisage Comfort).

Ce qui est certain, c’est que cette perte accidentelle de la finale originale a dû survenir après que l’Évangile selon Marc ait été suffisamment distribué pour être utilisé par les évangélistes Matthieu et Luc (et peut-être aussi Jean), mais avant que cet Évangile soit suffisamment diffusé dans l’Église universelle pour que sa finale originale puisse survivre directement dans celui-ci.

L’Évangile selon Marc ayant été composé à Rome vers 60-61, l’Évangile selon Matthieu à Antioche vers 64-69, l’Évangile selon Luc à Rome vers 63, et l’Évangile selon Jean à Éphèse vers 65, la réunion de ces conditions ne fut sûrement pas très difficile, surtout si l’on considère que l’évangéliste Luc était natif d’Antioche et qu’Éphèse est à mi-chemin entre Antioche et Rome.

(Pour la datation et la géolocalisation ci-dessus, voir Collectif, Bible d’étude de la foi réformée, Éditions La Rochelle, 2024, p. 1810, 1874, 1922 et 2058 ; Daniel Wallace, “The Gospel of John”, Bible.org, 28 juillet 2004 ; Id., “John 5:2 and the Date of the Fourth Gospel”, Biblica, 71:2, 1990, p. 177-205.)

Certains chrétiens modernes pourraient être étonnés que l’Église primitive n’ait pas – dès la rédaction de l’Évangile selon Marc – immédiatement organisé un système de copiage ± industriel assurant la production massive standardisée de copies de cet écrit inspiré de manière à rendre impossible toute disparition d’un quelconque morceau de celui-ci. Une telle attente serait hélas naïve et anachronique. Outre le fait que la majorité des premiers chrétiens aurait été, à l’instar de leurs contemporains païens, illettrés, il faut savoir que la production livresque était extrêmement dispendieuse dans l’Antiquité gréco-romaine. Ainsi, on évalue que la production d’une seule copie manuscrite de 1 Corinthiens aurait coûté l’équivalent moderne de 2100 $ américains (ou 2875 $ canadiens ≃ 1850 €). Marc étant à peu près le double de la grosseur de 1 Corinthiens (11 300 mots grecs vs 6800 mots grecs), un seul manuscrit de Marc aurait coûté environ 5750 $ canadiens (ou 3700 €) ! Il existait donc des limitations économiques sérieuses à la copie systématique des écrits émanant des cercles apostoliques. Plus tôt on se situe dans le temps, plus modestes auraient été les ressources financières des communautés chrétiennes naissantes.

Marc 16 fut préservé par Matthieu 28 !

Dixit l’érudit baptiste Henri Blocher (doyen de la FLTÉ de Vaux-sur-Seine de 1986 à 1996 et professeur de théologie systématique à l’Institut Biblique de Nogent-sur-Marne de 1961 à 2016) :
« Comme le v. 8 finit très abruptement dans l’original […], plusieurs savants supposent qu’il y avait une suite qui s’est perdue, par détérioration du manuscrit qui contenait le texte original complet. […] Si cette hypothèse est exacte, il faut lire le texte de Marc comme interrompu accidentellement au v. 8. Il racontait peut-être comment les femmes n’ayant rien dit en chemin ont averti les disciples, etc. » (“L’accord des Évangiles et la résurrection (1)”, Évangile 21, 6 septembre 2021.)

Dixit l’érudit épiscopalien Peter Rodgers (professeur de N.T. au Fuller Theological Seminary à Sacramento en Californie) :
« Parmi les théories concernant la fin de l’Évangile de Marc, l’une d’entre elles propose qu’une dernière page ait été perdue au début de sa transmission. Cet article présente des preuves à l’appui de cette théorie. Matthieu semble suivre Marc de près jusqu’en 16:8, où notre Marc authentique s’arrête brusquement. On peut s’attendre à ce qu’il le fasse [c-à-d qu’il continue de suivre Marc] s’il a accès à la fin plus longue de Marc [c-à-d la portion authentique aujourd’hui perdue]. [P]lusieurs particularités du style de Marc […] apparaissent dans Matthieu 28:9-20. Celles-ci indiquent que Matthieu a suivi Marc lorsqu’il a remodelé l’Évangile à sa manière, mais que des traces distinctives de Marc ont survécu. » (“Mark’s Longer Ending”, Filología Neotestamentaria, 34:54, 2021, p. 99.)

Dixit l’érudit baptiste Edgar Goodspeed (professeur de grec à l’Université de Chicago de 1898 à 1937 où il fut aussi Président du Département d’études néotestamentaires et de littérature chrétienne antique dès 1923 ; co-traducteur du N.T. de la Revised Standard Version (RSV) paru en 1946) :
« Un bref récit, au minimum, de l’apparition de Jésus ressuscité à ses disciples en Galilée, tel qu’il a été expressément promis (16:7), est nécessaire à toute forme de complétude [de l’Évangile selon Marc], et il semble à tout point de vue naturel de supposer que le texte de Marc comprenait à l’origine une telle terminaison. […]

Matthieu […] a absorbé substantiellement tout ce que Marc comportait — avant 16:8, bien sûr. On peut raisonnablement s’attendre à ce que ce que Marc avait à l’origine après 16:8 apparaisse dans Matthieu, non pas entièrement dépourvu des enrichissements caractéristiques du premier Évangile, mais en aucun cas transformé au point d’être méconnaissable. […]

Dans la partie de Matthieu subséquente à son parallèle avec Marc 16:8, nous devons donc d’abord, et avec un grand espoir, chercher des traces de la conclusion originale de Marc. […] Cette partie de Matthieu est courte et simple. Marc 16:1-8 est parallèle à Matthieu 28:1-8, et ce qui reste dans Matthieu (28:9-20) ne présente que trois éléments. Le premier est l’apparition aux femmes (28:9-10) ; le deuxième [est] le soudoiement de la garde (28:11-15) ; le troisième [est] l’apparition de Jésus aux disciples en Galilée (28:16-20). Lequel de ces passages, s’il en est, peut avoir figuré dans la conclusion originale de Marc ?

Le premier [élément] d’entre eux se combine à Marc 16:8 d’une manière qui ne laisse rien à désirer : ‹ Elles sortirent du tombeau et s’enfuirent tremblantes et stupéfaites. Et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. › [Marc 16:8, NBS] ‹ Mais Jésus vint au-devant d’elles et leur dit : “Bonjour !” Elles s’approchèrent et lui saisirent les pieds en se prosternant devant lui. 10 Alors Jésus leur dit : “N’ayez pas peur ; allez dire à mes frères de se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront.” › [Matthieu 16:9-10, NBS]

Un tel récit a dû suivre le ‹ car elles avaient peur › de Marc 16:8 ; le ‹ n’ayez pas peur › de Matt. 28:9 correspond assez bien au ‹ avec crainte › de Matt. 28:8, mais [correspond] encore mieux avec le ‹ car elles avaient peur › de Marc 16:8. […] Matthieu ne peut avoir eu aucune [autre] source dans laquelle ses neuvième et dixième versets se trouvaient dans un cadre plus naturel – voire inévitable – que celui fourni par Marc. Ils sont précisément une continuation telle que la fin actuelle de Marc [aux v. 7-8] l’exige explicitement.

Le deuxième élément [v. 11-15] de cette dernière partie de Matthieu – le soudoiement de la garde – est d’une nature très différente. Non seulement il ne s’articule pas étroitement et naturellement avec le récit de Marc, mais il défie même tout effort en ce sens. Il s’agit simplement de la suite d’un incident déjà relaté par Matthieu, la mise en place de la garde (27:62-66). La familiarité avec [le début de] cet incident est nécessaire à la compréhension de [la suite de] celui-ci, et Marc, n’ayant pas le premier, n’avait sans doute pas non plus connu le second. […] Le second ne peut pas avoir été présent dans Marc sans le premier, et le premier est absent.

Le troisième et dernier élément de la conclusion de Matthieu est le récit de l’apparition de Jésus en Galilée (28:16-20). L’évangéliste l’a-t-il tiré de Marc ? Il est clair que le v. 16, le départ des onze vers la Galilée, suit facilement et naturellement le v. 10, où l’ordre de ce faire leur est donné : ‹ Allez dire à mes frères de se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront. › [Mt 28:10, NBS] ‹ Les onze disciples allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus avait désignée. › [Mt 28:16, NBS] Si ces paroles de Jésus aux femmes figuraient jadis dans Marc, cette apparition en Galilée y figurait probablement aussi. [Cette] apparition galiléenne s’authentifie comme un matériau d’origine marcaine. C’est précisément cette apparition galiléenne qui avait été prédite par le jeune homme au tombeau (Marc 16:7).

La narration de Marc, lorsqu’elle s’interrompt à 16:8, ne demande évidemment que deux choses pour être complétée : le réconfort des femmes [+ le témoignage des femmes réconfortées aux autres disciples] et la réapparition de Jésus en Galilée. Matthieu rapporte ces deux éléments, et la conclusion semble inévitable qu’il les a tirés de sa principale source narrative, l’Évangile de Marc. Parmi les trois éléments présents dans Matthieu après 28:1-8, le premier et le troisième témoignent donc d’une origine marcaine et se présentent de manière extraordinaire comme des éléments intégraux et originaux du second Évangile.

Récapitulons les étapes de cette argumentation : (1) Depuis plus de 1600 [1900] ans, l’Évangile de Marc est dépourvu de sa conclusion originale, qui s’interrompt brusquement en 16:8. (2) Il est probable, et même presque certain, que lorsqu’il a premièrement été utilisé comme source par les autres synoptiques, ou du moins par l’un d’entre eux, il possédait encore sa conclusion. (3) En ce qui concerne la semaine de la Passion et les apparitions de la Résurrection, Matthieu montre une disposition évidente à reprendre tout ce que contient Marc, et cette tendance, qui l’a contrôlé [c-à-d caractérisé] si longuement, peut difficilement l’avoir abandonné à sept ou huit versets de la fin. (4) On peut donc légitimement s’attendre à ce que ce qui se trouvait dans la conclusion originale de Marc apparaisse dans la partie de Matthieu postérieure à 28:1-8 (le parallèle de Matthieu à Marc 16:1-8). (5) Ainsi considérée, la conclusion de Matthieu fournit deux éléments qui s’accordent si parfaitement avec le contexte de Marc, qui en atténuent si naturellement la brusquerie et qui en complètent si brièvement et si adéquatement la narration, qu’ils semblent davantage appropriés et originaux lorsqu’ils sont rattachés à Marc que dans leur position actuelle dans Matthieu [28:9-10 et 28:16-20] [cette dernière affirmation est une hyperbole, bien entendu]. » (Edgar Goodspeed, “The Original Conclusion of the Gospel of Mark”, American Journal of Theology, 9:3, 1905, p. 484-490.)

Dans cet ordre d’idées, la finale courte résulte plausiblement d’un essai de reconstitution du contenu disparu de la finale originale, fait par un chrétien privilégié mais non-inspiré – et n’ayant pas l’érudition synoptique d’Edgar Goodspeed ! – ayant connu cette finale authentique avant sa disparition mais n’en gardant qu’une mémoire approximative. C’est l’hypothèse que postule Robert Oliver Kevin dans “The Lost Ending of the Gospel According to Mark : A Criticism and a Reconstruction”, Journal of Biblical Literature, 45:2, 1926, p. 101-102. Cette finale courte a donc la valeur d’un commentaire biblique patristique *très* ancien (de source quasi-apostolique) sous forme de condensé historique.

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Extrait BnF ms latin 15177, folio 171 verso (Abbaye de Foigny, Aisne, c. 1176)    À l’instar des motifs sur cette enluminure, le soi-disant “texte reçu” du N.T. est parfois très… mélangé !

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En 2002, le libraire, prédicateur et professeur réformé baptiste suisse Jean-Marc Berthoud (envers lequel j’ai un profond respect et auquel je suis grandement redevable pour ma compréhension théocentrique du monde, bien que je ne soit pas d’accord avec lui 100 % du temps) s’exprimait en ces termes dans le N° 216 de la Revue réformée :

« [B]ien des passages de nos Bibles figurent entre crochets carrés, et les notes qui accompagnent ces crochets sont truffées d’indications selon lesquelles tel ou tel passage ne se trouverait pas dans ‹ les plus anciens manuscrits ›, ou encore qu’il ne figurerait pas dans ‹ les meilleurs manuscrits ›. Le lecteur qui, frappé par de telles indications, voudrait en savoir davantage, reste sur sa faim. »

Monsieur Berthoud a parfaitement raison d’observer que de telles notes élusives – que l’on retrouve dans la plupart des Bibles protestantes françaises modernes – sont très agaçantes et soulèvent davantage de questions qu’elles ne fournissent de réponses. Cette sorte de note marginale ou infrapaginale est souvent encore plus fuyante, étant fréquemment formulée dans un style lapidaire qui se réduit typiquement à « un manuscrit dit … », « des manuscrits ont … », « une version / traduction ancienne lit … », sans jamais identifier clairement les témoins textuels auxquels il est trop vaguement fait allusion.

Il convient de remarquer, toutefois, que contrairement à ce que semble sous-entendre J.-M. Berthoud (?), ce genre d’annotation ultra-succincte n’est guère une innovation des éditeurs bibliques des XXème-XXIème siècles. Hélas, cette pratique discutable prévaut dans la culture éditoriale du protestantisme depuis le début de la Réformation au XVIème siècle ! Et ceci n’est pas une invention protestante, parce que cette pratique existait déjà dans les scriptoria byzantins médiévaux ; les éditeurs évangéliques de l’époque de la Réformation n’ont fait que transférer dans leurs éditions grecques imprimées cette procédure qui était déjà observable dans les manuscrits grecs qu’ils avaient sous leurs yeux.

Par exemple, dans la fameuse Bible d’Olivétan de 1535 (la toute première Bible française traduite à partir de l’hébreu et du grec) consultable sur Gallica ou sur e-rara, une note marginale est adossée au texte de la péricope de la femme adultère en Jean 8:1-11 et énonce « cette histoire […] ne se trouve point en plusieurs exemplaires » (c-à-d pas dans plusieurs manuscrits) :

Concernant cette péricope non-authentique, voici ce qu’écrivit Théodore de Bèze en note infrapaginale de son N.T. grec de 1598 :

« Ce verset [Jean 7:53], et ce qui intervient jusqu’à [Jean 8:11], ne se trouve ni dans l’interprétation syriaque [c-à-d la Peshitta araméenne], ni dans Chrysostome, […] ni dans Théophylacte [d’Ohrid, † c. 1126]. En outre, Eusèbe, dans son Histoire ecclésiastique [§ 3:39:17, c. 312-313], dit ouvertement que cette histoire d’une femme adultère est relatée par un certain Papias [de Hiérapolis, † c. 130] qui disait qu’elle se trouvait dans l’Évangile selon les Hébreux ; mais aucune mention n’en est faite dans Nonnos [de Panopolis, c. 400-465]. Enfin, Jérôme témoigne dans son Dialogue contre les pélagiens [§ 2:17, c. 415-416] qu’elle n’est pas écrite dans certains manuscrits. Parmi nos dix-sept [sic] anciens codices, seulement un [le Codex Regius (L019)] ne l’a pas. Quant à moi, je ne cache pas que je considère à juste titre comme suspect ce que les anciens, avec un tel consensus, rejetaient ou ignoraient. Aussi, une telle variété dans la leçon [c-à-d la profusion des sous-variantes] me fait douter de la fidélité de l’ensemble de ce récit. Ensuite, ce qu’elle raconte de Jésus laissé seul avec une femme dans le Temple, ce n’est pas probable ; ce n’est pas cohérent avec ce qui suit au verset 12. La narration que Jésus écrivit avec son doigt sur le sol m’appert inédite et anormale, et je ne peux pas deviner comment cela pourrait être expliqué de manière suffisamment plausible. Enfin, une telle variété de leçons fait douter de la fiabilité de l’ensemble du récit [bis repetita placent]. Cette histoire doit être supprimée. […] »

On peut lire une note marginale d’une teneur similaire à côté de l’addition non-johannique des trois témoins célestes en 1 Jean 5:6-8 dans la Bible de Genève française imprimée par Jean Michel dans la cité de Calvin en 1544 (consultée sur e-rara) : « ceci […] n’est pas en plusieurs exemplaires »…

Idem dans la Bible de Genève française imprimée par Jean Girard en 1551 (aussi consultée sur e-rara) :

Ce type de signalement de variantes textuelles dans des notes marginales était également une pratique courante dans les Bibles protestantes anglaises de l’époque la Réformation ; les éditeurs anglophones justifiaient l’inclusion de ces annotations par motif d’honnêteté.

Ainsi, étant conscient de l’authenticité douteuse de Luc 17:36 (« Deux seront aux champs : l’un sera pris, et l’autre laissé », Martin 1707), William Wittingham relégua ce verset en note marginale (décalant donc la numérotation du v. 37 vers le bas) dans la célèbre Geneva Bible anglaise de 1560, la toute première Bible anglaise complète à adopter le système de subdivision en versets qu’elle emprunta à la Bible de Genève française de 1553 (subdivision depuis lors devenue universelle) :

Toujours concernant Luc 17:36, la King James Bible anglicane de 1611 (ci-après « KJB 1611 ») contient une note marginale informant le lecteur que « ce verset 36 est manquant dans la plupart des copies grecques » — il est présent dans le Codex Bezæ (D05), dans des mss césaréens ainsi que dans d’anciennes traductions latines et coptes :

Cette même KJB 1611 contient une note en marge de Luc 10:22 informant le lecteur que « plusieurs copies anciennes ajoutent les mots “Et se tournant vers ses disciples, il dit” » :

Cette clause supplémentaire insérée au début de Luc 10:22 est dans le Codex Alexandrinus (A02) et dans la majorité des manuscrits tardifs (𝕸), mais n’est pas dans le Papyrus 75 (datant de l’an ≈ 200) ni dans les codices Sinaïticus (01), Vaticanus (B03), Bezæ (D05), Regius (L019) et Zacynthius (Ξ040), ni dans l’onciale 070 (datant du VIème s.), ni dans le minuscule 33 (datant du IXème s.).

Similairement, dans Actes 25:6, la KJB 1611, qui lit « he had taried among them more than ten days », contient une note qui signale : « Or, as some copies read, “no more than eight or ten days”. »

À cet égard, une comparaison rapide d’Actes 25:6 dans différentes versions françaises basées sur le texte reçu (TR) grec permet d’apercevoir un demi-millénaire d’indécision :

  • À l’Épée 1540 : « plus de dix jours ».
  • Calvin 1560 : « que dix jours ».
  • Genève 1588 : « pas plus de dix jours ».
  • Martin 1707 : « pas […] plus de dix jours ».
  • Ostervald 1724 : « pas […] plus de dix jours ».
  • Ostervald 1996 : « que dix jours ».
  • Ostervald 2018 : « plus de dix jour ».
  • Synodale 1920 : « huit à dix jours seulement ».
  • LSG-SBT 1982 : « que huit à dix jours ».
  • Lausanne 1872 et 2022 : « plus de dix jours ».
  • KJF 2022 : « plus de dix jours ».

Qu’est-ce qui explique cet interminable va-et-vient ? C’est que la tradition textuelle byzantine est scindée en trois branches sur ce verset. Une branche du texte byzantin lit, conjointement avec le texte alexandrin, « que huit à dix jours » ou « pas plus de huit à dix jours » ; une deuxième branche du texte byzantin lit « plus de dix jours » (incluant le Codex Angelicus (L020) et le Codex Mutinensis (H014), deux onciaux du IXème s.) ; puis une troisième branche du texte byzantin lit « plus de huit jours » (Bible Segond 21 avec notes de référence, 2007, p. 1331 ; N.T. d’Albert Rilliet, 1858, p. 4 et 368 ; N.T. d’Edmond Stapfer, 1889, p. 25-26).

Autrement dit, il y a des variantes internes dans la masse des manuscrits du texte-type byzantin, et il y a des variantes internes dans le corpus des éditions imprimées du texte-type dit “reçu” ! Cette réalité concrète réfute sévèrement la prétention des partisans de l’exclusivité du TR qui plaident que l’adhésion inconditionnelle au TR est le dogme salutaire permettant d’éviter le « danger » posé par le filtrage des variantes textuelles manuscrites via un exercice diligent de critique textuelle.

Certaines de ces variantes textuelles intra-TR constituent des contradictions intestines criantes. Par exemple, dans la Geneva Bible anglaise de 1560, la variante retenue dans le texte principal lit « show me thy faith out of thy works », tandis que la variante placée en note marginale lit « or, “without works” » :

Même verset, KJB 1611, inversion de la hiérarchie des leçons : La variante promue au texte principal lit « show me thy faith without thy works » ; la variante rétrogradée au texte marginal lit « some copies read “by thy works” » !…

Malgré que les savants pro-TR ont déjà eu 500 ans pour se démêler, cette incompatibilité réciproque entre ces deux variantes intra-TR en Jacques 2:18 s’observe encore entre les récentes révisions de la Bible d’Ostervald (2018) et du N.T. de Lausanne (2022), qui énoncent respectivement « ta foi sans tes œuvres » versus « ta foi par tes œuvres ».

Un autre exemple flagrant de problème textuel intra-TR qui demeure irrésolu en ce début de XXIème siècle se trouve en Apocalypse 16:5, où Ostervald 2018 énonce « qui étais et qui seras », leçon qui est mutuellement incompatible avec Lausanne 2022 qui énonce « qui étais et le saint ». Si les tenants du TR veulent un jour purger leurs versions de ces incohérences, ils devront inévitablement s’astreindre à un travail de critique textuelle… et par cette démarche même, reconnaître que le TR n’est pas méthodologiquement supérieur aux autres textes néotestamentaires grecs académiques, eux aussi modelés par ce que l’on appelait jadis la critique sacrée.

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Tableau — Le TR contre le TR

Le tableau inséré dans le document ci-dessous présente un échantillon élargi d’une douzaine de variantes textuelles intrinsèques dans la tradition du textus receptus grec avec leurs correspondances dans des Bibles françaises basées sur cette tradition textuelle et – information qui n’est pas précisée dans la demie-douzaine d’exemples évoqués ci-dessus – l’indication précise des éditions-sources du TR grec où se retrouvent ces leçons disparates. Il va sans dire que le TR n’échappe pas à l’indispensable nécessité de la critique textuelle.

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Cas additionnels de variantes textuelles intra-TR

En Luc 2:33, les cinq éditions consécutives du TR d’Érasme de Rotterdam (1516, 1519, 1522, 1527 et 1535) se lisent toutes « son père et sa mère » (de Jésus). Cette lecture érasmienne est conforme au Papyrus 141 (datant de l’an ≈ 250), aux codices 01, B03, D05, L019 et W032, ainsi qu’à des mss césaréens, vieux-syriaques, coptes et latins. Cette leçon originale est reflétée dans la Bible d’Olivétan de 1535, la Bible à l’Épée de 1540, la Bible de Louvain de 1550 et les Bibles de Genève françaises de 1553 & 1560.

Toutefois, les éditions du TR de Robert Estienne (1550), de Théodore de Bèze (1598) et d’Isaac Elzévir (1624) se lisent toutes « Joseph et sa mère » (de Jésus). Cette altération se retrouve dans le codex A02 et les mss 𝕸, ainsi que dans des mss césaréens, syriaques et vieux-latins. Cette leçon falsifiée se répercute dans la Bible de Genève de 1588, la Bible Martin de 1707, la Bible de Lausanne de 1872, les Bibles d’Ostervald révisées de 1996 & 2018, etc.

Comme l’observait Érasme lui-même, cette interpolation s’explique par un excès de zèle de certains copistes ayant voulu insister sur la conception miraculeuse et la naissance virginale de Christ. Or la négation de la paternité de Joseph qui en résulte – en plus de générer une contradiction interne dans le sacro-saint “texte reçu” – contredit frontalement la révélation du Saint-Esprit qui, s’exprimant via l’évangéliste Luc, enseigne clairement que Joseph, sans être le géniteur charnel de Jésus, était bel et bien son père terrestre (Luc 2:41, 2:43, 2:48, 3:23 et 4:22 — malgré que divers scribes aient aussi modifiés le libellé de ces trois v. du ch. 2, les copistes byzantins n’ont pas osés le faire au v. 48, qui est justement le plus explicite).

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En 1 Jean 2:23, les TR grecs d’Estienne 1550 et Elzévir 1624 se lisent simplement « Si quelqu’un n’a pas le Fils, il n’a pas non plus le Père », et le verset s’arrête là. Ceci se reflète dans les Bibles TR françaises Olivétan 1535, Épée 1540, ainsi que Lausanne 1872 & 2022.

Mais dans les TR grecs de Bèze 1598 et Scrivener 1894, ce verset est deux fois plus long et se poursuit par une phrase supplémentaire qui se lit « celui qui se déclare publiquement pour le Fils a aussi le Père » (ou équivalent). Cela se reflète dans les Bibles TR françaises Calvin 1553 & 1560, Genève 1588, Martin 1707 & 1744, ainsi qu’Ostervald 1996 & 2018.

C’est donc ici encore une phrase entière qui est complètement absente dans certaines itérations du TR mais bien présente dans d’autres itérations du TR ! Cette embêtante réalité créa un dilemme pour les éditeurs bibliques des XVIIème-XVIIIème siècles. C’est pour cette raison que dans la KJB 1611, la seconde phrase est imprimée en caractères romains (tandis que le reste du texte est imprimé en caractères gothiques) afin de bien la distinguer et d’exprimer l’hésitation des éditeurs :

Dans la KJB révisée par Benjamin Blayney (parue en 1769), cette hésitation – et incidemment cette variante intra-TR – est exprimée par la mise en italique de la phrase concernée :

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En 1 Jean 3:16, les TR grecs d’Érasme 1516 à 1535, Estienne 1546 à 1551, Bèze 1565 et Elzévir 1624 & 1633 se lisent « il / lui / celui-ci a donné sa vie pour nous » (ou équivalent), ce qui se reflète dans les Bibles TR françaises Olivétan 1535, Épée 1540, Calvin 1553 & 1560, Castellion 1555, Genève 1588, Martin 1707 & 1744, Ostervald 1724, puis Lausanne 1872 & 2022.

Par contre, les TR grecs de Bèze 1582 à 1598 et Scrivener 1894 se lisent « Dieu a donné sa vie pour nous », ce qui se reflète dans les Bibles TR anglaises KJB 1611 puis Webster 1833. (Quant aux versions KJB 1769, Ostervald 1771 & 1996 & 2018, puis KJF 2022, elles gomment la divergence textuelle en ayant « Dieu a donné … » ou « Jésus-Christ a donné … » mais en mettant le(s) mot(s) spécieux en italique pour préciser qu’ils ne sont pas dans leur texte-source grec.)

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Dans son article A Critical Apparatus of the Textus Receptus Tradition, le professeur de langues bibliques Timothy Decker dénombre 82 variantes intra-TR dans les seuls trois chapitres du Sermon sur la Montagne (Matthieu 5 à 7), dont 32 variantes majeures ! Dans son article Which Textus Receptus ? A Critique of Confessional Bibliology, le docteur en herméneutique néotestamentaire Mike Ward analyse aussi d’autres variantes textuelles intra-TR traduisibles en 2 Corinthiens 11:10, 2 Thessaloniciens 2:4, Philémon 1:7, 1 Pierre 1:8, Jacques 5:12, 1 Jean 1:5, Apocalypse 7:10 et Apocalypse 11:2.

Dans une œuvre publiée en 1873 (et récemment réimprimée), Frederick Scrivener calcule que dans le processus de traduction du N.T. de la Bible du roi Jacques de 1611, lorsqu’il existait des contradictions entres les multiples éditions du TR auxquels ils avaient accès, les traducteurs anglicans ont choisis des variantes de Bèze contre Estienne 111 fois, des variantes d’Estienne contre Bèze 59 fois (dont 46 variantes traduisibles), et des variantes d’une source tierce (la Vulgate, Érasme ou la Complute) contre Estienne & Bèze 67 fois !

Pour conclure, il convient de citer l’article susmentionné du Dr Mike Ward où il synthétise la situation (aux p. 72-73) : « Les différences [internes au TR] ne sont pas aléatoires ou dénuées de sens ; elles ne sont pas l’équivalent de fautes de frappe. Elles donnent lieu à des traductions différentes — et quelqu’un doit choisir quelle variante du TR traduire et quelle exclure ou mettre en marge. Les traducteurs de la KJV ont dû le faire. Érasme a dû le faire. Tous ceux qui impriment un Nouveau Testament grec ou une traduction de la Bible doivent le faire. Le problème de la critique textuelle ne disparaîtra pas. […] Les positions pro-TR sont typiquement utilisées pour éliminer l’incertitude, pour obvier tout besoin pour les humains de ‹ s’asseoir en jugement › au-dessus du texte de l’Écriture. Mais cela ne fonctionne pas lorsque “le” TR n’est pas lui-même absolu [c-à-d que “le” texte du TR est incertain à cause des variantes intra-TR]. Et si des mots totalement différents sont des ‹ différences triviales › lorsqu’elles se produisent entre les [diverses éditions du] TR mais des ‹ corruptions › lorsqu’elles se produisent entre le TR et le TC [= Texte Critique], on peut se demander où se trouve la limite entre trivial et corrompu. »

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Deux pages de la Saincte Bible en françoys, traduite du latin par Lefèvre d’Étaples et imprimée par Martin Lempereur à Anvers (Brabant) en 1530, conservée à la Bibliothèque de la Southern Methodist University à Dallas (Texas)    La Vulgate latine exerça une influence profonde, quoique subtile, sur le “texte reçu”

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Dans les controverses bibliologiques qui opposent les adeptes du “texte reçu” aux tenants du texte dit alexandrin, les avocats du “texte reçu” ne manquent jamais d’alléguer contre leurs adversaires que leur texte détiendrait l’avantage quantitatif conféré par la volumineuse tradition manuscrite byzantine. Par exemple, la Préface de la Bible d’Ostervald révisée (BOR, 2018) traduite par une équipe dirigée par le pasteur baptiste arminien Mario Monette affirme fièrement que le soi-disant texte reçu « est la préservation fidèle des textes originaux et conforme à l’immense majorité des manuscrits qui existent. » (p. III).

Similairement, la Préface du N.T. de la Bible de Lausanne révisée (BLR, 2022) traduite par une équipe dirigée par le pasteur baptiste calviniste Timothy Ross déclare pompeusement, à propos du texte reçu, que : « [C]’est cette famille de manuscrits du Nouveau Testament que toutes les Églises [sic] ont reçue et utilisée depuis la plus haute antiquité [sic!]. Les manuscrits de cette famille représentent la vaste majorité des quelque cinq mille manuscrits existants. » (p. III).

Dans la même veine, une brochure diffusée par la Société Biblique Trinitaire (SBT, l’éditrice de la BLR susmentionnée) et qui lui sert de manifeste pro-TR, prétends ceci :

« Lorsqu’en 1516 le plus grand savant d’Europe, Érasme, publia la première édition [complète] du Nouveau Testament grec, il prit comme base des manuscrits byzantins typiques [sic]. […] Il s’avère qu’environ 90 % des manuscrits grecs [du N.T.] représentent le texte ‹ byzantin ›. […] ‹ N’oublions pas, écrit le Pr. Owen, que ce texte [reçu] si commun que nous utilisons a publiquement appartenu à de nombreuses générations… Qu’il soit tenu pour normatif, car c’est assurément son droit et son dû. › […] L’époque de la Réforme vit la publication de bon nombre de versions protestantes de la Bible. Les traducteurs appliquaient tous les mêmes principes : ils se fondaient sur le texte massorétique [pour l’A.T.] et sur le texte byzantin, ce ‹ texte reçu › préservé par la providence divine depuis les origines [sic], et accepté dans toutes les Églises réformées ; et ils serraient la langue originale au plus près, recherchant ‹ l’équivalence formelle ›. » (Malcom Watts, La Parole que donna le Seigneur, SBT, 2012, p. 25, 27 et 30).

Voilà donc le postulat erroné qui est supposé donner du crédit aux revendications des zélateurs du texte reçu : Le texte reçu serait identique au texte majoritaire. Or, c’est faux. Le texte reçu est très loin d’être identique au texte majoritaire ou adéquatement représentatif de celui-ci. Comme nous l’avons vu précédemment dans la présente série d’articles sur la critique textuelle du N.T., il existe plus d’un millier de différences textuelles traduisibles entre le texte reçu et le texte majoritaire ! Donc même si le texte reçu (TR) est, en général, *comparativement* plus proche du texte-type byzantin que ne l’est le texte-type dit alexandrin, ce TR ne se confond absolument pas avec le texte majoritaire (𝕸).

Et il y a une réalité assez croustillante qui découle de ce décalage substantiel entre le TR et le texte 𝕸 : Très fréquemment, le texte 𝕸 et le texte alexandrin s’accordent mutuellement et leur témoignage commun diverge du TR ! Les désaccords entre le texte 𝕸 et le TR font s’écrouler le château de cartes du narratif pro-TR ; les accords réciproques entre le texte 𝕸 et le texte alexandrin dispersent cet amas de cartes aux quatre vents.

Par exemple, en Matthieu 5:27, le texte alexandrin, attesté par le Papyrus 64/67 (copié vers l’an 150) – qui est simultanément le plus vieux manuscrit de l’Évangile selon Matthieu et le plus vieux fragment d’un livre (codex) conservé au monde (!) – ainsi que par 01 et B03, lit : « Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu ne commettras pas d’adultère » (NBS). Cette lecture alexandrine est corroborée par le texte 𝕸 (cf. EMTV, WEB, BTV, MSB). Toutefois, le TR ajoute de manière illicite deux mots grecs non-inspirés et non-authentiques au milieu de ce verset, qui correspondent ici au texte en rouge : « … dit par les anciens : tu ne … » (BOR) ; « … dit aux anciens : tu ne … » (BLR).

Autre exemple : en Actes 24:6-8, dans le TR, il y a une grosse portion de texte non-original qui fut ajoutée (au texte révélé) et qui correspond ici au texte en rouge : « Et qui même a tenté de profaner le temple ; lequel nous avions saisi, et voulions le juger selon notre loi. 7 Mais le tribun Lysias étant survenu, l’a arraché de nos mains avec une grande violence, 8 En ordonnant à ses accusateurs de venir auprès de toi. Tu pourras apprendre toi-même de lui, en l’in­terrogeant, toutes les choses dont nous l’accusons » (BOR). Toute cette addition non-originale est absente d’au moins 55.3 % des manuscrits grecs d’Actes 24:6-8 ! À peine 16 % des mss contiennent une forme quelconque de cet ajout. Pire, cette variante, dans la forme exacte sous laquelle elle apparaît dans le TR (c-à-d cette sous-variante), n’est présente au mot-pour-mot que dans un très maigre 1 % des mss grecs d’Actes 24:6-8 (!), plus précisément dans le Codex Laudianus (E08), un ms diglotte gréco-latin où le texte latin a visiblement influencé le texte grec. Quant à la balance du 28.7 % des mss, ils contiennent d’autres développements textuels alternatifs. (Robert Boyd, The Text-Critical English New Testament – Byzantine Text Version, Lulu Press, 2021, p. 274 ; Albert Rilliet, Les livres du Nouveau Testament traduits pour la première fois d’après le texte grec le plus ancien, Joël Cherbuliez Libraire-Éditeur, 1858, p. 366.)

Il s’ensuit qu’en Actes 24:6-8, le texte alexandrin et le texte majoritaire se corroborent réciproquement et discréditent le TR qui tient son libellé davantage de la Vulgate latine que de l’héritage hellénique d’Antioche & Byzance. Cette sorte d’occurence, où une variante du TR provient de la Vulgate latine plutôt que du texte-type byzantin, est assez fréquent ; il s’observe aussi notamment en Actes 8:37, Actes 9:6, 2 Timothée 1:18, 1 Jean 5:7-8, Apocalypse 1:11, Apocalypse 16:5 et Apocalypse 22:19.

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Voici un document d’une quinzaine de pages regroupant un échantillon non-exhaustif d’environ 85 variantes textuelles supplémentaires réparties à travers l’ensemble du N.T. où le texte 𝕸 et le texte alexandrin se confirment mutuellement et où leur témoignage combiné contredit le TR, qui se retrouve démenti à la fois par les plus anciens manuscrits (avantage qualitatif) et par les plus nombreux manuscrits (avantage quantitatif) :

Document aussi accessible sur Calaméo et sur Issuu, ou en téléchargement direct ici.

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Folio du lectionnaire l2144, copié vers l’an 1250, portant le texte de Luc 22:32-39 (New Testament Virtual Manuscript Room)    C’est surtout la liturgie ritualiste de l’Église grecque d’Orient qui explique la prédominance du texte-type byzantin parmi les manuscrits grecs du N.T. au Moyen Âge

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Dans le dernier quart du XXème siècle et le premier quart du XXIème, plusieurs académiciens chrétiens évangéliques dans l’Anglosphère ont produits des éditions de référence du Nouveau Testament grec basées – en théorie – sur la majorité des manuscrits grecs du N.T. (représentée par le symbole 𝕸), chose qui n’avait jamais été faite auparavant. Il s’agit du Greek New Testament According to the Majority Text de Zane Hodges et Arthur Farstad, du New Testament in the Original Greek (Byzantine Textform) de Maurice Robinson et William Pierpont, ainsi que du Greek New Testament According to Family 35 de Wilbur Pickering.

Ces textes de base 𝕸 ont à leur tour été utilisés pour produire de multiples traductions du Nouveau Testament en langue anglaise. En ce sens, le texte 𝕸 de Hodges-Farstad fut traduit dans la Majority Standard Bible (MSB, 2023) par BibleHub inc. Semblablement, le texte 𝕸 de Robinson-Pierpont fut traduit dans la English Majority Text Version (EMTV, 3ème éd. 2009) par Paul Esposito puis dans la Byzantine Text Version (BTV, 2021) par Robert Adam Boyd.

En outre, la World English Bible (WEB, 2020) est, pour le N.T., une traduction éclectique dérivée simultanément du texte 𝕸 de Hodges-Farstad et du texte 𝕸 de Robinson-Pierpont, effectuée par une équipe dirigée par le chrétien charismatique Michael Johnson. De surcroît, le texte grec de la “Famille 35” de Pickering – basé sur un groupe de ± 220 manuscrits comparativement homogène qui correspond à l’aboutissement très tardif du texte-type byzantin médiéval (XIII-XVèmes siècles) – fut traduit par ce même Pickering en anglais (1ère éd. 2013) et aussi en portugais (1ère éd. 2023).

Toujours en anglais, nous pouvons aussi mentionner la Eastern Orthodox Bible (EOB, 2013) du presbyte Laurent Cleenewerck, qui est une traduction du “texte patriarcal” (TP) établi par Vasileios Antoniades en 1904, à savoir le texte néotestamentaire grec officiel du Patriarcat œcuménique de Constantinople (c-à-d l’Église grecque pseudo-orthodoxe d’Orient), également diffusé par la Société biblique hellénique. Ce TP, malgré qu’il ne s’appuie pas sur une base manuscrite aussi large que les éditions occidentales protestantes du texte 𝕸, leur est identique à 98.5 %.

Dans le monde hispanophone, le Ministerio Apoyo Bíblico (situé à Salta en Argentine) diffuse depuis une douzaine d’années une nouvelle version de la traditionnelle Bible évangélique espagnole Reina-Valera (révision de 1909) intitulée Reina Valera Independiente (RVI, 2012) où le théologien baptiste Santiago Montado ajuste ou synchronise – dans le N.T. – cette vieille traduction du “texte reçu” sur un texte 𝕸 non-identifié (ce traducteur se contente de dire que son texte de base provient des « manuscrits cursifs des VIIIème au XIIIème siècles » et qu’il « est dans le domaine public », ce qui signifie peut-être qu’il a établi son propre texte grec directement depuis sa propre consultation des variantes).

Pendant ce temps, en Francophonie, nous ne disposons toujours pas d’une seule traduction vernaculaire du N.T. s’appuyant sur le texte majoritaire ! Certes, la Bible de Yéhoshoua Mashiah (BYM, 2014) du pentecôtiste africain Shora Kuetu se présente comme s’appuyant sur le texte 𝕸 grec pour le N.T. Toutefois, cette BYM s’avère en réalité être une révision maladroite des vieilles versions françaises Martin 1744, Ostervald 1886 et Segond 1910 faite par un prêcheur anti-trinitaire ayant des compétences très limitées en langues bibliques.

Tout ceci étant dit, il est néanmoins pertinent pour les chrétiens francophones de se pencher sur les caractéristiques textuelles du texte 𝕸 grec, puisqu’une proportion substantielle des variantes textuelles des Bibles suivant le “texte reçu” (TR) proviennent de 𝕸, et que les Bibles TR françaises continuent à être révisées & rééditées aujourd’hui (par exemple Ostervald 2018 et Lausanne 2022).

Description générale des variantes du texte-type byzantin

« Byzantin (ou Koiné) : Ce texte amalgamé, qui émousse les difficultés et harmonise les différences, fut utilisé dans la liturgie de l’Église byzantine (devenant quasi normatif à partir du VIe siècle) ; il est généralement considéré comme un développement tardif et secondaire. Pourtant, certaines de ses lectures sont anciennes et remontent à l’Église d’Antioche vers 300 [et même parfois – quoique très rarement – dans des papyri égyptiens vers 200-250]. » (Raymond Brown, Que sait-on du Nouveau Testament ?, Bayard Éditions, 2000, p. 87-88).

« Le texte byzantin n’apparaît pas avant le IVe siècle : ses premières attestations sont les citations des Pères cappadociens (Grégoire de Nysse, Grégoire de Nazianze, Basile de Césarée), vers 350 ; il a comme origine probable la révision faite par Lucien d’Antioche vers 300 […] Le type byzantin présente de nombreuses additions par rapport au texte alexandrin [qui est nettement plus proche du texte original rédigé par les auteurs inspirés au Ier siècle.] […] Le texte byzantin devient celui en usage dans la liturgie de l’Empire byzantin, il remplace ainsi progressivement ses concurrents, qui subsistent cependant ça et là. Le texte byzantin devient au Moyen Âge le texte dominant, sans doute répandu par l’usage liturgique. Sous cette forme médiévale, il n’existe sans doute par avant la recension de Lucien dont il est [notamment] le résultat. » (Christian-Bernard Amphoux, Manuel de critique textuelle du Nouveau Testament, Éditions Safran, 2014, p. 32-33).

« Pour le sujet qui nous occupe, un autre type de transformation est plus significatif : c’est celui qui conduit à un texte plus compréhensible. De telles modifications ont lieu, consciemment ou inconsciemment. Le plus souvent il s’agit d’‹ aider le texte › et non de le déformer. Ce type comprend d’une part l’explicitation (par ex. : un pronom ‹ il › est remplacé, à cause du contexte, par une désignation univoque de la personne concernée [comme c’est le cas en 1 Timothée 3:16 ou Jacques 1:12]), d’autre part l’adaptation de la formulation à des normes familières (par ex. : un terme de langue populaire est remplacé par un synonyme de la langue érudite, un terme inhabituel, difficile à comprendre par un autre plus courant, plus accessible [comme c’est le cas en Jacques 1:5]). […] Il y a une force probante particulièrement grande dans ces leçons qu’on trouve en très grand nombre, mais qui sont dénuées d’importance du point de vue de leur contenu (du point de vue théologique) et dont on ressent nettement le caractère secondaire. À leur lumière, il devient pratiquement inévitable de conclure que par rapport au texte alexandrin […] le texte majoritaire offre une proximité moindre envers l’original. À cela s’ajoute encore [le fait que] ce type de texte est également moins proche chronologiquement de l’original. » (Heinrich von Siebenthal, “Nos traductions du Nouveau Testament ont-elles une base textuelle fiable ?”, Théologie évangélique (FLTÉ), 2:3, 2003, p. 235-236).

« D’accord en cela avec tous les savants travaillant dans le respect de l’histoire, les exégètes sont conscients que la qualité prime la quantité. […] L’enjeu, c’est d’établir quel degré de proximité on peut reconnaître aux sources par rapport à la vérité qui nous intéresse, c’est-à-dire par rapport au libellé original. Ce qui est décisif à cet égard, c’est non seulement la proximité dans le temps, mais aussi du point de vue du contenu. […] [L]e texte alexandrin peut clairement revendiquer une plus grande proximité de l’original que le byzantin. Autrement dit, malgré une majorité de sources qui l’attestent [≈ 85 % des manuscrits au total], le texte byzantin doit être qualifié de moins bon de par sa proximité de l’original vue sous l’angle de la chronologie et du contenu. » (Heinrich von Siebenthal, loc. cit., p. 232).

« Le texte byzantin s’impose comme un bon texte [sic] pour l’usage ecclésial [c-à-d liturgique], lu pendant l’office, commenté par les Pères [cappadociens]. Conformément à la révision de Lucien ou dans sa continuité, il est à la fois correct, élégant et explicite, pour ménager la compréhension à simple audition. Il est, de plus, confluent : à maintes occasions, il ne choisit pas entre les variantes antérieures, mais les juxtapose de manière à produire un texte où chacun retrouve sa tradition. » (C.-B. Amphoux, Manuel, op. cit., p. 300).

« Le texte byzantin […] remplace [les textes césaréen, alexandrin et occidental] à partir du IVe siècle, mais il ne se stabilise lui-même que lentement, son évolution durant jusqu’au IXe siècle [et même jusqu’au XVe siècle !]. Le trait le plus remarqué est l’abondance des pronoms, pour expliciter le sens du texte. Le deuxième trait est le souci de contenir toutes les traditions, il a donc tendance à être long. Cette forme a été dominante au Moyen Âge [en Orient hellénique]. » (C.-B. Amphoux, Manuel, op. cit., p. 302).

« Quant à la prédominance des sources byzantines dans les siècles ultérieurs, elle s’explique mieux par les deux facteurs suivants.
Première raison : Lors de la constitution du Nouveau Testament, le grec était la langue internationale du bassin méditerranéen : même la Lettre aux chrétiens de Rome n’a pas été rédigée en latin, mais en grec ! Après la division de l’Empire romain à la fin du IVe siècle, le grec a perdu son hégémonie [en Occident] et sa sphère d’utilisation s’est presque réduite à la seule Grèce elle-même [ou plus précisément aux territoires sous la juridiction de l’État byzantin et démographiquement hellénophones], où on a continué à l’employer jusqu’aujourd’hui. Il en est résulté qu’avec le temps, le Nouveau Testament grec n’a continué à être transmis que dans la sphère d’influence de Byzance et cela avec les traits dès lors caractéristiques de cette région.
Deuxième raison : Si la transmission du texte alexandrin et du texte ‹ D › [c-à-d du texte-type occidental] a fini par s’interrompre, c’est non seulement parce que le grec n’était plus la langue courante dans les régions concernées, mais surtout parce qu’après la conquête musulmane des pays jusqu’alors marqués par le christianisme, au VIIe siècle, le christianisme, et donc la transmission de la Bible sous la forme caractéristique de cette région, sont devenus des faits marginaux [ou bien cette transmission a adopté les traits ethno-linguistiques propres aux minorités chrétiennes sous domination islamique, tels le copte en Égypte, l’araméen / syriaque / chaldéen au Levant & Mésopotamie, l’arménien en Anatolie orientale, le géorgien au Caucase méridional, etc.]. » (Heinrich von Siebenthal, loc. cit., p. 237).

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Carte des confessions chrétiennes dans le monde méditerranéen au Haut Moyen Âge

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Carte de l’Empire byzantin (1025-1350) où furent produits la plupart des manuscrits néotestamentaires grecs du texte-type dit majoritaire

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Réfutation de l’idée de supériorité du texte majoritaire du N.T.

Les citations et observations contenues dans le document ci-dessous expliquent plus en détail pourquoi le “texte majoritaire” (𝕸) n’est pas qualitativement supérieur au “texte standard”, pourquoi ce “texte majoritaire” est beaucoup moins majoritaire qu’il n’y paraît à première vue, et aussi pourquoi le “texte reçu” (TR) est encore moins majoritaire que le texte byzantin dont il provient partiellement.

Document aussi accessible sur Calaméo et sur Issuu, ou en téléchargement direct ici.

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Le texte-type byzantin n’est, en réalité, véritablement « majoritaire » parmi les manuscrits du Nouveau Testament qu’à partir du IXème siècle (!)…

Distribution des manuscrits grecs du N.T. par siècle et par texte-type (Daniel Wallace, JETS, 1994, p. 206)

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Extrait de la toute 1ère Bible illustrée imprimée par Günther Zainer à Augsbourg (Souabe, Allemagne du Sud) en 1474, conservée à la Bibliothèque de la Southern Methodist University à Dallas (Texas)

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Au XXIème siècle, certains chrétiens estiment que la plupart des éditions du Nouveau Testament utilisées par la plupart des chrétiens sont mauvaises et répréhensibles parce qu’elles ne sont pas basées sur le texte grec appelé texte reçu (qui fut utilisé autant par les protestants que par les papistes à l’époque de la Réformation protestante et de la Contre-Réforme catholique aux XVIème & XVIIème siècles), mais plutôt sur le texte grec appelé texte standard (établi aux XIXème & XXème siècles grâce à la redécouverte ou la revalorisation de manuscrits bibliques de l’Antiquité).

Dans cette étude, nous verrons dans un premier temps que l’orthodoxie protestante historique n’exige aucunement que les chrétiens évangéliques fassent un usage exclusif de Bibles dérivant du texte reçu (pour le N.T.). Nous enchaînerons en expliquant que même l’adhésion au texte reçu n’élimine pas la nécessité impérative de la critique textuelle. Enfin, pour boucler la boucle, nous constaterons – au moyen d’un survol historique – que la critique textuelle est un vecteur de la providence rédemptrice de Dieu.

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Cette étude sur Scribd :

Étude aussi accessible sur Calaméo et sur Issuu, ou en téléchargement direct ici.

Pour plus d’informations sur l’omission dans le “texte reçu” d’une clause scripturaire inspirée en 1 Jean 3:1, consultez ce fichier. Pour plus d’informations sur l’omission par le “texte reçu” de la Troisième Personne de la Trinité (Dieu l’Esprit-Saint) en Luc 10:21, consultez ce fichier.

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« Il n’y a que le seul Original des apôtres auquel on puisse attribuer cette perfection. » — Richard Simon, Histoire critique du texte du N.T., 1689, p. 344

« Les faits connus de la critique textuelle sont-ils en désaccord avec l’idée d’un texte original parfait ? Au contraire, l’ensemble du processus de cette critique puise sa signification dans la présupposition d’un tel texte. […] Conséquemment, les érudits orthodoxes poursuivent la recherche de ce texte avec enthousiasme. Chaque étape qu’ils franchissent dans le traitement des manuscrits existants résout une “difficulté”. » — Cornelius van Til, Introduction dans B.B. Warfield, The Inspiration and Authority of the Bible, P&R, 1948, p. 46

« Est-ce que nous avons maintenant [dans la masse des manuscrits] ce qu’ils [les auteurs inspirés du N.T.] écrivirent jadis ? Dans les moindres détails [cf. ponctuation, accentuation, stichométrie, etc.], probablement pas ; mais dans tous les éléments essentiels [c-à-d le contenu théologique & historique du message], absolument. Affirmation finale : Aucune doctrine essentielle de la foi chrétienne n’est menacée par une quelconque variante viable. » — Daniel Wallace, Introduction to New Testament Textual Criticism, BiblicalTraining.org, 2018, Class Outline, p. 84-85

« Nous avons le Nouveau Testament originel tel qu’il fut premièrement écrit. » — Daniel Wallace, loc. cit., Lesson 36 Transcript (non-paginé)

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Parmi les plus de 6000 manuscrits grecs du Nouveau Testament actuellement répertoriés à travers le monde et conservés dans des bibliothèques publiques (nationales, municipales, etc.) ou des bibliothèques privées (universitaires, muséales, monastiques, etc.), on dénombre environ 450 000 variantes textuelles (c’est-à-dire des variations ou divergences dans le texte). Sur un texte de base d’environ 140 000 mots, cela fait en moyenne environ trois variantes par mot ! Toutefois, la très vaste majorité de ces variantes (plus des ¾) s’expliquent par des facteurs tels que la grande souplesse grammaticale de la langue grecque – elles sont tellement insignifiantes qu’elles ne sont souvent même pas traduisibles dans d’autres langues telles que le français et l’anglais – ou encore comme étant des coquilles non-sens pouvant aisément être écartées.

En outre, il faut garder à l’esprit que ces 6000+ manuscrits néotestamentaires totalisent environ 2.7 millions de pages (pour une longueur moyenne d’environ 450 pages par manuscrit), et que lorsque ces ≈ 450 000 variantes sont réparties sur la masse réelle des manuscrits (plutôt que sur un unique texte de base tapuscrit), il n’y a en moyenne qu’une variante par six pages de texte du N.T. Vu sous cet angle, c’est beaucoup moins préoccupant.

Il subsiste, néanmoins, une proportion significative de ces variantes textuelles – aussi appelées leçons au sens technique – qui sont porteuses d’un sens différent. La discipline ayant pour objectif de démêler ces variantes et de déterminer celles qui correspondent au texte original se nomme la basse critique ou critique textuelle (ces deux expressions synonymiques désignant la même démarche).

Définir et décrire le champ d’étude

La basse critique se définit comme étant la « méthode d’analyse de l’Écriture qui traite du texte lui-même de l’Écriture par l’étude des diverses variantes dans les manuscrits anciens » (Paul Enns, Introduction à la théologie, Éditions CLÉ, 2009, p. 708). Cette basse critique se distingue de la haute critique, qui « est le terme consacré pour la détermination de la date, de l’auteur et de la structure d’un livre au moyen de l’examen de preuves internes et externes » (Jacques Blocher et al., Nouveau Manuel de la Bible, Groupes bibliques universitaires, 1994, p. 48).

La critique textuelle se définit comme suit : « La critique textuelle constitue une discipline à part entière […]. Son objet est limité aux phénomènes propres à la copie des textes. Son but est de déterminer, d’après les documents qui sont en notre possession, la forme de texte la plus primitive, c-à-d la plus proche de l’original aujourd’hui perdu. » (Émile Nicole, “Critique biblique”, Grand Dictionnaire de la Bible, Éditions Excelsis, 2010, p. 383).

Voici un schéma simplifié de la diffusion des copies manuscrites du N.T. et de la transmission des variantes textuelles pendant les premiers siècles de l’Ère chrétienne :

Voici quelques éléments explicatifs supplémentaires :

« C’est, qu’en effet, la copie d’un texte aussi long qu’un Évangile représente un véritable tour de force et il peut fort bien s’y glisser des erreurs. Mais la comparaison des manuscrits et la connaissance des méthodes de travail des scribes permettent de dater les versions et de parvenir ainsi au texte authentique. Ce n’est pas une mince affaire, lorsqu’on dispose de milliers de manuscrits. Néanmoins, ceux qui s’y sont consacrés reconnaissent que le Nouveau Testament s’est remarquablement [bien] conservé (nettement mieux que la plupart des grands textes classiques [de l’Antiquité gréco-romaine]). » (Leon Morris, “Les Évangiles et la critique contemporaine”, La Bible déchiffrée : Introduction à la lecture de la Bible, Ligue pour la lecture de la Bible, 1977, p. 531).

« Il ne s’agit pas de ‹ critique › au sens courant d’appréciation défavorable, mais au sens d’analyse attentive. […] Il y a presque deux mille ans, les évangélistes rédigèrent en grec quatre Évangiles. Nous n’avons pas les manuscrits originaux nés de la plume des évangélistes, ni d’ailleurs aucun original d’aucun livre du N.T. Ce que nous avons, ce sont beaucoup de copies manuscrites en grec réalisées pendant quelque mille quatre cents ans, entre 150 [ou un peu plus tôt] et l’invention de l’imprimerie [vers 1454]. Souvent, mais généralement sur des points de détail, ces copies diffèrent entre elles en raison de fautes ou de modifications des copistes. La comparaison des différences entre les copies grecques (aussi bien qu’entre d’anciennes traductions et citations du N.T.) est appelée critique textuelle. » (Raymond Brown, Que sait-on du Nouveau Testament ?, Bayard Éditions, 2000, p. 56-57).

« Au fil du temps, la transmission du texte a donc souffert d’erreurs accidentelles ou de changements volontaires, qui l’ont éloigné du texte original […]. La critique textuelle désigne la démarche par laquelle on recherche la formulation originale de l’auteur en comparant les diverses copies et traductions du texte biblique. Il ne s’agit pas de trouver des erreurs mais d’évaluer les formes connues du texte aujourd’hui. […] On n’a aucun doute sur la majeure partie du texte biblique. Là où des variantes – [c-à-d] des différences entre les copies existantes – apparaissent, la formulation originale peut généralement être déterminée avec un haut degré de certitude, grâce aux manuscrits disponibles. […] La présence d’erreurs textuelles n’est pas une raison de considérer la Bible comme non fiable. » (Collectif, “La critique textuelle”, Bible Segond 21 avec notes d’étude archéologiques et historiques, Société biblique de Genève, 2022, p. 1043).

Les différents témoins et leurs abréviations standardisées

« Pour plus de clarté on peut subdiviser les principales sources [appelées ‹ témoins textuels › au sens technique] utilisées pour l’établissement du texte du Nouveau Testament en trois catégories :
1. Plus de 5300 [6000] manuscrits (des copies du Nouveau Testament conservées de façon plus ou moins complète ou des portions de celui-ci) rédigés en grec, dont le plus ancien (le papyrus 52 contenant Jn 18.31-33, 37-38) est ordinairement daté d’environ 125 ap. J.-C. Comme les plus anciens d’entre eux sont écrits en onciales ou majuscules (d’abord sur papyrus, puis sur parchemin) et les manuscrits ultérieurs (à partir du IXe siècle) en minuscules, on distingue des ‹ papyrus ›, des ‹ onciaux › et des ‹ minuscules › [ou ‹ cursifs ›].
2. Des centaines de copies des premières traductions [appelées ‹ versions › au sens technique] dans les langues du bassin méditerranéen (latin, syriaque, copte, etc.) qui remontent jusqu’au IIe siècle.
3. Une foule de citations bibliques dans les écrits des auteurs de l’Église ancienne (des ‹ Pères de l’Église ›) qui fournissent une aide importante pour situer géographiquement et chronologiquement les variantes textuelles trouvées dans les manuscrits. » (Heinrich von Siebenthal, “Nos traductions du Nouveau Testament ont-elles une base textuelle fiable ?”, Théologie évangélique (FLTÉ), 2:3, 2003, p. 226-227).

Afin de faciliter leur tâche, les praticiens de la critique textuelle attribuent des abréviations standardisées (sigles, numéros, etc.) aux manuscrits et autres témoins textuels avec lesquelles ils travaillent. Une connaissance basique de l’identité, de l’abréviation et des caractéristiques sommaires des principaux témoins textuels du N.T. est un préalable obligé pour quiconque veut vraiment se débrouiller dans le domaine de la critique textuelle du N.T. J’ai justement l’intention de m’exprimer un utilisant ces abréviations dans mes futurs articles de la présente série sur ce thème. Malgré que ce méandre d’abréviations codifiées soit très rebutant pour les débutants, une fois qu’on maîtrise passablement bien les principales d’entre-elles, on se rend vite compte qu’elles sont fort utiles car elles permettent de s’exprimer avec beaucoup plus de simplicité !

La plupart des dictionnaires bibliques ou des encyclopédies théologiques contiennent au moins un noyau de renseignements essentiels sur l’histoire du texte biblique et la critique textuelle s’y rapportant (je recommande, par exemple, l’article de Jacques Buchhold intitulé “Manuscrits et texte du Nouveau Testament” paru dans La foi chrétienne et les défis du monde contemporain, Éditions Excelsis, 2013, p. 214-219). Pour le bénéfice des internautes n’ayant pas accès à de telles ressources en format papier, je reproduit ci-dessous quelques extraits d’ouvrages de référence en cette matière.

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Informations élémentaires sur les mss onciaux des Évangiles venant de la “Liste des manuscrits grecs du N.T. en lettres onciales et des manuscrits des anciennes versions” figurant dans le Nouveau Testament d’Edmond Stapfer (1889, p. 19-35) traduit par ce philologue & pasteur réformé français (qui fut doyen de la Faculté de théologie protestante de Paris) via le texte de base grec établi par le bibliothécaire luthérien allemand Oscar von Gebhardt en 1886 :

(N.B. 347 folios du Codex Sinaïticus (01) sont conservés à la British Library de Londres depuis 1933 ; 43 folios sont conservés à la Universitätsbibliothek Leipzig en Haute-Saxe depuis 1845 ; 12 folios demeurent au Monastère de Sainte-Catherine du Sinaï en Égypte où ils furent découverts en 1975. Quant au Codex Alexandrinus (A02), il n’est en fait un représentant du texte-type dit alexandrin que dans les Actes, les Épîtres et l’Apocalypse ; dans les Évangiles il est plutôt un représentant du texte-type byzantin, mais d’un stade primaire de ce type car il ne contient pas des insertions textuelles plus tardives comme la pericope adulteræ. Nous étudierons en détail ce phénomène des textes-types dans un article ultérieur de la présente série.)

Certaines abréviations provenant du Nestle-Aland Greek-English New Testament (pages liminaires) publié par la Société biblique allemande en 1985 (portant le texte de base grec NA26 édité en 1979 par l’Institut de recherche néotestamentaire de Münster en Westphalie) :

Certaines abréviations provenant du Greek New Testament (pages liminaires) publié par la Société biblique allemande à Stuttgart au Würtemberg en 1998 (portant le texte de base grec UBS4 édité en 1993 par l’Alliance biblique universelle) :

Les abréviations des corrections scribales dans les manuscrits expliquées par le professeur & théologien réformé étatsunien Benjamin Breckinridge Warfield (1851-1921) dans son livre An Introduction to the Textual Criticism of the New Testament paru en 1886 (p. 48-49) :

Ressources additionnelles

Voici en outre quelques liens vers du contenu gratuit en français sur la toile permettant d’acquérir ou de peaufiner cette culture générale :

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Pour les internautes préférant le format audiovisuel, voici un assez bon vidéo d’introduction à la critique textuelle en français (je n’endosse pas certains des autres vidéos adventistes de Theoloji, mais celui-ci est correct) :

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Pour les internautes maîtrisant l’anglais, je recommande ces trois séries de webinaires sur la critique textuelle du Nouveau Testament, que voici en ordre de complexité croissante…

{1} “How We Got the Bible” (Finnegan)

Sean Finnegan est un pasteur unitarien conservateur dans l’État de New York. Sachez toutefois que dans cette série de 24 épisodes (dont seuls les épisodes 6 et suivants portent sur le N.T.), il s’en tient à une ligne orthodoxe (pas anti-trinitaire) jusqu’à l’épisode 18 inclusivement.

Hyperlien direct vers la série sur YouTube.

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{2} “Introduction to NT Textual Criticism” (Snapp)

James Snapp est un pasteur évangélique en Indiana, un blogueur assidu sur The Text of the Gospels ainsi qu’un défenseur convaincu de l’authenticité de la finale longue de l’Évangile selon Marc (Mc 16:9-20).

Hyperlien direct vers la série sur YouTube.

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{3} “Introduction to New Testament Textual Criticism” (Wallace)

Daniel Wallace est un spécialiste du grec antique, un professeur d’études néotestamentaires au Dallas Theological Seminary (DTS) au Texas, ainsi que le directeur-exécutif du Center for the Study of New Testament Manuscripts (CSNTM).

Hyperlien direct vers la série sur YouTube.

Hyperlien vers la série sur BiblicalTraining.org (version intégrale – 36 épisodes).

Hyperlien vers la série sur BiblicalTraining.org (version condensée – 6 épisodes).

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« Faire preuve de scepticisme quant au texte final du Nouveau Testament, c’est permettre à toute l’Antiquité classique de sombrer dans l’obscurité, car il n’existe aucun [autre] document de cette période ancienne qui bénéficie d’un témoignage bibliographique aussi [bien] attesté que le Nouveau Testament. » — John Warwick Montgomery, History and Christianity, 1971, p. 29

« J’ose même dire que ce grand nombre de variétés [dans les manuscrits grecs du N.T.] leur doit donner plus d’autorité que s’il n’y en avait aucune. Car il est impossible qu’un livre qui a passé par tant de mains demeure toujours le même, à moins qu’on ne l’ait corrigé [c-à-d qu’on ait fait une *recension* sélective], et qu’on ait dans la suite suivis exactement cette correction [c-à-d cette recension], comme il est arrivé aux juifs à l’égard du texte hébreu du Vieux Testament. Il est avantageux à un livre qu’il y en ait plusieurs exemplaires différents, afin qu’on puisse mieux juger des véritables leçons. Et c’est en quoi on doit préférer les livres du Nouveau Testament à la plupart des autres, parce que la religion chrétienne ayant été répandue en tant de différents pays, chaque nation en a eu des copies ou des versions. » — Richard Simon, Histoire critique du texte du N.T., 1689, p. 338

« Ce sont ces différentes copies sur lesquelles nous devons aujourd’hui nous régler, puisque nous n’avons plus le premier Original. On cherchera donc le plus exactement qu’il sera possible les exemplaires grecs manuscrits et même les plus anciennes versions [c-à-d traductions] qui ont été faites sur le grec. Il ne faut point s’appuyer sur une édition grecque plutôt que sur une autre, si elle n’est appuyée sur de meilleurs manuscrits. » — Richard Simon, Histoire critique du texte du N.T., 1689, p. 338

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