Source : What Does Peter Mean by the Passing Away of Heaven and Earth ? A Study of 2 Peter 3 par Gary DeMar et David Chilton | Traduction par Libre avec Dieu | Révision par Le Monarchomaque. Sauf indication contraire, la traduction française des Écritures Saintes utilisée est la Bible d’Ostervald.
2 Pierre 3:3-18 est un passage très fréquemment cité comme une accusation envers ceux qui dénoncent les spéculations prophétiques modernes. Si vous contestez la croyance que les signes qui nous entourent indiquent que nous vivons dans les « derniers jours », vous êtes alors étiqueté comme un « moqueur » (2 Pierre 3:3). Si cela est vrai, comment allons-nous décrire ceux qui soutenaient que les signes proposés durant les deux guerres mondiales n’étaient pas des signes de la Fin [c’est-à-dire de l’Eschaton] ? Ils avaient raison ! Étaient-ils des « moqueurs » ? On peut se demander la même chose au sujet de ceux qui rejetaient les affirmations comme quoi les évènements entourant la Révolution française du XVIIème siècle étaient des signes prophétiques évidents de la Fin de toutes choses.
Chaque génération a eu ses gens qui affirmaient que la Fin était proche et d’autres qui soutenaient que la Fin n’était pas proche. Comme Francis Gumerlock le démontre dans son livre The Day and the Hour (Le Jour et l’Heure), en appeler aux signes contemporains afin de faire des prédictions que la Fin est proche est une pratique possédant une longue histoire. On pourrait penser que désormais, les chrétiens arrêteraient de le faire, mais non. Ils savent que faire tourner la machine prophétique fait vendre beaucoup, beaucoup de livres.
Les gens que Pierre accuse d’être des « moqueurs » étaient des ennemis de Jésus et de l’Évangile. Ils se moquaient des affirmations faites par Jésus qu’il viendrait lui-même détruire le Temple et ce, avant que leur génération ne passe. Puisque le Temple se tenait encore debout, près de 30 ans après la prédiction de Jésus, et que rien n’indiquait qu’il serait détruit en moins d’une dizaine d’années, ils commencèrent à se moquer des paroles de Jésus. Il y a une grande différence entre un « moqueur » qui rejette la révélation biblique, dans ce cas les paroles de Jésus, et quelqu’un qui argumente pour une position alternative en utilisant de solides arguments bibliques. Une personne en désaccord avec les spéculations prophétiques modernes n’est pas un « moqueur », particulièrement après autant de tentatives manquées pour prédire la certitude de la Fin à travers les siècles.
On pourrait aussi facilement soutenir que les spéculateurs prophétiques modernes (vous savez de qui je parle) sont des « moqueurs » parce qu’ils tordent et déforment les paroles claires de Jésus qu’il reviendrait en jugement avant que la génération du premier siècle ne passe (Matthieu 24:34). Ils essaient d’argumenter que le mot grec genea [comme dans généalogie], traduit correctement par « génération », doit être traduit par « race » ou « nation ». Lorsque ça ne fonctionne pas, certains argumentent que « cette génération-ci » (au présent), devrait être traduit par « cette génération-là » (au futur). Lorsque les mots clairs de Jésus ne s’accordent pas avec leur paradigme prophétique, des mots sont enlevés et de nouveaux sont ajoutés. « Cette génération-ci » devient « la génération qui verra ces choses », comme si Jésus s’adressait à une génération autre que celle à laquelle il parlait ! Jésus a clairement indiqué que son auditoire d’alors verrait ces choses : « Lorsque vous verrez toutes ces choses… » (Matthieu 24:33).
2 Pierre 3 fait le lien entre des « moqueurs » et les « derniers jours », entre la « promesse de son avènement », le « jour du Seigneur » (v. 10) et les « cieux et la terre qui seront embrasés et dissous ». L’utilisation de l’expression « les derniers jours » par Pierre n’est ni un code renvoyant à des évènements menant à l’enlèvement, ni la seconde venue. Gordon Haddon Clark commente :
« Beaucoup de gens pensent que l’expression ‹ les derniers jours › concerne le futur, la Fin de notre époque [ou plus exactement la Fin de toutes les époques, c’est-à-dire l’Eschaton]. Elle indique plutôt clairement le temps de Pierre lui-même. 1 Jean 2:18 dit que c’est, à son époque, la dernière heure. Dans Actes 2:17, Pierre cite une prophétie des ‹ derniers jours › du prophète Joël comme étant l’époque où il vivait… De toute évidence, Pierre voulait parler de son temps à lui. » [1]
Il y a d’autres passages, comme : Hébreux 1:1-2, « Dieu… nous a parlé en ces derniers jours par son Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses et par lequel il a fait les siècles » […] ; Hébreux 9:26, « …mais à présent, à la consommation des siècles, il a paru une seule fois pour abolir le péché, en se sacrifiant lui-même » (notez l’utilisation du « à présent ») ; 1 Corinthiens 10:11, « nous qui sommes parvenus aux derniers temps » ; et Jacques 5:3, « vous avez amassé des trésors dans ces jours qui sont les derniers » (Colombe) / « dans les derniers jours, vous avez amassé des trésors » (NBS). La question est : Les derniers jours de quoi ? Les derniers jours de l’Ancienne Alliance avec son Temple de pierre, ses sacrifices sanglants ainsi qu’une prêtrise [lévitique] terrestre et pécheresse.
L’inconsistance de l’interprétation prémillénariste
La plupart des chrétiens qui nous traitent de « moqueurs » sont prémillénaristes, c’est-à-dire qu’ils croient qu’il y aura, dans le futur, une période de grande tribulation de sept ans qui sera immédiatement suivie du règne terrestre de Jésus pour mille ans. Les évènements décrits par Pierre devraient s’accomplir seulement après cette période de 1007 ans. Or, les nouveaux cieux et la nouvelle terre arriveront après que « le premier ciel et la première terre » auront disparu (Apocalypse 21:1). Ces évènements suivront la période de mille ans d’Apocalypse 20. Même en suivant les suppositions prémillénaristes (qui selon moi sont fausses), il est logique de soutenir que les évènements décrits par Pierre ne peuvent être proches [de toutes façons] ! Comment quelqu’un peut-il être le moqueur d’évènements proches alors que la disparition du cosmos est éloignée de plus d’un millénaire ? Ça ne fait aucun sens.
L’accusation [de l’apôtre Pierre] ne fait de sens que si les évènements décrits sont, en fait, rapprochés de la génération de Pierre. Ceux de sa génération attendaient « ces choses » (2 Pierre 3:14). Comment pouvaient-ils attendre « ces choses » si elles étaient pour se produire au moins 1007 ans dans le futur ? En fait, aussitôt que Jésus posera à nouveau ses pieds sur la planète, il sera très facile, selon les prémillénaristes, de calculer la date à laquelle les évènements de 2 Pierre 3 auront lieu — exactement 1000 ans plus tard. Pour faire taire les moqueurs, tout ce que l’on aurait alors à dire sera : « Regardez, Dieu a promis que ces évènements n’arriveront pas avant mille ans. »
Ceci veut dire que pour les prémillénaristes [du moins, ceux d’entre eux qui sont consistants], les évènements révélés et décrits par Pierre n’ont rien à voir avec notre époque. Ils sont loin dans le futur. Ceci veut dire que [même avec une grille de lecture prémillénariste], cette section des Écritures ne peut être utilisée pour faire taire ceux qui rejettent la notion que nous vivons présentement dans les derniers jours. Pierre affirme spécifiquement, toujours selon le paradigme prémillénariste, que les « derniers jours » sont, à partir d’aujourd’hui, 1007 ans dans le futur. Donc, si les « derniers jours » font référence à la période juste avant la dissolution du cosmos, qui est au moins 1007 ans dans notre futur, alors nous ne pouvons être dans les « derniers jours » et aucun signes ne peuvent être invoqués en preuve afin de supporter l’affirmation qu’il y a des nouveaux cieux et une nouvelle terre à l’horizon prophétique imminent.
Le langage de 2 Pierre 3 est certainement apocalyptique, mais est-ce que Pierre décrit la Fin de l’univers espace-temps comme on le perçoit généralement, ou décrit-il la fin d’un différent type de monde ? La seule façon de le savoir est d’étudier le langage similaire retrouvé dans l’Ancien Testament. En Michée 1:1, une parole prophétique est révélée « à Michée, de Morésheth, aux jours de Jotham, d’Achaz, d’Ézéchias, rois de Juda, et qui lui fut révélée touchant Samarie et Jérusalem ». La prophétie de Michée ne se rapporte pas à un futur lointain, mais plutôt « à cause du crime de Jacob, à cause des péchés de la maison d’Israël », à cause des « hauts lieux de Juda » (1:5). La prophétie concerne une époque où la nation était dominée par l’idolâtrie (1:6-7). Notez comment le jugement imminent est décrit (1:2-4) :
« Écoutez, vous tous, peuples ! Sois attentive, ô terre, avec tout ce qui est en toi ! Que le Seigneur, l’Éternel, soit témoin contre vous, le Seigneur, du palais de sa sainteté ! Car voici, l’Éternel sort de sa demeure ; il descend, et marche sur les lieux élevés de la terre. Les montagnes se fondent sous lui, les vallées s’entrouvrent, comme la cire devant le feu, comme des eaux qui coulent sur une pente. »
Dieu appelle le monde en témoin contre le peuple de son Alliance, qui avait reçu la loi interdisant les idoles et les images taillées d’une façon personnelle, par des Commandements écrits sur la pierre (Exode 20). Dieu est décrit comme descendant, causant les montagnes et les vallées à fondre et à s’entrouvrir, inondant le pays de ces débris. Ce langage est utilisé ailleurs pour décrire des évènements locaux similaires (Juges 5:3 ; 2 Samuel 22 ; Psaumes 18:7-10, 68:8 ; Ésaïe 64:1-2). C’est le langage d’une dé-création. Les montagnes ont-elles réellement fondu ? Pas plus que « les fondements du monde furent mis à découvert » lorsque David battit « tous ses ennemis » (voir le Psaume 18:15 et son prologue).
Nous trouvons quelque chose de semblable dans le Livre de Sophonie. Un jugement local, qui a des conséquences nationales pour Juda et Jérusalem, est décrit comme la fin de la terre et de tout ce qui y vit :
« Je ferai périr entièrement toutes choses sur la face de la terre, dit l’Éternel. Je ferai périr les hommes et les bêtes ; je ferai périr les oiseaux du ciel et les poissons de la mer ; j’enlèverai les scandales avec les méchants, et je retrancherai les hommes de la face de la terre, dit l’Éternel. » (Sophonie 1:2-4)
Ce jugement local est l’inverse de la création. Plus tard dans le chapitre nous lisons : « Le grand jour de l’Éternel est proche ; il est proche, et vient en toute hâte… par le feu de sa jalousie tout le pays sera consumé ; car c’est d’une entière destruction, c’est d’une ruine soudaine qu’il frappera tous les habitants de la terre » (1:14,18). Notez l’utilisation du « feu » et d’une « ruine soudaine » dans cette fin catastrophique.
Pierre utilise le même langage. Il écrit à son époque que « la fin de toutes choses est proche » (1 Pierre 4:7 ; voir 1:20, « Christ… manifesté dans les derniers temps »). Comme pour Sophonie, cette description prophétique ne peut pas être une déclaration que la Fin de l’univers physique était sur le point de se produire [puisqu’elle ne s’est pas produite]. Dans la Bible, l’utilisation de l’expression « la fin est proche » indique que, peu importe de quelle fin il s’agit, elle était proche de Pierre et de son auditoire du Ier siècle. Jay Edwards Adams nous offre un commentaire utile sur ce passage, en prenant en compte son contexte historique et théologique :
« La [Première] épître de Pierre fut écrite avant 70 ap. J.-C. (quand eut lieu la destruction de Jérusalem)… La persécution que ces Juifs chrétiens avaient connue jusque-là venait principalement des Juifs non-convertis (effectivement, ses lecteurs avaient trouvé refuge parmi les Gentils en tant que résidents étrangers)… Il fait référence aux lourdes épreuves qui vinrent sur les chrétiens qui avaient fuit la Palestine sous les attaques des Juifs non-convertis. La fin de toutes les choses (qui ont provoqué cet exile) était proche.
Six ou sept ans après l’écriture de cette épître, la chute de Jérusalem, avec toutes ses histoires tragiques, telles que prédites dans le Livre de l’Apocalypse et dans le discours sur le mont des Oliviers [Matthieu 24, Marc 13, Luc 17 & 21], sur lequel est basée cette partie, allaient se produire. Titus et Vespasien allaient anéantir l’ancien ordre une fois pour toutes. Toutes ces forces qui menèrent à la persécution et à l’exil des chrétiens vers l’Asie mineure – les cérémonies du Temple (abolies par la mort de Christ), le pharisaïsme (avec ses distorsions des lois de l’A.T. pour en faire un système d’œuvres légaliste) et la position politique [avantageuse] de la Judée juive envers Rome – allaient être effacés. Les armées romaines allaient enlever l’opposition juive de la face du pays. Ceux qui survécurent l’holocauste de 70 furent dispersés à travers le monde méditerranéen. ‹ Alors ›, dit Pierre, ‹ tenez bon, la fin est proche ›. La fin complète de l’ordre de l’A.T. (déjà aboli par la croix et le tombeau vide) était sur le point de se produire. » [2]
La promesse de son avènement
Quelle « promesse de son avènement » Pierre avait-il en tête ? Pierre était présent avec les autres apôtres lorsque Jésus affirma : « Je vous dis en vérité qu’il y en a quelques-uns de ceux qui sont ici présents, qui ne mourront point qu’ils n’aient vu le Fils de l’homme venir en son règne » (Matthieu 16:28, cf. Marc 9:1). Cet évènement a nécessairement dû se produire du vivant de son auditoire. Jésus leur a également dit qu’il viendrait en jugement avant que cette génération ne passe (24:34). Jésus utilise toujours « cette génération » pour se référer à ses contemporains (Matthieu 11:16, 12:41-42, 23:36 ; Marc 8:12, 13:30 ; Luc 7:31, 11:29-32, 11:50-51, 17:25, 21:32). Il n’utilise jamais « cette génération » pour faire référence à une génération future.
La parousia (« venue » / « présence ») est un temps de jugement divin sur le monde de l’ancienne alliance (Matthieu 24:27). Pierre était là quand Jésus dit qu’il reviendrait en jugement dans l’espace d’une génération (Marc 13:3,30). Dans le verset suivant, Jésus dit à Pierre et à ceux qui étaient là que les cieux et la terre allaient disparaître (Marc 13:31 ; Matthieu 24:35). La consumation des cieux et de la terre est une référence à la fin de l’économie de l’Ancienne Alliance. Étant juifs, et donc familiers avec l’Ancien Testament, ils n’auraient pas pu interpréter les mots de Jésus autrement. Entre Matthieu 16:27-28 et 24:34, Jésus raconte que Jérusalem sera consumée par le feu (22:7). Cet incendie consumera du même coup tout ce qui concernait l’ancienne économie.
Peter Leithart met ce chapitre [2 Pierre 3] dans son contexte pour nous :
« Mais où les moqueurs auraient-ils pris l’idée que Jésus reviendrait avant que les “pères” ne meurent ? C’est justement qui Jésus le leur avait dit. Tout le débat prend pour acquis que Jésus avait promis de revenir bientôt. Sans cette prémisse, ni les moqueries des moqueurs, ni la [Deuxième] épître de Pierre ne font de sens. Pierre et ses adversaires ne s’entendent pas sur la fiabilité de la promesse, mais ils s’entendent sur son contenu. » [3]
Les “pères” (2 Pierre 3:4) étaient les véritables pères de l’Église primitive. Quelques-uns d’entre-eux étaient morts après que Jésus ait fait la promesse qu’il reviendrait avant que ne passe leur génération (Matthieu 24:9,34 ; Jean 16:2 ; Actes 7:54-60 et 12:2).
Il y a encore beaucoup à dire sur 2 Pierre 3. La section suivante fut écrite par le regretté David Chilton (1951-1997). David Chilton a laissé derrière lui une immense œuvre sur l’eschatologie : Un commentaire verset par verset du Livre de l’Apocalypse (Days of Vengeance), un ouvrage sur les principes d’interprétation prophétique (Paradise Restored), et un exposé du discours du mont des Oliviers (The Great Tribulation).
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L’analyse de David Chilton… et de John Owen
Selon la Deuxième épître de Pierre, Christ et les apôtres avaient averti que l’apostasie s’accélérerait vers la fin des « derniers jours » (2 Pierre 3:2-4 ; voir Jude 17-19) — La période de 40 ans entre l’ascension de Christ et la destruction du Temple en 70. [4] Pierre dit clairement que ces moqueurs des derniers jours étaient des apostats de l’Alliance : Familiers avec l’histoire de l’Ancien Testament et de la prophétie, c’étaient des juifs qui avaient abandonné l’Alliance abrahamique en rejetant Christ. Jésus avait prévenu à plusieurs reprises que sur cette génération méchante et perverse viendrait le grand « jour du jugement » annoncé par les prophètes, la « perdition des hommes impies », comme ce qu’ont souffert les méchants qui périrent aux jours de Noé (2 Pierre 3:5-7). Jésus fit cette analogie au cours de son ministère (Matthieu 24:37 et Luc 17-26-27). Tout comme Dieu détruisit le « monde » d’avant le Déluge, le « monde » de l’Israël du Ier siècle serait détruit par le feu lors de la chute de Jérusalem.
Pierre décrit ce jugement comme la destruction des « cieux » et de la « terre d’à présent » (3:7), faisant place à « de nouveaux cieux et une nouvelle terre » (3:13). À cause de la terminologie du style « univers qui s’effondre » utilisée dans ce passage, beaucoup ont pris pour acquis que Pierre parlait de la Fin ultime et matérielle des cieux et de la terre, plutôt que de la dissolution du monde de l’Ancienne Alliance. Un grand théologien puritain du XVIème siècle, John Owen, a répondu à cela en se référant à l’usage des termes « cieux » et « terre » qui est très caractéristiquement métaphorique dans la Bible, comme dans la description de l’Alliance mosaïque en Ésaïe :
« Car je suis l’Éternel ton Dieu, qui frappe la mer et fais mugir ses flots, de qui le nom est l’Éternel des armées. J’ai mis mes paroles dans ta bouche, et t’ai couvert de l’ombre de ma main, pour rétablir les cieux et fonder la terre, pour dire à Sion : Tu es mon peuple ! » (Ésaïe 51:15-16)
John Owen écrit :
« Le temps de l’accomplissement des évènements mentionnés ici, le rétablissement des cieux et la fondation de la terre, fut lorsque Dieu divisa la mer (v. 15), donna la loi (v. 16), et dit à Sion ‹ Tu es mon peuple ›, c’est-à-dire, lorsqu’il mena les enfants d’Israël hors d’Égypte, et les forma dans le désert en une Assemblée de croyants et un État civil. C’est alors qu’il établit les cieux et fonda la terre, qu’il fit un monde nouveau, c’est-à-dire qu’il apporta l’ordre, le gouvernement et la beauté au sortir de la confusion dans laquelle ils se trouvaient avant. C’est là le rétablissement des cieux et la fondation de la terre.
Il en est donc ainsi lorsqu’il est fait mention de la destruction d’un État et de son gouvernement, avec ce langage qui semble [a priori] parler de la Fin du monde. C’est le cas en Ésaïe 34, à propos de la destruction de l’État d’Édom. Nous voyons une affirmation semblable à propos de l’Empire romain en Apocalypse 6:14 […]. Et dans la prédiction de Christ notre Sauveur sur la destruction de Jérusalem, en Matthieu 24, il décrit tout ça par des expressions de la même importance. Il est donc évident que, dans l’idiome et la façon de parler prophétiques, par ‹ cieux › et ‹ terre ›, il est [souvent] question d’États civils & religieux, de collectivités d’hommes dans le monde. […] » [5]
Un autre texte de l’Ancien Testament, un parmi plusieurs qui pourraient être mentionnés, est Jérémie 4:23-31 – lequel annonce la chute imminente de Jérusalem en 587 av. J.-C. – dans un langage similaire de dé-création :
« Je regarde la terre, et voici elle est informe et vide ; et les cieux, et leur lumière n’est plus. […] Car ainsi a dit l’Éternel : Tout le pays sera dévasté [référence à la malédiction de Lévitique 26:31-33 ; voir une allusion à l’un de ses accomplissements en Matthieu 24:15 !] quoique je ne fasse pas une destruction entière. À cause de cela, la terre sera dans le deuil, et les cieux en haut seront noirs […]. »
Depuis le tout début, l’Alliance de Dieu avec Israël est exprimée en termes d’une nouvelle création : Moïse a décrit le salut d’Israël dans le désert en termes de l’Esprit de Dieu planant au dessus de la désolation, tout comme le premier jour de la création. [6] Dans l’Exode, comme à la création originelle, Dieu sépara la lumière des ténèbres (Exode 14:20), sépara les eaux des eaux pour qu’apparaisse la terre sèche (14:21-22), et planta son peuple sur sa montagne sainte (15:17). La formation d’Israël par Dieu est donc une image de la création, une récapitulation rédemptrice de la création du ciel et de la terre. Dans l’ordre de l’Ancienne Alliance, le monde entier était organisé autour du sanctuaire du Temple à Jérusalem. Il pouvait convenablement être décrit, avant sa dissolution finale, comme « les cieux et la terre d’à présent ». Le prédicateur du XIXème siècle, John Brown, écrit :
« Une personne familière avec la phraséologie de l’Ancien Testament sait que la dissolution de l’économie mosaïque, et l’établissement du christianisme, est souvent décrit comme la disparition des vieux terre & cieux, et la création de nouveaux terre & cieux. […] La période terminant une dispensation, ainsi que le commencement de l’autre, est désignée comme les ‹ derniers jours › et la ‹ fin du monde ›, elle est décrite comme une si grande agitation de la terre et des cieux qu’elle entraîne la disparition des choses qui furent agitées (Aggée 2:6-7 ; Hébreux 12:26-27). » [7]
[Poursuivons avec John Owen…]
« Donc, sur cette base, j’affirme que les cieux et la terre dont il est question dans la prophétie de Pierre, la venue du Seigneur, le jour du jugement et de perdition des hommes impies, mentionnés dans la destruction du ciel et de la terre, sont tous liés, non à l’ultime et final Jugement du monde, mais à la désolation et destruction totale de l’Église et de l’État judaïques. » [8]
…autrement dit, la chute de Jérusalem en 70 ap. J.-C.
Pierre parle-t-il de physique atomique ?
Cette interprétation est confirmée par une information supplémentaire de Pierre. Lors de cet imminent « jour du Seigneur » qui était sur le point d’arriver sur le monde du Ier siècle « comme un voleur » (Matthieu 24:42-43 ; Apocalypse 3:3), « les éléments embrasés seront dissous, et la terre, avec les œuvres qui sont en elle, sera entièrement brûlée » (2 Pierre 3:10, cf. v. 12). Quels sont ces éléments ? Les soi-disant « littéralistes » assument à la légère que l’apôtre discute de physique, qu’il utilise ce terme pour parler d’atomes (ou encore de particules subatomiques), [c’est-à-dire] des composantes [matérielles] de l’univers. Ce que ces [prétendus] littéralistes ne savent pas, c’est que le mot « éléments » (stoicheia) est utilisé plusieurs fois dans le Nouveau Testament, mais jamais pour désigner l’univers physique !
(À cet égard, le commentaire vraiment trompeur de la New Geneva Study Bible [l’ancien nom de la Reformation Study Bible] sur ce passage va à l’encontre de son propre principe d’interprétation selon lequel « la Bible interprète la Bible ». Pour des significations possibles du mot, elle cite des philosophes grecs païens et des astrologues — mais jamais l’utilisation qu’en fait la Bible !)
Selon le Theological Dictionary of New Testament Words de Gerhard Kittel, malgré que ce mot soit utilisé de différentes façons dans la littérature païenne (s’y référent aux « quatre éléments » du monde physique [une fantaisie d’Empédocle d’Agrigente], ou aux « notes » dans une gamme musicale, ou aux « principes » de géométrie et de logique), les écrivains du Nouveau Testament utilisent ce terme « d’une nouvelle façon, décrivant stoicheia comme faible et misérable. Dans un sens transféré, les stoicheia sont les choses sur lesquelles l’existence pré-chrétienne repose, surtout dans la religion pré-chrétienne. Ces choses sont impuissantes ; elles apportent l’esclavage au lieu de la liberté. » [9]
À travers le Nouveau Testament, le mot « éléments » (stoicheia) est toujours utilisé en relation avec l’ordre de l’Ancienne Alliance. Paul utilise ce terme dans sa réprimande cinglante aux chrétiens de Galatie qui étaient tentés d’abandonner la liberté du Nouveau Testament pour un légalisme [judaïsant]. Décrivant les rituels et les cérémonies de l’Ancienne Alliance, il dit : « …nous étions sous l’esclavage des rudiments [stoicheia] du monde … maintenant que vous avez connu Dieu, ou plutôt que vous avez été connus de Dieu, comment retournez-vous encore à ces faibles et misérables rudiments [stoicheia], auxquels vous voulez vous assujettir de nouveau ? Vous observez les jours, les mois, les temps et les années… » (Galates 4:3 et 4:9-10).
[L’apôtre Paul] averti les Colossiens : « Prenez garde que personne ne vous séduise par la philosophie et par de vaines tromperies, selon la tradition des hommes, selon les rudiments [stoicheia] du monde, et non selon Christ … Si donc vous êtes morts avec Christ, quant aux rudiments [stoicheia] du monde, pourquoi vous charge-t-on de ces préceptes, comme si vous viviez encore au monde ? En vous disant : “Ne mange pas, ne goûte pas, ne touche pas” » (Colossiens 2:8 et 2:20-21).
L’auteur de l’Épître aux Hébreux les réprimande : « En effet, tandis que vous devriez être maîtres depuis longtemps, vous avez encore besoin d’apprendre les premiers éléments [stocheia] des oracles de Dieu ; et vous en êtes venus à avoir besoin de lait, et non de nourriture solide » (Hébreux 5:12). Selon le contexte, il est clair que l’auteur parle [d’éléments disparus] de l’Ancienne Alliance en particulier puisqu’il les connecte avec le terme « oracles de Dieu », une expression utilisée ailleurs dans le Nouveau Testament pour la révélation provisoire de l’Ancienne Alliance (voir Actes 7:38 ; Romains 3:2).
Ces citations de Galates, Colossiens et Hébreux contiennent toutes les incidences du mot stoicheia dans le Nouveau Testament. Aucune d’entre elles ne se réfère au monde physique ou à l’univers ; toutes parlent des « éléments » du système de l’Ancienne Alliance, lequel, selon les apôtres écrivant avant la destruction prochaine du Temple de l’Ancienne Alliance en 70 ap. J.-C., était « devenu ancien », avait « vieilli » et était « près de disparaître » (Hébreux 8:13). Pierre utilise le même terme exactement de la même façon. À travers le Nouveau Testament grec, le mot « éléments » (stoicheia) signifie toujours les éléments de l’alliance et non les éléments physiques ; [ce mot désigne] les éléments fondamentaux d’un système religieux qui était condamné à disparaître dans un terrible jugement (Matthieu 22:7).
« Or, le jour du Seigneur viendra comme un larron dans la nuit ; en ce temps-là les cieux passeront avec fracas, et les éléments [stoicheia] embrasés seront dissous, et la terre, avec les œuvres qui sont en elle, sera entièrement brûlée. Puis donc que toutes ces choses doivent se dissoudre, quels ne devez-vous pas être par la sainteté de votre conduite et votre piété, attendant, et hâtant la venue du jour de Dieu, dans lequel les cieux enflammés seront dissous, et les éléments [stoicheia] embrasés se fondront ? » (2 Pierre 3:10-12)
Contrairement à l’interprétation trompeuse des traducteurs aveuglés par leurs présuppositions, Pierre insiste que la dissolution « des cieux et de la terre d’à présent » – le système de l’Ancienne Alliance avec ses rituels obligatoires et ses sacrifices sanglants – était déjà en train de se produire : l’univers de l’Ancienne Alliance tombait en morceaux, pour ne plus jamais être ré-assemblé [comme l’enseigne le Père de l’Église Athanase d’Alexandrie dans Sur l’incarnation du Verbe composé vers 335-337 :]
« Quand la prophétie et la vision cessèrent-ils en Israël ? N’est-ce pas lorsque Christ est venu, le Saint des saints ? En fait, c’est un signe et une preuve notoire de la venue du Verbe que Jérusalem ne tienne plus et qu’aucun prophète n’y soit élevé ni aucune vision révélé parmi eux. Et c’est naturel qu’il en soit ainsi, car quand Celui qui était signifié fut venu, avions-nous encore besoin de quelqu’un pour le signifier ? Et lorsque la Vérité fut venue, avions-nous encore besoin de l’ombre ? […] Et le royaume de Jérusalem cessa du même coup, les rois devaient être oints parmi eux seulement jusqu’à ce qu’on eut oint le Saint des saints. » [10]
Le message de Pierre, argumente le théologien puritain John Owen, est que « les cieux et la terre que Dieu a lui-même plantés – le soleil, la lune et les étoiles de l’Église et de l’État judaïques, l’ancien monde d’adoration [pervertie] et d’adorateurs [idolâtres], qui se démarquent dans leur obstination contre le Seigneur Christ – devront être perceptiblement dissous et détruits. » [11]
Comme nous l’avons vu, John Owen, auteur d’un commentaire en sept volumes sur l’Épître aux Hébreux, soutient que l’enseignement de 2 Pierre 3 à propos de la venue du « jour du Seigneur » n’était pas en rapport avec la fin physique de l’univers, mais avec l’Ancienne Alliance et la nation d’Israël. Il souligne que la phrase « les cieux et la terre » est souvent utilisée dans l’Ancien Testament comme une expression symbolique de la création alliancielle de Dieu, Israël (voir Ésaïe 51-15-20 ; Jérémie 4:23-31). [12]
Owen offre deux raison supplémentaires (« parmi plusieurs sur lesquelles on pourrait insister à partir du texte », dit-il) de reconnaître l’accomplissement de 2 Pierre 3 en 70 ap. J.-C. Premièrement, il fait remarquer que « peut importe ce qui est mentionné ici, cela était pour avoir une influence particulière sur les hommes de cette génération » [13]. Ceci est un point crucial, qui doit être reconnu clairement dans toute évaluation honnête de ce que l’apôtre voulait dire. Pierre est particulièrement préoccupé que ses lecteurs se souviennent des avertissements apostoliques à propos des « derniers jours » (v. 2-3 ; cf. 1 Timothée 4:1-6 ; 2 Timothée 3:1-9). Pendant ce temps, les moqueurs juifs de son époque, qui étaient de toute évidence familiers avec les prophéties bibliques de jugement, refusaient de tenir compte de ces avertissements (v. 3-5). [Deuxièmement, Pierre] exhorte ses lecteurs à vivre une vie sainte à la lumière de ce jugement imminent (v. 11 & 14) ; et ce sont ces premiers chrétiens qui sont enjoints « d’attendre et de hâter » activement le jugement (v. 12-14). C’est précisément la proximité de la catastrophe à venir que Pierre invoque afin de les motiver à s’appliquer à une vie sainte !
Objection réfutée
Une objection facile à l’exposé ci-dessus est de faire référence à ce qui est probablement le texte le plus connu – et le plus mal comprit – de la Deuxième épître de Pierre : « Toutefois, bien-aimés, n’ignorez pas une chose, c’est que pour le Seigneur un jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un jour » (2 Pierre 3:8). Cela veut dire, nous dit-on, que « l’arithmétique de Dieu est différente de la nôtre », et donc que, lorsque l’Écriture utilise des termes comme « proche » et « bientôt » ou « à la porte » (par exemple Apocalypse 1:1-3 et Matthieu 24:33), cela ne ferait pas référence à des évènements qui approchent à grands pas, mais à des évènements possiblement éloignés de milliers d’années dans le futur ! Milton Terry a réfuté cette théorie en apparence plausible, mais fallacieuse :
« Ce langage vient d’une citation poétique du Psaume 90:4, et nous est donnée afin de démontrer qu’un espace de temps n’invalide pas les promesses de Dieu. […] Ceci est vraiment différent qu’affirmer que lorsque le Dieu Éternel promet une chose pour bientôt, et déclare qu’elle est proche et à la porte, il pourrait vouloir dire que ce sera mille ans dans le futur. Il pourrait prendre mille ans et plus pour accomplir une promesse indéfinie, mais ce qu’Il affirme être proche et à la porte, que nul homme ne le déclare lointain. » [14]
James Stuart Russell écrit avec consternation :
« Peu de passages ont autant souffert de déformation. On lui a fait parler un langage inconsistant avec son intention évidente, et même incompatible avec une stricte considération de la véracité.
Il y a probablement ici une allusion aux mots du Psalmiste, contrastant la brièveté de la vie humaine avec l’éternité de l’existence divine […] mais ce serait sûrement le summum de l’absurdité de considérer cette sublime image poétique comme le calculus de la mesure divine du temps, ou comme une justification afin d’ignorer complètement les indications de temps dans les prédictions et promesses de Dieu.
Il n’est pourtant pas inhabituel de citer ces mots comme un argument ou une excuse afin d’ignorer l’élément temporel des écrits prophétiques. Même dans les prédictions où un certain temps est spécifié, ou que des limitations comme ‹ bientôt ›, ‹ rapidement › ou ‹ à la porte › sont exprimées, ce passage [2 Pierre 3:8] est invoqué pour justifier un traitement arbitraire de tels notes de temps, de telle façon que ‹ bientôt › voudra dire ‹ tard ›, ‹ proche › voudra dire ‹ lointain ›, ‹ court › voudra dire ‹ long ›, et vice-versa. […]
Il est assurément nécessaire de rejeter très fortement une méthode aussi contre-intuitive d’interpréter le langage des Écritures. C’est plus que non-grammatical et déraisonnable, c’est immoral. Cela suggère que Dieu a deux poids et deux mesures dans sa relation avec les hommes, et que dans sa façon de compter il y a des ambigüités et une variabilité qui rendent impossible de ‹ rechercher pour quel temps et quelles conjonctures l’Esprit de Christ qui était en eux rendait témoignage d’avance › [1 Pierre 1:11 …]
Les Écritures elles-mêmes ne donnent toutefois aucune approbation à une telle méthode d’interprétation. La fidélité est un des attributs le plus fréquemment donné au ‹ Dieu qui garde son alliance ›, et la fidélité de Dieu, c’est ce que l’apôtre affirme dans ce passage même. […] L’apôtre ne dit pas que lorsque l’Éternel promet une chose pour aujourd’hui [ou demain matin], il pourrait ne pas accomplir sa promesse d’ici mille ans : ce serait de la négligence ; cela briserait la promesse. Il ne dit pas que Dieu, puisqu’il est infini et éternel, compte avec une arithmétique différente de la nôtre, ou qu’il nous parle à double sens, ou qu’il utilise différents poids et mesures dans ses relations avec les hommes. C’est l’inverse qui est vrai. […]
Il est évident que le but de l’apôtre dans ce passage est de donner à ses lecteurs la plus forte assurance que la catastrophe imminente des derniers jours est sur le point d’arriver. La véracité et la fidélité de Dieu étaient la garantie de l’accomplissement ponctuelle de la promesse. S’il avait voulu dire que le temps n’était qu’un paramètre variable [élastique] dans la promesse de Dieu, cela aurait rendu nul son propre enseignement, que ‹ le Seigneur ne retarde point l’exécution de sa promesse › (v. 9). » [15]
Prémices de la nouvelle création
Continuant son analyse, John Owen cite 2 Pierre 3:13 : « Or, nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habite. » Owen demande : « Quelle est cette promesse ? Où pourrions-nous la trouver ? » Bonne question. Connaissez-vous la réponse ? À quel endroit, dans l’Ancien Testament, Dieu promet-il de nouveaux cieux et une nouvelle terre ? Soit dit en passant, ceci soulève un point encore plus grand et plus fascinant : Lorsque le Nouveau Testament rapporte ou cite un texte de l’Ancien Testament, c’est souvent une bonne idée de retrouver la citation originale, de voir ce qu’elle voulait dire dans son contexte original, et de voir ensuite la tournure que lui donne l’auteur du Nouveau Testament. Par exemple, la prophétie d’Ésaïe concernant un gigantesque projet de construction routière [Ésaïe 40:3-5] n’est pas interprétée littéralement dans le Nouveau Testament, mais métaphoriquement en la personne et l’enseignement de Jean-Baptiste [Luc 3:4-6]. Mais John Owen, cet érudit puritain, connaît sa Bible mieux que la plupart d’entre nous, et il nous indique exactement l’endroit de l’Ancien Testament qui prédit « de nouveaux cieux et une nouvelle terre » :
« Quelle est cette promesse ? Et où pourrions-nous la trouver ? Nous la trouvons dans les mots d’Ésaïe 65:17. Maintenant, quand Dieu créera-t-il ces ‹ nouveaux cieux et cette nouvelle terre, où habite la justice › ? Pierre dit que ce sera après la venue du Seigneur, après le jugement et la destruction des hommes impies, qui n’obéissent pas à l’Évangile. Dès à présent, il est évident, selon Ésaïe 66:21-22, que cette prophétie concerne les temps de l’Évangile, et que la création de ces nouveaux cieux n’est rien d’autre que la création des ordonnances de l’Évangile, qui dureront à toujours. La même chose est exprimée en Hébreux 12:26-28. [16]
Owen touche droit au but, posant la question que beaucoup trop d’enseignants auraient dû se poser : Où Dieu a-t-il promit de créer de nouveaux cieux et une nouvelle terre ? La réponse, comme le dit correctement Owen, se trouve seulement dans Ésaïe 65 & 66 — des passages qui prophétisent clairement la période de l’Évangile, mise en place par l’œuvre de Christ. Selon Ésaïe lui-même, cette nouvelle création ne peut pas être un état éternel, puisqu’elle contient la naissance et la mort, la construction et l’agriculture (65:20-23). Les nouveaux cieux et la nouvelle terre promis à l’Église comprennent l’âge de la Nouvelle Alliance [qui culmine par] le triomphe de l’Évangile, lorsque l’humanité entière aura plié le genou devant le Seigneur (66:22-23).
[Pour bien comprendre cette facette de la prophétie de 2 Pierre 3 à la lumière d’Hébreux 12 et d’Ésaïe 65 & 66, il faut tenir compte de la doctrine du chevauchement de l’ancienne et de la nouvelle créations, laquelle est expliquée à la section 5.4 du document consultable ici.]
John Bray écrit : « Ce passage [Ésaïe 65 & 66] est une description grandiose de l’âge de l’Évangile après que Christ soit venu en jugement en l’an 70 et qu’il enleva les cieux et la terre anciennes. Nous avons maintenant les nouveaux cieux et la nouvelle terre de l’âge de l’Évangile. » [17] L’encouragement de Pierre à l’Église de son temps était d’être patient, d’attendre le jugement de Dieu, la destruction de ceux qui persécutaient la foi et empêchaient son progrès. « La fin de toutes choses est proche » écrivait-il plus tôt (1 Pierre 4:7). John Brown commente :
« Ici, ‹ la fin de toutes choses › est la fin de l’économie juive par la destruction du Temple et de la ville de Jérusalem, et la dispersion [de l’ancien] peuple saint. C’était imminent, puisque cette épître semble avoir été écrite vraiment peu de temps avant ces évènements. […] C’est évident que dans les prédictions de notre Seigneur, les expressions ‹ la fin › et probablement ‹ la fin du monde › sont utilisées en référence à la dissolution complète de l’économie juive (voir Matthieu 24:3,6,14,34 ; Romains 13:11-12 ; Jacques 5:8-9). [18]
Une fois que le Seigneur fut venu pour détruire l’échafaudage de la structure de l’Alliance Alliance, le Temple de la Nouvelle Alliance serait laissé à sa place, et la marche victorieuse de l’Église ne pourrait être stoppée. Selon le dessein prédestiné de Dieu, le monde sera converti ; les trésors de la terre seront apportés à la Cité de Dieu, alors que le Mandat créationnel (Genèse 1:28) [et la Grande commission] (Matthieu 28:18-20) [seront graduellement réalisés].
Voilà pourquoi les apôtres affirmaient constamment que l’âge de la consommation avait déjà été mis en œuvre par la Résurrection et l’Ascension de Christ, qui déversa l’Esprit-Saint. Paul, en parlant de l’homme racheté, dit que « si donc quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature ; les choses vieilles sont passées ; voici, toutes choses sont devenues nouvelles » (2 Corinthiens 5:17). Jean, décrivant sa vision de la culture rachetée, dit la même chose : « Je vis ensuite un ciel nouveau et une terre nouvelle […] car les premières choses sont passées […] Voici, je fais toutes choses nouvelles » (Apocalypse 21:1-5). L’auteur de l’Épître aux aux Hébreux réconforte ses lecteurs du Ier siècle avec l’assurance qu’ils sont déjà arrivés « à la Cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste » (Hébreux 12:22, Bible Martin ; voir Galates 4:26). Alors que les anciens cieux et l’ancienne terre étaient [métaphoriquement] réduits en miettes, les premiers chrétiens recevaient un « royaume qui ne peut être ébranlé », le Royaume éternel de Dieu, apporté par son Fils (Hébreux 12:26-28). Milton Terry a écrit :
« Le langage de 2 Pierre 3:10-12 est emprunté à Ésaïe 34:4, et se limite à la parousia [‹ venue › / ‹ présence ›], tout comme le langage de Matthieu 24:29. Alors, le Seigneur ébranla ‹ non seulement la terre, mais aussi le Ciel › (Hébreux 12:26), et retira les choses qui furent ébranlées afin d’établir un royaume inébranlable. » [19]
Il est crucial de noter que l’apôtre pointe continuellement l’attention de ses lecteurs sur des évènements qui ont déjà commencé à avoir lieu, et non sur des choses qui allaient avoir lieu des milliers d’années dans le futur. Autrement, sa conclusion n’aurait aucun sens : « C’est pourquoi, bien-aimés, en attendant ces choses, efforcez-vous d’être trouvés sans tache et sans reproche […] Vous donc, bien-aimés, qui êtes avertis, soyez sur vos gardes, de peur qu’entraînés par l’égarement des impies, vous ne veniez à déchoir de votre fermeté » (2 Pierre 3:14-17). Si ces choses se réfèrent à un holocauste thermonucléaire du XXIème siècle, pourquoi cet apôtre inspiré donne-t-il une exhortation aussi sérieuse à des centaines de lecteurs qui ne vivront pas pour voir les choses qu’il prédit ? Une règle cardinale d’interprétation des Écritures est que la Bible interprète la Bible ; [une ramification de cette règle est] que le Nouveau Testament est le commentaire inspiré par Dieu lui-même sur la signification de l’Ancien Testament.
Pierre déclara qu’une fois les vieilles choses retirées, l’âge de Christ serait pleinement établi, une ère « où régnera la droiture » (2 Pierre 3:13, BDP). La caractéristique distinctive de cette nouvelle ère, contrastant avec celle qui l’avait précédé, sera la droiture — une droiture grandissante, pendant que l’Évangile sera libre de poursuivre sa mission vers les nations. Il y a eu plusieurs combats à travers l’histoire de l’Église, bien sûr, et il reste beaucoup de batailles à livrer, mais ceci ne doit pas nous aveugler sur le progrès réel que l’Évangile a fait et continue de faire dans le monde. Le Nouvel Ordre Mondial du Seigneur Jésus-Christ est arrivé. Selon la promesse de Dieu, la connaissance salvatrice de l’Éternel remplira toute la terre, comme les eaux couvrent la mer (Ésaïe 11:9).
Références
- Gordon Haddon Clark, II Peter : A Short Commentary, Presbyterian & Reformed Publishing, Phillipsburg (New Jersey), 1975, p. 64.
- Jay Edwards Adams, Trust and Obey : A Practical Commentary on First Peter, Presbyterian & Reformed Publishing, Phillipsburg (New Jersey), 1978, p. 129-130. Adam Clarke (1762-1832) écrit ce qui suit dans son commentaire sur 1 Pierre 4:7 : « Pierre dit que la fin de toutes choses est proche ; et il dit cela alors que Dieu avait déterminé de détruire le peuple juif et sa politique [anti-chrétienne] par un des plus grands jugements à être tombé sur une nation ou un peuple. Très peu d’années après l’écriture de cette épître par Pierre – même si on prend la date estimée la plus tôt (60 ou 61 ap. J.-C.) – Jérusalem fut détruite par les Romains. C’est à cette destruction, qui était alors littéralement “proche”, que l’apôtre fait allusion lorsqu’il dit que “la fin de toutes choses est proche” : la fin du Temple, la fin de la prêtrise lévitique, la fin de toute l’économie juive, était alors proche. » Adam Clarke, Commentary on The New Testament of Our Lord and Saviour Jesus Christ, Vol. 2, Carlton & Porter, New York, 1810, p. 864.
- Peter James Leithart, The Promise of His Appearing : An Exposition of Second Peter, Canon Press, Moscow (Idaho), 2004, p. 83.
- Pour une défense de cette position, consultez David Chilton, Paradise Restored : A Biblical Theology of Dominion, 2ème éd., Dominion Press, Fort Worth (Texas), 2007 (1985), p. 112-122. Le fait est que lorsque l’Écriture emploie le vocable « derniers jours » (et autre expressions similaires) cela signifie, très souvent, non la fin de l’univers matérielle, mais la période de l’an 30 à l’an 70 de notre ère — la période durant laquelle les apôtres prêchaient et écrivaient, les « derniers jours » de l’Israël de l’Ancienne Alliance avant qu’il ne soit détruit pour toujours via la destruction du Temple (et avec lui l’abolition du système sacrificiel de l’A.A.) décrite par Jésus dans son discours sur le mont des Oliviers (Matthieu 24:1-34 ; Actes 2:16-21 ; 1 Timothée 4:1-3 ; 2 Timothée 3:1-9 ; Hébreux 1:1-2, 8:13 et 9:26 ; Jacques 5:7-9 ; 1 Pierre 1:20 et 4:7 ; 1 Jean 2:18 ; Jude 17-19). Voir aussi l’excellent livret de John Bray, Are We Living in the Last Days ?, John L. Bray Ministry, Lakeland (Floride), 1994, 24 p., ainsi que l’ouvrage de Gary DeMar, Last Days Madness : Obsession of the Modern Church, 4ème éd., American Vision Press, Powder Springs (Géorgie), 1999, 443 p.
- John Owen, Providential Changes : An Argument for Universal Holiness {prédication sur 2 Pierre 3:11-14}, édité par William Goold, The Works of John Owen, Vol. 9 : Sermons to the Church, Banner of Truth, Édimbourg (Lothian), 1965, p. 134.
- David Chilton, Paradise Restored, op. cit., p. 59.
- John Brown, Discourses and Sayings of Our Lord, Vol. 1, Banner of Truth, Édimbourg (Lothian), 1967, p. 171 ss.
- John Owen, Providential Changes, loc. cit., p. 134.
- Gerhard Kittel et Gerhard Friedrich, Theological Dictionary of the New Testament, édité par Geoffrey Bromiley, Eerdmans Publishing, Grand Rapids (Michigan), 1985, p. 1088.
- Athanase d’Alexandrie, On the Incarnation of the Word of God, Macmillan Publishers, New York, 1946, p. 61 ss.
- John Owen, Providential Changes, loc. cit., p. 135.
- John Owen, Providential Changes, loc. cit., p. 135.
- John Owen, Providential Changes, loc. cit., p. 134.
- Milton Spenser Terry, Biblical Hermeneutics : A Treatise on the Interpretation of the Old and New Testaments, 2ème éd., Zondervan Academic, Grand Rapids (Michigan), 1974, p. 406.
- James Stuart Russell, The Parousia : The New Testament Doctrine of Our Lord’s Second Coming, Baker Books, Grand Rapids (Michigan), 1983, p. 321 ss.
- John Owen, Providential Changes, loc. cit., p. 134 ss.
- John Bray, Heaven and Earth Shall Pass Away, John L. Bray Ministry, Lakeland (Floride), 1995, p. 26.
- John Brown cité dans Roderick Campbell, Israel and the New Covenant, Evangelical Press, Welwyn (Hertfordshire), 2010 (1954), p. 107.
- Milton Spenser Terry, Biblical Hermeneutics, op. cit., p. 489.
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