L’idée, fort répandue, que l’Europe médiévale, catholique romaine, était religieusement unie sous l’égide de la papauté, est un mythe. En effet, lors de la Lutte du Sacerdoce et de l’Empire, l’Église catholique allemande, soutenue par l’empereur germanique, fait périodiquement sécession de la papauté italienne en nommant ses propres papes qui siègent au nord des Alpes : s’accumulent 44 ans de schisme sur 60 ans entre 1061 et 1121, un long schisme de 18 ans sous l’empereur Frédéric Ier Barberousse de 1159 à 1177, puis 27 ans de guerre ouverte entre le parti impérial et le parti romaniste en 1227-1254. Par la suite, l’Église d’Occident est encore divisée entre deux (puis trois) papautés concurrentes pendant le Grand schisme d’Occident qui dure de 1378 à 1417. À cela il faut ajouter les mouvements que furent le conciliarisme et le gallicanisme médiéval, qui sont l’objet du présent article. Notez bien que s’il existe une indéniable continuité historique et intellectuelle entre ces mouvements médiévaux d’opposition au despotisme romain et la Réformation protestante, il faut se garder d’établir une filiation directe entre les deux.
Le gallicanisme en France
Doctrine et attitude caractérisées par l’accord du souverain français et de son clergé pour gouverner l’Église de France, en contrôlant et en réfrénant l’ingérence de la papauté. Le gallicanisme est un ensemble de doctrines couramment répandues en France entre le XVe et le XIXe siècle. S’opposant à l’ultramontanisme (le pouvoir d’« au-delà des Alpes »), il affirme sur les plans théologique et juridique la liberté de l’Église française et la supériorité du pouvoir royal face aux prétentions du pape visant à la théocratie pontificale. En fait, il n’y a pas eu un mais au moins trois types de gallicanisme, qui se sont souvent mêlés, parfois opposés : le gallicanisme ecclésiastique affirmant la supériorité des conciles sur le pape ; le gallicanisme royal posant, contre le pape, le roi comme chef temporel de l’Église française ; le gallicanisme parlementaire enfin, variante du gallicanisme royal.
Les origines du gallicanisme remontent au premier conflit entre le roi Philippe le Bel et le pape Boniface VIII. En 1302, par la bulle Unam Sanctam, le pape Boniface VIII déclara la supériorité du pape sur les rois. Pour s’opposer à ce coup de force, le roi Philippe le Bel réunit dans la cathédrale Notre Dame de Paris les premiers États généraux de l’histoire, tels qu’ils allaient exister par la suite. Les États généraux regroupent des représentants de l’ensemble du royaume de France : noblesse d’épée (militaires) et de robe (légistes), clergé, délégués des villes et des communes rurales. Les États généraux appuient le roi et condamnent les prétentions papales en bloc. L’Université de Paris, sûre de l’appui de la royauté, organise la résistance. Lors d’un synode tenu en 1398, elle proclame que la papauté a aliéné d’anciennes libertés françaises.
Sources :
- Gallican et gallicanisme [Encyclopédie Larousse]
- Les États généraux dans l’histoire (1302-1614)
Le conciliarisme médiéval
Au XVe siècle, les canons des conciles de Constance (1415) et de Bâle (1432-39) proclament la subordination des papes aux conciles généraux. Le cardinal Pierre d’Ailly, le théologien Jean Gerson et d’autres docteurs gallicans firent porter par le concile de Constance les deux décrets suivants le 29 mars 1415 :
- Le concile de Constance, légitimement assemblé dans le Saint-Esprit, formant un concile oecuménique et représentant l’Eglise militante, tient sa puissance immédiatement de Dieu, et tout le monde y compris le pape est obligé de lui obéir en ce qui concerne la Foi, l’extinction du schisme, et la réforme soit des membres, soit des chefs de l’Eglise.
- Toute personne de quelque dignité qu’elle soit, même papale, est tellement obligée d’obéir aux décrets du concile ou de tout autre concile canoniquement assemblé, sur les points que l’on vient de dire, que si elle y résiste opiniâtrement, on pourra la punir selon les lois et les voies de droit.
Ce principe est confirmé par la deuxième session du concile de Bâle qui se tient le 15 février 1432. À la trente-troisième session de ce même concile, le 16 mai 1439, l’archevêque d’Arles secondé par les archevêques de Tours et de Lyon et par le docteur parisien Thomas de Courcelles, firent porter les trois décrets suivants — Ce fut l’évêque de Marseille, Louis de Glandève, qui les prononça :
- C’est une vérité de la foi catholique, déclarée par le concile de Constance, et par le présent de Bâle, que la puissance du concile général, est supérieure au pape.
- C’est une vérité de la foi catholique que le pape ne peut en aucune façon dissoudre, transférer ni proroger le concile général représentant l’Église universelle, à moins que le concile n’y consente.
- On doit regarder comme hérétique quiconque contredit les deux vérités précédentes.
Source : Gallican.org
La Pragmatique sanction de Bourges (1438)
Ordonnance de Charles VII, publiée au cours de l’assemblée du clergé français réunie à Bourges de mai à juillet 1438, par laquelle étaient déclarés applicables au royaume divers canons du concile de Bâle. Les prélats français eurent à examiner et à interpréter les canons conciliaires et ne les acceptèrent qu’après quelques modifications, On a pu, à bien des égards et malgré les retouches ultérieures, la qualifier de Constitution de l’Église gallicane. Pour ménager Pie II, Louis XI abolit la pragmatique sanction en 1461 ; il la rétablit en 1464 pour protester contre les excès de la politique pontificale, puis l’abolit de nouveau en 1467 et conclut enfin, en 1472, un concordat qui rendait à Sixte IV des droits illusoires en échange d’un appui diplomatique dans les affaires italiennes. En 1478, le concile gallican d’Orléans rétablit sans le dire la Pragmatique sanction.
Source : Pragmatique sanction (1438) [Encyclopédie Universalis]
En 1438, la Pragmatique sanction de Bourges constitua l’acceptation par le roi et le clergé de France des décisions du concile de Bâle : les assemblées œcuméniques étaient placées au-dessus du pape, l’élection des évêques et des abbés par les chapitres des cathédrales et des monastères était rétablie. Sous Louis XI et Charles VIII, il parvint encore à empêcher la conclusion d’un concordat avec Rome, et pareillement sous Louis XII à qui l’appui de l’Église de France fut nécessaire pour lutter contre Jules II : l’assemblée du clergé réunie à Tours en 1510 renouvela l’affirmation des libertés gallicanes. Mais le concordat de Bologne, conclu en 1516, marqua la victoire du gallicanisme régalien sur les gallicanismes ecclésiastique et parlementaire. En vain, l’Université et le Parlement de Paris tentèrent-ils de s’opposer à l’enregistrement des bulles qui constituaient le concordat. La nomination par le roi aux évêchés et aux abbayes devint institution légale : le roi fut ainsi reconnu comme maître de l’Église de France.
Pour lire la suite : Gallicanisme [Encyclopédie Universalis]
Matériel relié :
- Podcast de 16 minutes : Le gallicanisme [Ekouter / Canal Académie]
- Quand les gallicans mobilisaient Cyprien de Carthage contre Rome : L’usage gallican de l’Afrique chrétienne tardo-antique [Revue de l’histoire des religions]
Bonjour,
Le gallicanisme est antérieur à Philippe IV. Le pape Sylvestre II (qui était plutôt occitan que français) tenait une position gallicane, donnant des libertés aux Églises locales.
Cordialement.