La blogueuse catholique Suzanne, avec laquelle je suis en débat ouvert depuis une semaine, continue d’essayer de donner des leçons d’histoire anti-protestante. Cet article est donc la suite du débat. Puisque Mme Suzanne s’obstine a répéter plusieurs affirmations non-historiques que j’ai déjà réfuté de multiples fois dans cet article, celui-ci, et celui-ci. Pour ne pas dédoubler les articles qui s’accumulent, je renvoie les lecteurs à ces précédentes publications. Sur la réalité historique de la résistance de l’Église biblique de l’Antiquité et du Moyen Âge (proto-protestantisme) aux errements doctrinaux de l’Église vaticane, je vous réfère aussi à l’ouvrage Histoire de l’Église vaudoise depuis son origine (j’ai des réserves sur le chapitre sur Constantin Ier, contrebalancez avec ceci). Désormais, je vais seulement répondre à Mme Suzanne lorsqu’elle fourni des arguments « nouveaux » (dans le cadre de cette discussion).
[Mme Suzanne :] Les calvinistes n’existaient pas en Antiquité. S’ils existaient, on en connaitraît les noms […] On a toutes sortes de documents de l’Église primitive dès le premier siècle, des écrits des gens qui ont connu des apôtres comme Ignace d’Antioche.
Parlons-en d’Ignace d’Antioche ! Nulle trace d’allégeance papale dans les sept lettres qu’il écrivit à des églises locales du bassin méditerranéen vers l’an 115. La phrase « À […] l’Église qui préside dans la région des Romains […] qui porte la Loi du Christ », contenue dans le préambule de l’Épître d’Ignace aux Romains, est fréquemment utilisée par les apologues de la Papauté pour légitimer l’hégémonie romaine sur l’Église universelle. Or tout ce que cette phrase affirme, lorsque considérée dans son contexte préambulaire, c’est que la juridiction de la congrégation chrétienne de la ville de Rome s’étend dans la région de Rome, point final. Preuve supplémentaire qu’Ignace d’Antioche n’accordait aucune autorité suprême ou extraordinaire au(x) pasteur(s) de l’Église locale de Rome : il se permit justement, dans les dix chapitres de cette même épître, de donner des directives à l’Église de Rome !
Par ailleurs, Ignace d’Antioche n’adhérait pas à la déviation papale selon laquelle l’évêque de Rome serait la « pierre fondatrice » de l’Église universelle. Ignace enseignait, en conformité avec la Bible, que chrétiens sont des tous des « pierres » (Cf. 1 Pierre 2:5) : « Vous êtes les pierres du temple du Père, préparés pour la construction de Dieu le Père, élevés jusqu’en haut par la machine de Jésus-Christ, qui est la croix, vous servant comme câble de l’Esprit-Saint. » (Épître d’Ignace aux Éphésiens 9:1) Ainsi, Ignace d’Antioche proclamait la doctrine protestante du sacerdoce universel : « Peinez ensemble les uns avec les autres, ensemble combattez, luttez, souffrez, dormez, réveillez-vous, comme des intendants de Dieu, comme ses assesseurs, ses serviteurs. » (Épître d’Ignace à Polycarpe 6:1, Cf. 1 Pierre 2:9) Pas mal pour un partisan de la Papauté !
L’expression « Sénat des apôtres », utilisée par Ignace d’Antioche (Magnésiens 7:1), implique l’égalité et la collégialité des apôtres (et non la domination de Pierre sur les autres apôtres comme le fantasment les papistes). Idem pour les presbytes (anciens) : « Pareillement, que tous révèrent […] les presbytes comme le Sénat de Dieu et comme l’Assemblée des apôtres : sans eux on ne peut parler d’églises. » (Tralliens 3:1)
Toujours selon Ignace d’Antioche, « Dieu est l’évêque des évêques » (Magnésiens 3:1-2) et non le pape ; et Jésus est le « grand prêtre » (Philadelphiens 9:1, voir Jean 10:9) pas le pape. De surcroît, Ignace admettait, conformément à l’apôtre Paul, qu’il peut y avoir plusieurs églises autonomes dans une même ville — ici Smyrne — (Tralliens 12:1). En fin de compte Ignace n’était aucunement un catholique romain au sens moderne du terme, ce qui n’est pas étonnant puisque les catholiques romains n’existaient pas à son époque.
[Mme Suzanne:] Dans les Actes des Apôtres 15, on voit que c’est l’Église réunie qui détermine que la Révélation de Jésus était universelle et que les Gentils n’avaient pas à se soumettre à la circoncision.
Jésus lui-même a affirmé très clairement que son œuvre et ses commandements ont une portée universelle (pour se limiter à deux exemples, voir Actes 1:8 et Matthieu 28:19). Les Prophètes de l’Ancien Testament avaient déjà annoncés qu’éventuellement le Dieu d’Israël sera célébré par les nations non-israélites (Jérémie 16:19, Psaume 18:49, 2 Samuel 22:50, Zacharie 2:11).
Si les chrétiens non-hébreux n’ont pas à se soumettre à la circoncision, c’est parce que ce rituel faisait partie de la Loi cérémonielle/sacrificielle, qui elle-même relevait de l’Alliance mosaïque, laquelle était particulière à la situation géopolitique de l’État hébreux pendant l’Antiquité. Comme le Saint-Esprit l’insuffla à l’apôtre Paul, ces pratiques cérémonielles/sacrificielles étaient des représentations des réalités célestes (Hébreux 9:23-24) qui anticipaient la Nouvelle Alliance en Jésus-Christ (Colossiens 2:16-17). Ainsi, les prémices de la moisson étaient offertes en offrande à Dieu un dimanche sous l’Ancienne Alliance (Lévitique 23:10-11), et la Pentecôte juive qui se fêtait un dimanche (Lévitique 23:15-17), sont des préfigurations symboliques de Christ (1 Corinthiens 15:20) qui est ressuscité un dimanche puis célébré le dimanche (Actes 20:7).
Or ce n’est pas l’Église qui, unilatéralement, détermina cela. C’est Jésus qui déclara lui-même que son ministère sacrificatoire est un accomplissement de la Loi cérémonielle/sacrificielle (Matthieu 5:17), laquelle devient expirée à partir de Son œuvre expiatrice (même si les éléments moraux universels qu’elle contient demeurent valables).
[Mme Suzanne :] Les citations de Paul concernant la suffisance de l’Écriture n’exclut pas la possibilité que l’enseignement oral continue.
Je pense qu’il est adéquat de rappeler la définition de l’adjectif suffisant : « Dont la quantité, la force, l’intensité sont à la juste mesure de ce qui est nécessaire » et la définition du verbe suffire : « Constituer à soi seul le facteur déterminant pour que soit obtenu l’effet que l’on constate ou le résultat que l’on attend. »
L’Église a-t-elle autorité sur les Écritures ? – Par la Foi