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Extrait de 1 Jean 5 dans le N.T. réformé français imprimé par Adam & Jean Riveriz à Genève en 1551    Une note marginale informe le lecteur huguenot que l’ajout non-johannique souffre d’un soutien manuscrit discutable

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L’addition non-johannique des trois témoins célestes en 1 Jean 5:6-8 (« …il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, la Parole, et le Saint-Esprit, et ces trois-là sont un… », Ostervald 1996) – aussi connue sous le vocable de comma johanneum (expression latine signifiant « petite clause de Jean » en français) – est à la fois l’un des traits textuels les plus distinctifs du “texte reçu” grec du Nouveau Testament et l’une des variantes textuelles les plus âprement débattues dans les discussions & disputes sur la transmission du texte biblique.

Le document ci-dessous est un condensé de renseignements historiques et philologiques sur cette interpolation pseudo-johannique des trois témoins célestes en 1 Jean 5:6-8. Il y est démontré, des façon très convaincante (à mon humble avis) que cette variante textuelle − quoique très mignonne – ne fait absolument pas partie du texte scripturaire authentique inspiré de la Première Épître de l’apôtre Jean fils de Zébédée. (Notez que la variante sous étude ne s’insère que dans les v. 7 & 8, mais l’inclusion du v. 6 dans la délimitation de ce lieu-variant est hautement pertinente car la formulation du v. 6 in fine dans la Vulgate confirme l’origine latine de cette insertion.)

Ce document est aussi accessible sur Calaméo et sur Issuu, ou en téléchargement direct ici.

Ce tableau fournit quelques renseignements supplémentaires sur les manuscrits néotestamentaires grecs attestant (de façon très médiocre) l’addition non-johannique en 1 Jean 5:6-8 :

Tableau des manuscrits grecs de 1 Jean 5:6-8 invoqués à l’appui de l’addition non-johannique des trois témoins célestes

La source du tableau-lui-même (pré-annotation) est Restitutio.org, mais l’auteur de ce site n’a que reproduit et formaté les informations venant de l’ouvrage de référence de Bruce Metzger et al., The Text of the New Testament, 4ème éd., Oxford University Press, 2005, p. 146-148. Les informations des annotations faites à la main proviennent de ces sources :

  • Bruce Metzger, Textual Commentary on the Greek New Testament, Alliance Biblique Universelle, 1971, p. 715-717.
  • Philip Comfort, New Testament Text and Translation Commentary, Tyndale House Publishers, 2008, p. 784-785.
  • Daniel Wallace et al., The Holy Bible : New English Translation (NET) – Full Notes Edition, Biblical Studies Press, 2019, p. 2342-2343.
  • De multiples articles des blogues Evangelical Textual Criticism et The Text of the Gospels, ainsi que du Center for the Study of New Testament Manuscripts (CSNTM).

À noter qu’en langue française, la source la plus pointue, rigoureuse et exhaustive sur cette controverse textuelle précise est le tome 5 de l’Introduction à la critique textuelle du Nouveau Testament de Paulin Martin (source qui est toutefois ardue à consulter vu son emploi d’un lettrage imitant l’écriture cursive à la main).

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Les mauvais arguments en faveur de l’authenticité de cette variante – ou à vrai dire de cette collection de variantes – auxquels je me confronte dans le document téléchargeable ci-dessus sont surtout ceux mobilisés dans cette série de prédications (parties 2 à 4). Le prédicateur (qui est mon ami et mon frère spirituel) s’était lui-même surtout basé sur des matériaux du pasteur baptiste arminien fondamentaliste David Cloud, du traducteur KJV-onlyiste (bibliolâtre) australien Nickolas Sayers, et d’un internaute évangélique anonyme américain écrivant sous le pseudonyme Berean Patriot.

Mes recherches aussi intensives que laborieuses ne m’ont pas menées vers les mêmes conclusions que ces messieurs. J’estime néanmoins avoir bénéficié spirituellement des prédications mentionnées ci-dessus parce que ce sont elles qui – en conjonction avec d’autres circonstances – m’ont poussées à m’instruire *beaucoup* sur l’histoire de la transmission textuelle de la Bible en 2022-2024 (et par extension, à rédiger la présente série d’articles sur la critique textuelle du N.T.). Au demeurant, ce prédicateur est le premier que j’ai ouï de ma vie qui ait eu l’audace de soulever l’enjeu primordial des variantes textuelles dans ses prédications ; pour ce seul fait, il mérite à mes yeux un « chapeau bas ».

Le présent article ne doit donc pas être interprété comme ayant pour but spécifique de réfuter ces prédications en particulier, et encore moins de discréditer ce prédicateur. J’ai (re)plongé dans l’étude exploratoire de la bibliologie parce que les questions entourant la fiabilité et la transmission des Écritures Saintes sont importantes pour ma foi personnelle. Ma seule intention en partageant cette documentation patiemment fouillée et minutieusement ficelée est de contribuer à l’intelligence du peuple chrétien (Osée 4:6, Éphésiens 4:23).

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Deux pages de la Saincte Bible en françoys, traduite du latin par Lefèvre d’Étaples et imprimée par Martin Lempereur à Anvers (Brabant) en 1530, conservée à la Bibliothèque de la Southern Methodist University à Dallas (Texas)    La Vulgate latine exerça une influence profonde, quoique subtile, sur le “texte reçu”

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Dans les controverses bibliologiques qui opposent les adeptes du “texte reçu” aux tenants du texte dit alexandrin, les avocats du “texte reçu” ne manquent jamais d’alléguer contre leurs adversaires que leur texte détiendrait l’avantage quantitatif conféré par la volumineuse tradition manuscrite byzantine. Par exemple, la Préface de la Bible d’Ostervald révisée (BOR, 2018) traduite par une équipe dirigée par le pasteur baptiste arminien Mario Monette affirme fièrement que le soi-disant texte reçu « est la préservation fidèle des textes originaux et conforme à l’immense majorité des manuscrits qui existent. » (p. III).

Similairement, la Préface du N.T. de la Bible de Lausanne révisée (BLR, 2022) traduite par une équipe dirigée par le pasteur baptiste calviniste Timothy Ross déclare pompeusement, à propos du texte reçu, que : « [C]’est cette famille de manuscrits du Nouveau Testament que toutes les Églises [sic] ont reçue et utilisée depuis la plus haute antiquité [sic!]. Les manuscrits de cette famille représentent la vaste majorité des quelque cinq mille manuscrits existants. » (p. III).

Dans la même veine, une brochure diffusée par la Société Biblique Trinitaire (SBT, l’éditrice de la BLR susmentionnée) et qui lui sert de manifeste pro-TR, prétends ceci :

« Lorsqu’en 1516 le plus grand savant d’Europe, Érasme, publia la première édition [complète] du Nouveau Testament grec, il prit comme base des manuscrits byzantins typiques [sic]. […] Il s’avère qu’environ 90 % des manuscrits grecs [du N.T.] représentent le texte ‹ byzantin ›. […] ‹ N’oublions pas, écrit le Pr. Owen, que ce texte [reçu] si commun que nous utilisons a publiquement appartenu à de nombreuses générations… Qu’il soit tenu pour normatif, car c’est assurément son droit et son dû. › […] L’époque de la Réforme vit la publication de bon nombre de versions protestantes de la Bible. Les traducteurs appliquaient tous les mêmes principes : ils se fondaient sur le texte massorétique [pour l’A.T.] et sur le texte byzantin, ce ‹ texte reçu › préservé par la providence divine depuis les origines [sic], et accepté dans toutes les Églises réformées ; et ils serraient la langue originale au plus près, recherchant ‹ l’équivalence formelle ›. » (Malcom Watts, La Parole que donna le Seigneur, SBT, 2012, p. 25, 27 et 30).

Voilà donc le postulat erroné qui est supposé donner du crédit aux revendications des zélateurs du texte reçu : Le texte reçu serait identique au texte majoritaire. Or, c’est faux. Le texte reçu est très loin d’être identique au texte majoritaire ou adéquatement représentatif de celui-ci. Comme nous l’avons vu précédemment dans la présente série d’articles sur la critique textuelle du N.T., il existe plus d’un millier de différences textuelles traduisibles entre le texte reçu et le texte majoritaire ! Donc même si le texte reçu (TR) est, en général, *comparativement* plus proche du texte-type byzantin que ne l’est le texte-type dit alexandrin, ce TR ne se confond absolument pas avec le texte majoritaire (𝕸).

Et il y a une réalité assez croustillante qui découle de ce décalage substantiel entre le TR et le texte 𝕸 : Très fréquemment, le texte 𝕸 et le texte alexandrin s’accordent mutuellement et leur témoignage commun diverge du TR ! Les désaccords entre le texte 𝕸 et le TR font s’écrouler le château de cartes du narratif pro-TR ; les accords réciproques entre le texte 𝕸 et le texte alexandrin dispersent cet amas de cartes aux quatre vents.

Par exemple, en Matthieu 5:27, le texte alexandrin, attesté par le Papyrus 64/67 (copié vers l’an 150) – qui est simultanément le plus vieux manuscrit de l’Évangile selon Matthieu et le plus vieux fragment d’un livre (codex) conservé au monde (!) – ainsi que par 01 et B03, lit : « Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu ne commettras pas d’adultère » (NBS). Cette lecture alexandrine est corroborée par le texte 𝕸 (cf. EMTV, WEB, BTV, MSB). Toutefois, le TR ajoute de manière illicite deux mots grecs non-inspirés et non-authentiques au milieu de ce verset, qui correspondent ici au texte en rouge : « … dit par les anciens : tu ne … » (BOR) ; « … dit aux anciens : tu ne … » (BLR).

Autre exemple : en Actes 24:6-8, dans le TR, il y a une grosse portion de texte non-original qui fut ajoutée (au texte révélé) et qui correspond ici au texte en rouge : « Et qui même a tenté de profaner le temple ; lequel nous avions saisi, et voulions le juger selon notre loi. 7 Mais le tribun Lysias étant survenu, l’a arraché de nos mains avec une grande violence, 8 En ordonnant à ses accusateurs de venir auprès de toi. Tu pourras apprendre toi-même de lui, en l’in­terrogeant, toutes les choses dont nous l’accusons » (BOR). Toute cette addition non-originale est absente d’au moins 55.3 % des manuscrits grecs d’Actes 24:6-8 ! À peine 16 % des mss contiennent une forme quelconque de cet ajout. Pire, cette variante, dans la forme exacte sous laquelle elle apparaît dans le TR (c-à-d cette sous-variante), n’est présente au mot-pour-mot que dans un très maigre 1 % des mss grecs d’Actes 24:6-8 (!), plus précisément dans le Codex Laudianus (E08), un ms diglotte gréco-latin où le texte latin a visiblement influencé le texte grec. Quant à la balance du 28.7 % des mss, ils contiennent d’autres développements textuels alternatifs. (Robert Boyd, The Text-Critical English New Testament – Byzantine Text Version, Lulu Press, 2021, p. 274 ; Albert Rilliet, Les livres du Nouveau Testament traduits pour la première fois d’après le texte grec le plus ancien, Joël Cherbuliez Libraire-Éditeur, 1858, p. 366.)

Il s’ensuit qu’en Actes 24:6-8, le texte alexandrin et le texte majoritaire se corroborent réciproquement et discréditent le TR qui tient son libellé davantage de la Vulgate latine que de l’héritage hellénique d’Antioche & Byzance. Cette sorte d’occurence, où une variante du TR provient de la Vulgate latine plutôt que du texte-type byzantin, est assez fréquent ; il s’observe aussi notamment en Actes 8:37, Actes 9:6, 2 Timothée 1:18, 1 Jean 5:7-8, Apocalypse 1:11, Apocalypse 16:5 et Apocalypse 22:19.

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Voici un document d’une quinzaine de pages regroupant un échantillon non-exhaustif d’environ 85 variantes textuelles supplémentaires réparties à travers l’ensemble du N.T. où le texte 𝕸 et le texte alexandrin se confirment mutuellement et où leur témoignage combiné contredit le TR, qui se retrouve démenti à la fois par les plus anciens manuscrits (avantage qualitatif) et par les plus nombreux manuscrits (avantage quantitatif) :

Document aussi accessible sur Calaméo et sur Issuu, ou en téléchargement direct ici.

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